Points de vue

Une journée internationale de la paix chiite-sunnite ?

Rédigé par Fatima Adamou | Samedi 21 Septembre 2013 à 00:00



Un chiite et un sunnite peuvent-ils se marier ? L’existence de cette question sous-entend un différent mais les réponses révèlent une mésentente profonde entre les deux groupes.
En effet, les oppositions à un mariage sunnite-chiite sont parfois sans appel, ou les réponses sont floues ; et dans certains cas, lorsque le mariage est célébré, ont lieu des bannissements de la famille.

Ainsi, la Journée internationale de la paix, ce 21 septembre, incitant à la réflexion et à des actions de paix devrait être pour nous, musulmans, l’occasion de revoir nos relations avec nos différents groupes et commencer à nous accepter.

Actuellement, la division est profonde et les jeux de pouvoir dans les pays à majorité musulmane l’exacerbent. Cependant, des efforts sont tentés pour résorber cela : Mustafa Cerić, grand mufti de Bosnie-Herzégovine, a rappelé dans un article des initiatives passés et a mis en garde contre les luttes pour le pouvoir ; même mise en garde par le roi de Jordanie lors d’une conférence de la pensée islamique le 20 août, à Amman, rassemblant des responsables religieux chiites et sunnites.

Mais les réunions de grands chefs religieux ne suffiront pas à réconcilier « dans la vraie vie » les musulmans de différents courants.

En France, certains musulmans ignorent ou ne comprennent pas bien l’existence des chiites et les difficultés existantes avec les sunnites dans des pays à majorité musulmane. Peut-être parce que hors de ces pays nous sommes « tous musulmans », indissociables. Surtout les musulmans de France sont majoritairement d’origine nord-africaine ou subsaharienne sunnite. Contrairement à d’autres pays comme l’Angleterre où la population de confession musulmane est plus diversifiée.

La méconnaissance n’empêche pas les idées très fermes sur les chiites : des « hérétiques » des « non musulmans », des « idolâtres d’imam, d’Ali ». Ils sont associés au mariage temporaire, à l’autoflagellation et sont vus comme les opposés des sunnites, qui, eux, s’autoproclament orthodoxes.

Comme il y a des dialogues interreligieux, il est temps de développer les dialogues intrareligieux. Et comme dans tout dialogue interreligieux, la reconnaissance des divergences est essentielle ; de même que défaire les mythes est indispensable pour un respect mutuel.
De plus, l’explication dans les groupes respectifs des raisons des désaccords existants et l’enseignement des aspects de l’Histoire mis en doute dans chaque tradition participeraient à la connaissance et au respect mutuel.

Le passé nous démontre la collaboration des deux grands courants. Les jeux de pouvoir à rompu cette réalité. Peut-être ces jeux de pouvoir ont-ils pris le dessus lorsque l’on a oublié les raisons de notre appartenance à l’islam et toutes les valeurs morales qu’elle renferme ?

Ces oublis nous ont conduits à l’arrogance et à supprimer toute reconnaissance de la valeur humaine. Il nous est devenu quasi impossible d’élever nos voix contre des actions injustes et inhumaines si elles ne concernent pas des personnes appartenant au même courant de pensée. Chez nombre de fidèles de l’islam, cela n’est même pas envisagé lorsque des non-musulmans sont concernés et frappés par l’injustice.

Cultiver la haine de l’autre est très facile, cela ne requiert aucune qualité particulière. En revanche, la paix est un exercice difficile et c’est en nous efforçant de la pratiquer que se révèlent nos vraies qualités de croyant.


Tutrice de français en Grande-Bretagne, Fatima Adamou est également researcher bénévole à l'association Christian Muslim Forum.