Société

La CNCDH appuie la lutte contre l'islamophobie en France

Rédigé par Maria Magassa-Konaté | Jeudi 3 Avril 2014 à 01:05

La Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH) a remis, mardi 1er avril, au Premier ministre Manuel Valls fraîchement élu son rapport annuel sur la lutte contre le racisme et la xénophobie. Le destinataire de ce document est mis face à ses responsabilités et à ceux des politiques dans le renforcement de l'islamophobie et du sentiment anti-Roms en 2013.



La remise du rapport annuel sur la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie de la Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH) à Matignon devait avoir lieu lors de la Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale fixée le 21 mars. Mais campagne des municipales oblige, ce rendez-vous annuel a été décalé. Finalement, le rapport portant sur l'année 2013 a été remis, mardi 1er avril, au chef du gouvernement. Manuel Valls, tout juste nommé à la place de Jean-Marc Ayrault, en est devenu le destinataire, tout trouvé car aussi visé par ce document.

Des Français de moins en moins tolérants

Illustration chiffrée d'une situation dégradée : les Français sont de plus en plus nombreux à assumer leur racisme d'après un sondage de l'institut BVA pour la CNCDH réalisé auprès d'un échantillon représentatif de 1 026 adultes. 9 % des sondés se disent ainsi « plutôt racistes» (+2 points par rapport à 2012) et 26 % « un peu racistes » (+ 4 points). Au total, 35 % disent donc être racistes.

Depuis 2009, l’indice global de tolérance a perdu près de 12 points. De plus, des électeurs habituels de la gauche affichent dorénavant de plus en plus d'opinions racistes comme le démontre les entretiens réalisés en amont du rapport et la récente percée du Front national aux municipales en témoigne. Les populations musulmanes et roms demeurent les victimes principales du racisme. « Les boucs émissaires aujourd'hui sont d'abord les Roms qui ont été stigmatisés, y compris par le gouvernement, et ensuite les musulmans arabes », a commenté Christine Lazerges, la présidente de la CNCDH lors de la conférence de presse de présentation du rapport.

Dans ce document, les Roms sont présentés comme « les moins aimés ». 85 % des sondés pensent qu'ils exploitent très souvent les enfants (+10 points par rapport à 2012) et 78 % qu'ils vivent essentiellement de vols et de trafics (+7 points).

L'islam est la religion qui dérange le plus les Français. 80 % des sondés estiment ainsi que le port du voile pose problème pour vivre en société. « Concrètement, ce sont les Arabo-musulmans qui focalisent l’essentiel des crispations, à l’exclusion de quasiment toutes les autres "minorités", excepté des Roms, qui font également l’objet de propos très agressifs », lit-on. « Une forte confusion entre les termes "Arabes", "musulmans" et "Maghrébins"» est également notée.

L'utilisation du terme « islamophobie » légitimée

Manuel Valls.
Selon les chiffres du ministère de l'Intérieur, on recense 268 actes et menaces à caractère raciste et xénophobe en moins en 2013 que l'année précédente (1 274 en 2013). Mais parmi ces actes, ceux visant les musulmans progressent de 11,3 points, à l'inverse des actes antisémites marqués par une forte baisse (-31,22 points). Les actes racistes et xénophobes connaissent également un recul, avec une baisse de 13,6 points.

Le rapport témoigne du cas particulier des actes anti-musulmans qui sont les seuls à augmenter. Face à un tel phénomène qui « inquiète jusque dans les instances internationales », il est temps de parler d'« islamophobie », juge la CNCDH. « On ne peut nier que le mot fait aujourd’hui partie du paysage politique, médiatique et institutionnel. Il s’est notamment illustré par une actualité tout à fait prégnante, à l’occasion de faits divers inquiétants qui se sont succédé, à l’instar de ces agressions ciblant des femmes voilées », argumente la commission composée de 64 personnalités et représentants d’organisations issues de la société civile.

Rejetant l'idée que le terme serait d'origine iranienne, la CNCDH va à contre-courant de Manuel Valls, sur conseil de Caroline Fourest, qui jugeait encore l'été 2013 qu'il était utilisé par des « défenseurs d’un islam fondamentaliste – en particulier les salafistes » pour « empêcher toute critique de la religion » musulmane.

Un discours fort contre le racisme attendue de la gauche

Le rapport qui lui est adressé en sa qualité de Premier ministre revient sur l'action menée par le ministère de l'Intérieur dont il était à la tête avant sa nomination à Matignon. Les ministères de l'Education nationale et de la Justice, jugés compétent dans la lutte contre le racisme, ont également été invités à rendre compte des actions qu'elles ont mené dans ces sens.

Avant tout, la condamnation ferme d'un racisme entretenu par la classe politique et les médias est attendue. « En ce qui concerne les élus et les médias, leurs propos injurieux appellent une réprobation d’autant plus sévère qu’ils jouissent d’une position d’influence et d’une visibilité », peut-on lire. « Dans un gouvernement de gauche, on attend un discours clair, net sur ces questions et pas ambigu comme on l'a eu sur les Roms », dénonce également la présidente du CNCDH, ancienne députée socialiste.

Manuel Valls, qui s'est trop souvent illustré par la stigmatisation de ces derniers et de la communauté musulmane lorsqu'il était premier flic de France, est le premier visé par les reproches de la CNCDH et c'est bien pourquoi sa nomination à la tête de l'exécutif inquiète. La gauche dans son ensemble est appelée à faire du racisme un combat de tous les jours sur le terrain.