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Société

Racisme sur le marché du travail : son ampleur mesurée en France

Rédigé par Maria Magassa-Konaté | Vendredi 21 Mars 2014 à 06:15

           

A l'échelle européenne, la crise économique a exarcerbé les comportements de discrimination envers les minorités et les migrants. Le Réseau européen contre le racisme (ENAR) s'est concentré, dans son dernier rapport publié le 17 mars en amont de la Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale fixée le 21 mars, sur le racisme subi par ces groupes dans le monde du travail. En France, le sort des femmes musulmanes voilées, trop souvent bannies de la sphère professionnelle, témoigne des discriminations trop peu combattues par les pouvoirs publics.



Racisme sur le marché du travail : son ampleur mesurée en France
Dans une Europe en pleine crise, les minorités ethniques doivent faire face à de flagrantes discriminations dans le secteur de l'emploi, fait savoir le Réseau européen contre le racisme (ENAR) dans son dernier rapport sur les discriminations dans l'emploi en Europe*. Celui-ci a été publié lundi 17 mars, à l'occasion de la Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale, qui a lieu chaque année le 21 mars.

Il en ressort que cinq groupes vulnérables sont particulièrement touchés par ces discriminations : les migrants extra-européens, les musulmans, les Roms, les Noirs et les femmes issues de l'immigration.

Ainsi, en Espagne, les migrants africains sont deux fois plus touchés par le chômage que les Espagnols tandis que, au Royaume-Uni, les personnes ayant un nom à consonance étrangère ont trois fois moins de chances d'être sélectionnées pour un entretien d'embauche que les candidats ayant un nom typiquement britannique. Même embauchées, ces populations sont plus confrontées à la précarité et à « l'effet plafond de verre » qui les empêchent d’accéder à des postes à responsabilité.

Cliché de la femme voilée « oppressée »

L'ENAR, qui avait dénoncé la montée de l'islamophobie lors de son précédent rapport annuel (2011/2012), constate également que les discriminations liées à la religion sur le marché du travail touchent principalement les fidèles d'Allah, et plus particulièrement les femmes musulmanes.

Bon nombre des analyses par pays comme ceux sur la Belgique, l'Autriche, l'Allemagne, la Grèce, l'Espagne ou encore la France le démontrent. Des stéréotypes communément véhiculés renforcent l'image négative des musulmans : les hommes sont perçus comme « arriérés » tandis que les femmes portant le voile sont vues comme « oppressées », est-il noté. Ces clichés ont le vent en poupe dans les pays où le foulard de ces croyantes n'est que très rarement accepté en entreprise.

35 % des employés du privé témoins de discriminations

C'est ainsi que, à l'instar de l'origine, la religion a « été signalée comme étant à l’origine de discriminations sur le lieu de travail, en particulier pour les musulmanes portant le voile », constate l'ENAR dans son rapport consacré à la France.

En octobre 2013, une enquête du Medef révélait qu'afficher ses convictions religieuses sur son lieu de travail est le facteur le plus discriminant aux yeux des salariés français. Le cas de la France semble particulier car, à l'échelle du continent, la majorité (56 %) des Européens estime que l'origine ethnique est le principal facteur de la discrimination au travail, indique l'ENAR.

Dans l'ensemble, le rapport de l'organisation européenne, qui s'est focalisée sur la période comprise entre mars 2012 et mars 2013, fait savoir qu'en 2012 « 35 % des employés du secteur privé et 26 % des fonctionnaires ont signalé avoir été témoins de discriminations au travail » en France.

Faire connaître le Defenseur des droits

Pour mieux lutter contre ces discriminations, encore faudrait-il pouvoir les mesurer. C'est la problématique mise en avant par l'ENAR concernant le cas de la France. L'interdiction de principe du recueil de statistiques ethniques et religieux rend notamment impossible l'évaluation des discriminations en entreprises.

« Des indicateurs sur la diversité des origines des employés devraient être établis afin d’aider à identifier la présence ou non de discrimination sur le lieu de travail », propose l'organisation de lutte contre le racisme. « Le gouvernement devrait s’assurer que ces études, telles que l’enquête "Trajectoires et Origines" de l’INED et de l’INSEE » qui, par le biais de questionnaires, collectent de telles données, « soient réalisées au moins tous les deux ans », est-il également suggéré.

Une meilleure formation des avocats et des étudiants en droit est recommandée pour permettre à ces derniers de défendre plus facilement les affaires de discriminations au travail, rarement remportées devant les tribunaux. L'ENAR estime, par ailleurs, que le Défenseur des droits a tout intérêt à mieux se faire connaître du grand public.

Racisme sur le marché du travail : son ampleur mesurée en France

Mozaik RH salué

Le grand problème réside dans le fait que les pouvoirs publics agissent peu pour endiguer les discriminations et le racisme dans les entreprises, déplore l'ENAR : « La France manque de politiques publiques ayant pour but de réduire la discrimination ethnique et religieuse au travail. »

En Europe, « ces pratiques discriminatoires continuent malgré l’existence d’une législation européenne interdisant les discriminations dans l’emploi ». Pour la présidente d'ENAR, Sarah Isal, « il est temps que les politiques prennent ce problème au sérieux, d’autant plus que l’accès à un emploi de qualité sera une priorité pour les électeurs – notamment issus de la diversité – aux élections européennes en mai ».

« Discriminer et exclure des individus dans l’emploi mène à une énorme perte de talents et de compétences, de ressources humaines et financières, et a des répercussions négatives sur le progrès et le bien-être de toutes les personnes vivant en Europe », dénonce-t-elle.

En France, le Réseau observe toutefois qu'ici et là de « bonnes pratiques » pour une plus grande diversité et égalité des chances sont menées comme c'est le cas des « partenariats d’égalité entre les grandes écoles et les lycées situés dans les quartiers socialement défavorisés » et de structures comme Mozaik RH, qui accompagne les jeunes de banlieues dans leur recherche d'emploi ou d'apprentissage.

Il en faudra toujours plus pour éradiquer une discrimination que les gouvernements européens peinent à prendre à bras-le-corps. En février 2013, plusieurs personnalités comme le chanteur Charles Aznavour ont demandé au gouvernement socialiste la création d'un « grand ministère de l'Egalité, de la Diversité et de la Lutte contre les discriminations ». En vain.

* Télécharger le rapport ENAR sur le racisme et les discriminations dans l'emploi en Europe 2012/13 (en anglais) :






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