Politique

Après la défaite, la justice attend Sarkozy au tournant

Rédigé par | Vendredi 18 Mai 2012 à 00:03

En perdant la bataille présidentielle contre François Hollande, Nicolas Sarkozy redevient un justiciable comme un autre. Pas tout de suite mais dès le 16 juin, date à laquelle les magistrats vont pouvoir lui demander des explications sur diverses affaires politico-financières. Avec les affaires Bettencourt, Kadhafi, Karachi, Merah ou encore les sondages de l'Elysée, ils seront servis.



Nicolas Sarkozy, un justiciable bientôt comme un autre au 15 juin 2012.
« Je m’apprête à redevenir un Français parmi les Français. » Cette phrase, prononcée par Nicolas Sarkozy après l’annonce officielle de la victoire de François Hollande le 6 mai, a sonné la fin de l’ère sarkozyste. Son immunité pénale l’avait protégé pendant cinq ans de toute convocation chez un juge et de toutes poursuites.

L'article 67 de la Constitution ne s'applique désormais plus à lui. Dès le 16 juin, un mois après la passation des pouvoirs, les magistrats − avec qui les relations avec Sarkozy n'ont pas été au beau fixe durant le quinquennat − vont enfin pouvoir lui demander des explications sur diverses affaires politico-financières.

Bettencourt, Kadhafi : les financements occultes de 2007 examinés

Les comptes de la campagne présidentielle de l’UMP en 2007 ont besoin d’être sérieusement passés au crible par la justice. Nicolas Sarkozy doit faire face aux accusations de Claire Thibout. L'ex-comptable de la milliardaire Liliane Bettencourt a affirmé aux juges que Patrice de Maistre, gestionnaire de fortune des Bettencourt, lui avait demandé de retirer 150 000 euros en liquide pour financer la campagne de Nicolas Sarkozy.

Ces accusations ont abouti à la mise en examen de Patrice de Maistre et d'Eric Woerth, ex-ministre du Budget sous Sarkozy mais aussi trésorier de la campagne de 2007 à qui l'argent aurait été remis. Les juges ont fait saisir les comptes de campagne ainsi que des agendas des Bettencourt montrant que l'ancien président s'était rendu au domicile des milliardaires pendant la campagne électorale de 2007. Autant d'éléments accablants qui devraient pousser prochainement les juges à convoquer Sarkozy pour l'entendre.

L’affaire Kadhafi-Sarkozy est aussi dans tous les esprits depuis que Mediapart a publié, le 29 avril, une note des services secrets libyens, dans laquelle le régime libyen avait accepté d'appuyer la campagne du candidat Sarkozy en 2007 à hauteur de 50 millions d'euros. L’ex-chef de l’Etat s’en est défendu et avait alors décidé de porter plainte pour « faux » et « publication de fausses nouvelles » contre Mediapart. Les responsables du site d'informations ont immédiatement réagi en poursuivant Sarkozy pour « dénonciation calomnieuse ».

Sarkozy tient son rôle dans l’affaire Karachi

Des affaires plus anciennes sont sur le dos de l'ex-chef d'Etat. Car avant la campagne présidentielle de 2007, la justice s'intéresse aussi à celle de 1995 d'Edouard Balladur, dont Nicolas Sarkozy était le ministre du Budget et son porte-parole de campagne. Ce dernier aurait approuvé la création de sociétés offshore au Luxembourg, par lesquelles ont transité des commissions liées à des contrats d'armement conclus par la France avec le Pakistan et l'Arabie Saoudite.

Les magistrats veulent connaître la provenance réelle d'au moins 10 millions de francs (1,5 million d'euros) versés en espèces sur le compte de campagne. Pour Balladur, il s'agit de recettes issues de la vente de tee-shirts et de gadgets mais les magistrats soupçonnent que cet argent ait été détourné pour financer la campagne de 1995, à l'issue de laquelle est sorti victorieux Jacques Chirac.

Comme pour l'affaire Bettencourt, plusieurs des proches de Nicolas Sarkozy ont été mis en examen dans le dossier : Thierry Gaubert, Nicolas Bazire ainsi que l'homme d'affaires franco-libanais Ziad Takieddine.

Dès que l'immunité pénale sera levée, Sarkozy devrait être rapidement convoqué chez le juge Renaud Van Ruymbeke, qui traite le volet financier de l'affaire Karachi. Pour rappel, c'est l’arrêt des versements de commissions qui pourrait bien être à l’origine de l’attentat de Karachi, au Pakistan, qui a coûté la vie à 14 personnes, dont 11 ingénieurs français de la Direction des constructions navales (DCN), le 8 mai 2002.

Autre affaire de gros sous : celui des sondages à l'Elysée. En février 2010, l'association anti-corruption Anticor porte plainte pour « délit de favoritisme » contre une convention, signée en 2007 entre la présidence de la République et le cabinet d'études Publifact, qui n'est dirigé par nul autre que Patrick Buisson, le très droitier conseiller du président Sarkozy. L'accord était en effet jugé irrégulier par la Cour des comptes en 2009, car passé sans appel d'offres, une procédure obligatoire lorsque de grosses sommes sont en jeu : la fourniture de sondages à l'Elysée ne coûtait pas moins de 1,5 million d'euros par an. Cependant, la plainte avait était classée sans suite en raison de l'immunité pénale du président. La justice devra se saisir à nouveau du dossier à la demande d'Anticor.

Le chef de l’Etat en cause dans les affaires Merah et Colonna

Et des affaires, Sarkozy en ramasse à la pelle, à commencer par l’affaire Merah. Le père d’Abel Chennouf, une des victimes du tueur présumé de Toulouse et de Montauban, a déposé plainte contre le président sortant et le chef du renseignement intérieur (DCRI), Bernard Squarcini, pour « non-assistance à personne en danger » au lendemain de sa défaite du 6 mai. Il estime que les autorités, la police d'élite (Raid) au premier chef, aurait pu arrêter Mohamed Merah sans avoir à le tuer.

Nicolas Sarkozy est aussi visé par une plainte, depuis mars, pour violation de la présomption d'innocence par les avocats d'Yvan Colonna, qu'il a qualifié à plusieurs reprises d'« assassin du préfet Erignac » alors que sa condamnation n'est pas définitive à ce jour. Condamné en appel à perpétuité par la cour d'assises spéciale de Paris en juin 2011 pour la troisième fois pour l'assassinat du préfet, l'ancien berger corse attend l'arrêt de la cour de cassation.

Jacques Chirac a été condamné en décembre 2011 à deux ans de prison avec sursis pour l'affaire des emplois fictifs de la ville de Paris qui remonte aux années 1990. Une première pour un ancien président de la République. Nicolas Sarkozy finira-t-il par connaître le même sort ? Sa sortie de l'Elysée ouvre une période agitée pour lui sur le plan judiciaire.




Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur