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Culture & Médias

Saïd Bourarach : ceux qui ont tué le vigile de Bobigny

Rédigé par Amara Bamba | Lundi 19 Avril 2010 à 11:03

           

La prière funéraire rituelle a été célébrée sur la dépouille de Saïd Bourarach ce vendredi 16 avril, à la mosquée d'Epinay-sur-Seine. La Grande Mosquée de Paris a voulu marquer le coup en organisant une « prière de l'absent » pour accompagner le défunt. Un chapitre est donc clos, le dossier est entre les mains de la justice. On peut désormais, en toute sérénité, commenter le traitement que nos médias ont réservé à ce qu'ils nomment « mort d'un vigile à Bobigny ».



Saïd Bourarach : ceux qui ont tué le vigile de Bobigny
Lorsque quatre excités s’acharnent sur un agent de sécurité jusqu’à ce que mort s’ensuive, les journalistes sont appelés à faire leur travail. Curieusement, ils nous livrent une information partielle. Il nous faudra attendre un peu, le temps de nous familiariser avec ce drame, pour qu'ils daignent nous informer correctement. À mon sens, la raison de cette manipulation est simple : la victime est Arabe et ses agresseurs sont Juifs.

Pour comprendre qu'il s'agit d'une tentative de manipulation collective, il faut connaître la règle des « 5 W ». Cette règle élémentaire du journalisme est connue de toutes les rédactions qui la respectent généralement.

Or, dans ce cas précis, nos journaux nous ont raconté les faits (What?). Ils les ont situés dans le temps (When?), les ont localisés dans l’espace (Where?). Ils nous ont exposé les raisons des protagonistes (Why?). Mais, ils ont oublié de dire qui est le mort, ils ont oublié de nous dire qui sont les agresseurs (Who?). Entre le 30 mars et le 3 avril, les exemples sont nombreux. Mais la palme revient au Figaro qui a pondu un article d'anthologie qui vaut vraiment le détour. Voir l'article ici.

L’AFP avait pourtant vendu la mèche. Dans une de ses premières dépêches, l'agence écrit que « la piste raciste ou antisémite n'est pas privilégiée » sans autre précision ni sur la victime ni sur ses agresseurs ! Pour le musulman de France, habitué à lire entre les lignes de nos journaux, la précision a fait tilt dans une affaire que l'on présente comme une banale violence urbaine ! La phrase nous interpelle non seulement parce qu'elle tombe comme un cheveu sur la soupe mais aussi parce qu'il nous reste un peu de mémoire.

Nous nous souvenons d'un rabbin parisien (auto)poignardé au cri de « Allahou Akbar ! » Il avait fait la une des journaux, en prenant la classe politico-médiatique par la gorge pour l’amener à dénoncer un Hamas fantasque, qui, disait-on à l'époque, aurait fait des petits jusqu’à Paris.

Nous avons en mémoire l’émotion soulevée par « la mythomane du RER D », metteur en scène occasionnelle d'un ballet politique dans un concert de déclarations, accusant « les Arabes et les Noirs, dira-t-elle, parce que ce sont eux qu’on voit toujours comme agresseurs dans les médias ».

L’on peut, aujourd'hui, sourire au souvenir des lettres antisémites que le secrétaire général de la Fédération sioniste de France s’est adressées à lui-même pour s’offrir sur un plateau la clé des rédactions !

Comment oublier la photo de ces respectables dignitaires religieux israélites, flanqués de quelques politiques, devant les ruines du centre socio-culturel juif du 11e arrondissement de Paris... avant que notre colère ne soit défaite par les aveux criminels d’un quinquagénaire habitué du lieu.

Les faux-faits antisémites ont trop souvent mobilisé nos journaux, leur offrant l'occasion de publier des diatribes xénophobes et islamophobes d'une rare violence avec, pour conséquence, une perverse communautarisation des crimes dès que les protagonistes sont Noirs, Arabes ou Juifs.

On peut, pour une fois, louer la perspicacité de la police, qui a su résister aux sirènes de la « vérité médiatique » pour donner du sens aux faits et rétablir la réalité : la réalité tout court.

Dans ce crime de Bobigny, des journaux français ont tenté de retenir l'information parce qu'ils sont victimes de leur succès dans le traitement des violences urbaines impliquant des Arabes, des Noirs ou des Juifs. Dans ce cas Saïd Bourarach, l'agression est avérée et il y a mort d'homme avec un scénario de film d'horreur : bagarre de groupe, armes blanches, chien muselé, course poursuite dans les buissons, une épouse et ses enfants qui attendent en vain toute la nuit le retour du père et, enfin, un corps qui flotte au petit matin dans les eaux du canal de l'Ourcq. Du pain bénit pour nos éditorialistes islamophobes. Sauf que... le casting ne leur convient pas. Il n'est pas propre à nourrir les fantasmes communautaristes que nos médias alimentent dans ce type de violence urbaine.

Ils étaient beaucoup plus incisifs, nos journalistes, lorsque de jeunes gens en bande se sont acharnés sur un autre jeune qu'ils croyaient riche jusqu'à ce que mort s'ensuive. Le chef de ces barbares qui, sans l'ombre du moindre doute, ne jurait que par l'appât du gain, fut intronisé par nos éditorialistes au statut d'idéologue puis égérie des jeunes musulmans de France, forcément antisémites !

Dans cette affaire de Bobigny, si des rédactions ont égratigné la déontologie qui fonde le métier, elles l'ont fait pour « éviter les amalgames ». À trop jouer les pyromanes commmunautaristes elles ont fini par se brûler les doigts.

Saïd Bourarach n'a pas eu la une des journaux. Il a juste voulu faire son boulot, il a juste voulu secourir son chien. Qu'il repose en paix ; que Dieu agrée nos prières. Et si sa fin tragique a pu faire réfléchir nos médias, et faire reculer le préjugé abject qui guide certaines rédactions chaque fois qu'un Noir, un Arabe ou un Juif est impliqué dans un acte de violence, M. Bourarach ne sera pas mort pour rien.






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