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Éditorial

Législatives 2022 : la nouvelle Assemblée nationale, avatar de la IV République ?

Rédigé par | Lundi 20 Juin 2022 à 11:00

           


Législatives 2022 : la nouvelle Assemblée nationale, avatar de la IV République ?
Une longue séquence de campagne électorale se referme enfin. Le premier acte fut la campagne présidentielle réduite comme peau de chagrin dû au contexte de pandémie, de la guerre en Ukraine et surtout du choix tactique du locataire de l’Élysée d'entrer en campagne le plus tardivement possible le conduisant à sa réélection.

Idem pour la campagne des législatives où, là aussi, la campagne du chef de la majorité fut frugale car accaparée par la scène internationale aux enjeux de forte intensité, notamment la guerre au coeur de l’Europe. Toutefois, reconnaissons qu'une attention très particulière a été accordée afin d’éviter toute dissonance cognitive pouvant s’avérer fatale dans une telle campagne. La préoccuppation légitime pour défendre la place de notre pays dans le concert des nations peut créer un immense biais cognitif chez l'électeur local et bien territorialisé. Ainsi, en plus de la situation inflationniste, il est fort à parier que le sentiment des Gilets jaunes qui, en 2018, pointait le décalage des élites parisiennes « parlant de fin du monde quand nous, on parle de fin du mois » est à l’origine du premier chantier prioritaire sur le pouvoir d’achat tant scandé par la majorité présidentielle Mais visiblement, le renforcement de la jambe gauche n’aura pas été suffisant, y compris avec un gouvernement que nous avions jugé plutôt audacieux. Plus que le pouvoir d'achat c'est possiblement le pouvoir social que les habitants de notre pays souhaitent retrouver.

C'est la première fois sous la Ve République qu'un président au lendemain de sa réélection n’obtient pas de majorité absolue parlementaire pour faire passer ses lois. C’est donc à partir d'une majorité relative et totalement sonnée que le gouvernement borne devra faire des alliances improbables avec des groupes parlementaires qui changeront en fonction des types de lois. Un cauchemar pour les fervents défenseurs d’un pouvoir totalement vertical. Une aubaine pour les défenseurs du débat parlementaires qui, pour le coup, dans cette nouvelle configuration se trouve au cœur des enjeux décisionnels.

Un retour de bâtons du précédent quinquennat

L'année 2017 avait vu le « dégagisme » avec une Assemblée nationale renouvelée dont beaucoup de nouveaux députés se sont vus épargner « la file d’attente » et accéder aux fonctions nationales. Beaucoup de femmes et d’hommes issus de la société civile ne se voyaient même pas évoluer en politique quelques mois auparavant. Notons l’excellente étude Les candidats, du sociologue Etienne Ollion édité chez PUF. Toutefois, ce manque d’expérience a affaibli le pouvoir parlementaire au profit de l’exécutif. Les partis politiques d’opposition ont d'ailleurs souvent parlé d’Assemblée de Playmobil.

Les résultats de ce scrutin 2022 traduisent certainement un retour de bâtons des cinq dernières années contre un exécutif jugé superpuissant. Nous assistons cependant peut-être à la naissance d’un avatar de la IVe République, avec son lot d’instabilité mais aussi de débats et de combines parlementaires totalement déphasés avec les aspirations d’un grand nombre de nos concitoyens. Surtout que la vie de l’hémicycle ne se confond pas avec le monde réel qui, lui, appelle à plus d’horizontalité. Pour s’en convaincre, il suffit de constater le taux d’abstention qui dépasse encore les 52 %.

N’oublions pas que la vie de député et des groupes parlementaires obéissent à des règles et à certaines disciplines pas forcément favorables au citoyen de base. Pour donner un exemple parmi tant d’autres, les impératifs qui régissent le financement, la survie, le développement du parti dont émanent les groupes politiques parlementaires peuvent occasionner des actions, voire des alliances contraires aux programmes politiques votés par les électeurs.

L'extrême droite à son apogée

Encore une fois, nous aurions aimé nous tromper lorsque nous écrivions, au lendemain du premier tour de la présidentielle, que l’hiver arrive. Le Rassemblement national débarque à l’Assemblée nationale avec un groupe parlementaire homogène de 89 députés. C'est coup de froid qui interrompt net la canicule du week-end. Il peut prétendre être le premier groupe d’opposition à la majorité relative du président et, à ce titre, réclamer la présidence de la commission des Finances comme le veut la tradition républicaine. Car même si la NUPES obtient 137 sièges, ces places restent issues d'une coalition de partis politiques que les intérêts peuvent faire voler en éclat. LFI n’emporte que 79 sièges. Très inquiétant, d’autant plus que si nous aurions appliqué la proportionnelle intégrale, le parti de Marine Le Pen aurait obtenu 132 députés contre 130 députés LREM selon une projection du ministère de l’Intérieur au lendemain du premier tour.

Le parti véritablement en marche est hélas celui de l’extrême droite, qui défendra comme premier texte au palais Bourbon une proposition de loi contre l’islamisme. A croire que la loi CRPR n’existe pas. Ce qui donnera à cet avatar de IV République un parfum nauséabond de IIIe République déclinante.

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Mohammed Colin
Directeur de la publication En savoir plus sur cet auteur


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