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Politique

Le Maroc et l’Algérie se disputent autour de la présidence du CFCM

Rédigé par | Vendredi 21 Juin 2013 à 18:15

           

La nomination du président du Conseil français du culte musulman (CFCM) est au centre d’une nouvelle dispute entre le Rassemblement des musulmans de France (RMF), proche du Maroc, et la Grande Mosquée de Paris (GMP), liée à l'Algérie. Le candidat désigné de la GMP est l’avocat des indépendantistes du Polisario, source de fortes tensions diplomatiques entre les deux pays du Maghreb. Joint par Saphirnews, Mohammed Moussaoui, toujours président du CFCM, réagit à cette affaire publique et n’exclut pas le report de la désignation du bureau et de son président.



Le candidat à la présidence du CFCM désignée par la Grande Mosquée de Paris, proche de l'Algérie, est contesté par le Rassemblement des musulmans de France (RMF), proche du Maroc.
Le candidat à la présidence du CFCM désignée par la Grande Mosquée de Paris, proche de l'Algérie, est contesté par le Rassemblement des musulmans de France (RMF), proche du Maroc.
Alors que Dalil Boubakeur, recteur de la Grande Mosquée de Paris (GMP), était annoncé pour prendre la présidence de l’instance pour les deux prochaines années dès dimanche 23 juin après accord du RMF, il n'en est rien aujourd’hui. La fédération proche de l'Etat algérien a récemment décidé de proposer un autre candidat au poste en la personne de Chems-Eddine Hafiz.

Cependant, le RMF refuse sa nomination en raison de l'appui du vice-président actuel du CFCM au Front Polisario, le mouvement indépendantiste du Sahara occidental, un territoire du sud du royaume chérifien en proie à un conflit avec Rabat depuis son annexion en 1975. Le soutien affiché de l’Algérie en faveur du Polisario est source de fortes tensions diplomatiques avec le Maroc depuis des décennies.

Conséquence : la GMP, par la voix de Dalil Boubakeur, a menacé de se retirer du CFCM si son candidat n’est pas nommé au poste de président dimanche. Ce désaccord mènerait au report de cette seconde étape des élections de l’institution dont est sorti vainqueur - non sans contestation - le RMF le 8 juin. C’est en vertu d’un accord entre cette fédération et la GMP en février 2012, un an avant l’adoption des nouveaux statuts que cette dernière devait prendre, la première, la présidence sans que l’accord n’ait été rediscuté ensuite, selon le RMF.

L'avocat Chems-Eddine Hafiz.
L'avocat Chems-Eddine Hafiz.

Hafiz, l’avocat du Polisario en conflit avec le Maroc

Chems-Eddine Hafiz est en effet l’avocat franco-algérien du mouvement et se charge de défendre leurs intérêts. En novembre 2012, l’avocat a déposé, au nom du Polisario, un recours auprès de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) visant à faire annuler l’accord agricole entre le Maroc et l’UE, en vigueur depuis octobre 2012 et qui permet l’exploitation du Sahara occidental par Rabat.

Le mouvement indépendantiste, qui déclare représenter les Sahraouis, estime que l’accord bafoue notamment « le droit à l’autodétermination du peuple sahraoui » et encourage « la politique d’annexion conduite par le Royaume du Maroc, puissance occupante selon la partie requérante ». La procédure judiciaire a été lancée en février après publication du recours au Journal Officiel de l’UE.

Me Hafiz est à ce jour injoignable mais Abdallah Zekri, un représentant de la GMP, confirme le maintien de la candidature de l’avocat. « Dalil Boubakeur s’est retiré de son propre chef, considérant qu’il ne veut pas être dans un CFCM où il (la GMP, ndlr) est minoritaire (compte tenu des résultats du 8 juin. Mais la réforme est décidée, il faut bien une personne et Hafiz ne va pas décider seul », nous indique-t-il, excluant toute « pression » de l’Algérie pour expliquer le retrait abrupt du recteur. « Le RMF n’a pas à nous imposer qui on doit présenter. Le Polisario, c’est un problème pour l’ONU, pas le nôtre », ajoute-t-il.

Moussaoui veut garder une « neutralité »

Qu’en dit Mohammed Moussaoui de toute cette affaire ? En tant que président du CFCM, « je n’ai pas à me positionner, je dois garder la neutralité. C’est une affaire entre fédérations. Je suis garant du bon fonctionnement de l’instance jusqu’à la fin de mon mandat », nous déclare-t-il, tout en confirmant, au sujet de la candidature de Me Hafiz, « des réticences exprimées par des administrateurs du RMF » partagées avec le Comité de coordination des musulmans turcs de France (CCMTF), nouveau partenaire associé à la formation du bureau du CFCM après le retrait de l’Union des organisations islamiques de France (UOIF) la veille des élections du 8 juin.

Il n’est pas sans rappeler que M. Moussaoui, ancien président du RMF, en est toujours membre mais il affirme que c’est le président de la fédération, Anouar Kbibech, qui porte les discussions avec la GMP. Me Hafiz en place et lieu de M. Boubakeur : « Le changement est récent. Je n’ai pas à l’expliquer, je m’interdis de m’immiscer dans les affaires internes » de la GMP, indique le président sortant du CFCM, qui n’est pas candidat à sa succession.

Le report de la désignation n’est pas exclu

« A ce stade, il n’y a pas de discussions formelles entre les fédérations » pour arrêter « la composition du bureau sur les trois périodes » de son mandat de six ans. « Si les trois fédérations ne se mettent pas d’accord sur une liste commune (d’ici dimanche, ndlr), il n’est pas exclu que le CFCM décide de repousser les élections à une échéance ultérieure », déclare-t-il.

De son côté, Abdallah Zekri propose, si les désaccords persistent, « que le CA prenne acte du blocage et reporte les élections du président du CFCM à septembre pour résoudre la crise », en espérant « peut-être que les ambassades mettront moins de pressions » d’ici là. Dans ce cas, il souhaite qu’un bureau temporaire soit désigné et que M. Moussaoui soit reconduit provisoirement à son poste pour apaiser les tensions.

Les ingérences étrangères demeurent, accentuant la crise de légitimité du CFCM aux yeux des musulmans de France.



Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur



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