Connectez-vous S'inscrire

Politique

Le Conseil de l'Europe contre l'interdiction totale du voile intégral et contre le vote suisse sur les minarets

Rédigé par Leïla Belghiti | Mercredi 23 Juin 2010 à 19:15

           

Par le vote, ce mercredi 23 juin, à Strasbourg, d'une résolution sur la lutte contre l'islamisme et l'islamophobie, le Conseil de l'Europe recommande aux 47 États membres concernés, dont la France, de ne pas recourir à l'interdiction du voile intégral, et enjoint la Suisse à annuler le vote sur les minarets. Ils constituent, selon les parlementaires, un délit flagrant de discrimination agencée par des débats politiques stériles.



Le Conseil de l'Europe contre l'interdiction totale du voile intégral et contre le vote suisse sur les minarets
« L'interdiction générale du port de la burqa et du niqab dénierait aux femmes qui le souhaitent librement le droit de couvrir leur visage », affirme une résolution adoptée à Strasbourg, par 108 voix, dont celles des Français, et 4 abstentions.

L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe s'est prononcée, mercredi 23 juin, contre l'interdiction du voile intégral comme l'envisagent certains gouvernements européens, dont la France et la Belgique. Au grand dam des parlementaires – de droite surtout – qui en avaient fait leur cheval de bataille comme un certain André Gerin ou un Éric Besson, qui comptent faire examiner le projet de loi d'interdiction en séance publique à partir du 6 juillet prochain et au Sénat le 7 septembre.

Interdire le voile intégral serait contre-productif

Ce projet de loi, estiment les parlementaires européens dans le texte voté, serait contre-productif, il « pousserait les familles et la communauté à faire pression sur les femmes pour qu'elles restent chez elles et se limitent à entretenir des contacts avec des femmes », tout en précisant « qu'aucune femme ne devrait être contrainte de porter une tenue religieuse ». Le texte ajoute que l'interdiction ne peut se justifier que « pour des raisons de sécurité ou lorsque les fonctions publiques ou professionnelles d'une personne lui imposent de faire preuve de neutralité religieuse ou de montrer son visage ».

Un texte tout à fait conforme à l'avis consultatif du Conseil d'État, qui avait émis des réserves quant à l'interdiction générale du voile intégral dans l'espace public.

Un vote pas raisonnable

Les parlementaires se sont également prononcés, lors de cette séance dédiée à une réflexion sur « l'Islam, l'islamisme et l'islamophobie en Europe », en faveur d'une annulation du vote contre la construction de minarets en Suisse, jugé discriminatoire envers les communautés musulmanes.
La construction des minarets, jugent les parlementaires, ne devrait être soumise qu'aux règles « de sécurité publique et d'urbanisme ».

Dans le même sens, l'Assemblée dit déplorer qu'« un nombre croissant de partis politiques en Europe exploitent et attisent la peur de l'islam en menant des campagnes politiques qui privilégient une vision simpliste et des clichés négatifs à propos des musulmans » et se dit également « préoccupée (…) par le risque d'une utilisation abusive des votes, initiatives et référendum populaires pour légitimer des restrictions des droits à la liberté de religion et d'expression ».

« Les musulmans sont chez eux en Europe, où ils sont présents depuis des siècles, comme l'indique l’Assemblée dans sa Recommandation 1162 (1991) », rappelle le Conseil de l'Europe. « Pourtant, l’intolérance vis-à-vis de l’islam et des musulmans va croissant et nos sociétés se déchirent dans des polémiques s’y rapportant », souligne Mogens Jensen, rapporteur de la commission parlementaire sur « L'Islam, l'islamisme et l'islamophobie en Europe ». Pour lui, les dernières élections qui ont eu lieu en Europe montrent une poussée des mouvements populistes s’appuyant sur ces sentiments négatifs envers l’islam.

« Cette situation est préoccupante », s'inquiète-t-il devant les parlementaires. Et de rappeler : « Souvenons-nous de ce qui s’est passé sous Hitler, souvenons-nous de la persécution dont la religion catholique fut l’objet sous Staline. Tout cela peut paraître bien lointain et l’on a du mal à imaginer que des événements similaires se produisent à l’époque contemporaine. Mais Srebrenica , c’était il y a seulement quinze ans. »

Islamophobie et islamisme sont liés

La résolution née de la commission parlementaire sur « L'Islam, l'islamisme et l'islamophobie en Europe », débattue depuis le début de l'année 2010 a donc été votée mercredi 23 Juin au Conseil de l'Europe, à Strasbourg. Menée par le socialiste danois Mogens Jensen, elle préconise le dialogue et l'éducation interreligieuse dans les universités pour lutter efficacement contre l'islamophobie et l'islamisme, cette « forme d'extrémisme politique pratiqué sous couvert de religion », partant du principe que ces deux concepts se renforcent mutuellement.

Reste à savoir désormais si le gouvernement français prendra acte de cette résolution, ou s'il ne la leur renverra pas à la figure, comme il l'a déjà fait avec les Sages.


Lire le rapport L’islam, l’islamisme et l’islamophobie en Europe de la commission Commission de la culture, de la science et de l’éducation du Conseil de l'Europe.
Lire la teneur des débats à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe sur la question de l'islam, l'islamisme et l'islamophobie.






SOUTENEZ UNE PRESSE INDÉPENDANTE PAR UN DON DÉFISCALISÉ !