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Points de vue

La fabrique du musulman

Par Jérôme Anciberro*

Rédigé par Jérôme Anciberro | Vendredi 5 Octobre 2012 à 13:20

           

La fabrique médiatique du « musulman » est un sujet d’études inépuisable, qui en dit bien plus sur l’état de nos sociétés que sur les musulmans eux-mêmes.



Comme l’ont relevé quelques rares analystes des médias, la nouvelle affaire des dessins de Charlie Hebdo – organe désormais officiel de l’islamophobie « de gauche », rabelaisienne et éclairée… – s’est déclenchée avant même la sortie en kiosque de ce journal.

Informés par des communiqués de presse, les journalistes étaient sur le qui-vive et les caméras bien en place, calées entre les camions de CRS, pour saisir les premiers soubresauts de la « colère musulmane ». Les rédacteurs en chef se frottaient les mains, les éditorialistes préparaient leurs tirades. On allait voir ce qu’on allait voir.

Las… La réaction fut décevante. De toute évidence, l’organisation médiatique du spectacle a été cette fois-ci déficiente. À moins que le public musulman, dans toute sa diversité, ait compris le piège dans lequel il risquait de tomber. Quelques centaines de protestataires, tout au plus, se sont manifestés.

Mayonnaise

Gageons que les reporters « de terrain » sauront malgré tout faire monter la mayonnaise et nous dénicher dans les semaines qui viennent quelques djihadistes autoproclamés demandant l’instauration du califat, la lapidation des caricaturistes et, pour faire bonne mesure, la destruction d’Israël. On en fera des émissions spéciales et des vidéos sur Youtube.

La fabrique médiatique du « musulman » est un sujet d’études inépuisable, qui en dit bien plus sur l’état de nos sociétés que sur les musulmans eux-mêmes. Quoi qu’ils disent et quoi qu’ils fassent, ces derniers sont aujourd’hui assignés à une identité fantasmée, construite à partir d’images d’actualité tournées au bout du monde, de faits divers, de théories fumeuses, de clichés orientalistes relayés avec un sérieux imperturbable par des « experts » diplômés des meilleurs instituts.

L’ignorance et la suffisance se joignent ici à un mépris social mal dissimulé pour construire une sorte de repoussoir contre lequel certains imaginent peut-être pouvoir assurer leur propre identité vacillante. Ce jeu ne mènera bien évidemment nulle part, si ce n’est à alimenter la méfiance ou la haine de part et d’autre.

À chacun de nous de rappeler qu’il est possible de ne pas entrer dans la partie et de manifester notre solidarité à ceux qui en ont aujourd’hui besoin.


* Jérôme Anciberro est rédacteur en chef de Témoignage chrétien





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