L’avis de Saphirnews
L’avocat Arié Alimi est l’auteur de « L'État hors-la-loi. Logiques des violences policières » (septembre 2023, La Découverte). © LDH
Arié Alimi a fait de la lutte contre les violences policières et pour les libertés publiques son cheval de bataille. C’est d’ailleurs autour de ces combats que se sont rassemblées, le 23 septembre, plusieurs dizaines de milliers de personnes en France, trois mois après la mort tragique du jeune Nahel à Nanterre. Avec L'État hors-la-loi, c’est un témoignage précieux que nous partage l’avocat au barreau de Paris dans le livre coup de poing de la rentrée 2023.
Dans son réquisitoire contre l’impunité policière, Arié Alimi livre aux lecteurs un regard d'expert forgé par deux décennies de travail judiciaire et politique sur le sujet en tant qu'avocat mais aussi membre du bureau national de la Ligue des droits de l'Homme (LDH). Il est devenu le cauchemar des négateurs du phénomène de violences policières, expression que l’exécutif français refuse aujourd’hui de reconnaître pour « ne pas jeter l'opprobre sur l'ensemble des policiers », entend-t-on. Pas de violences policières, pas de victimes donc circulez, il n'y a rien à voir. C’est le message, brutal, tel qu’il est reçu par les victimes de bavures et leurs proches qui ont vu leurs vies basculer après un contrôle ou une interpellation.
Mais encore combien de temps va-t-on encore parler de simples « dérapages » avant de prendre la mesure du problème, sa gravité, et de combattre le mal à sa racine ? C'est le propos d'Arié Alimi, pour qui les violences policières sont « un phénomène systémique » qui matérialise « le fait que l'État a délibérément décidé de ne plus respecter la loi qui s'impose à lui et, partant, de se retrouver hors-la-loi ».
« Nier les violences policières, c'est nier ceux qui en sont victimes. C'est tenter d'effacer par les mots les conséquences de ses actes. C’est se retrancher de sa propre humanité en voilant celle de l'autre », écrit l’avocat, qui dénonce aussi le traitement judiciaire du problème qui participe « de l'invisibilisation des victimes et du caractère structurel des violences policières » au regard du faible nombre de poursuites et de condamnations constaté.
Dans son réquisitoire contre l’impunité policière, Arié Alimi livre aux lecteurs un regard d'expert forgé par deux décennies de travail judiciaire et politique sur le sujet en tant qu'avocat mais aussi membre du bureau national de la Ligue des droits de l'Homme (LDH). Il est devenu le cauchemar des négateurs du phénomène de violences policières, expression que l’exécutif français refuse aujourd’hui de reconnaître pour « ne pas jeter l'opprobre sur l'ensemble des policiers », entend-t-on. Pas de violences policières, pas de victimes donc circulez, il n'y a rien à voir. C’est le message, brutal, tel qu’il est reçu par les victimes de bavures et leurs proches qui ont vu leurs vies basculer après un contrôle ou une interpellation.
Mais encore combien de temps va-t-on encore parler de simples « dérapages » avant de prendre la mesure du problème, sa gravité, et de combattre le mal à sa racine ? C'est le propos d'Arié Alimi, pour qui les violences policières sont « un phénomène systémique » qui matérialise « le fait que l'État a délibérément décidé de ne plus respecter la loi qui s'impose à lui et, partant, de se retrouver hors-la-loi ».
« Nier les violences policières, c'est nier ceux qui en sont victimes. C'est tenter d'effacer par les mots les conséquences de ses actes. C’est se retrancher de sa propre humanité en voilant celle de l'autre », écrit l’avocat, qui dénonce aussi le traitement judiciaire du problème qui participe « de l'invisibilisation des victimes et du caractère structurel des violences policières » au regard du faible nombre de poursuites et de condamnations constaté.
Un livre sans concession
Pour identifier les « différentes facettes de l'Etat dans son rapport à la population, dans ses techniques répressives, disciplinaires ou gestionnaires, mais également dans ses fonctionnements internes », Arié Alimi a identifié trois ensembles de violences pour lesquels il consacre à chacun un chapitre complet, digne d’un travail de chercheur : les violences policières ethno-raciales visant principalement les populations issues de l'immigration vivant dans les quartiers populaires, les violences visant les personnes en raison de leur expression politique, et enfin celles visant les personnes circulant à bord de véhicules routiers.
Autant de facettes, dit l’auteur, « qui montrent clairement qu'aujourd'hui, au sein des plus hautes sphères politiques, la loi est ostensiblement bafouée. L'Etat hors-la-loi est celui qui, à travers ses différentes instances, choisit délibérément de franchir les limites de la légalité, notamment à travers les violences policières commises par ses représentants ».
Autant de facettes, dit l’auteur, « qui montrent clairement qu'aujourd'hui, au sein des plus hautes sphères politiques, la loi est ostensiblement bafouée. L'Etat hors-la-loi est celui qui, à travers ses différentes instances, choisit délibérément de franchir les limites de la légalité, notamment à travers les violences policières commises par ses représentants ».
Savoir nourrir en nous « l’espoir d'une victoire de l'humanité sur la violence »
A cet égard, « le monopole de la violence légitime n'existe pas », assure Arié Alimi, car il vise au fond à « instaurer une domination de l'Etat sur la population et un assujettissement de la population à l'État » et à « mettre en place une sphère d'immunité pour les pratiques violentes illégales de ses représentants afin de consacrer un ordre répressif, disciplinaire et punitif exempt de toute critique légale ». Ce faisant, il alerte sur le danger démocratique que représentent ces violences.
Pour autant, et malgré la multiplication des affaires, l'avocat demeure convaincu que « le droit, arme de répression façonnée par l'État, peut devenir outil de justice pour les victimes, combattre la violence et transformer l'État ».
« La langue du droit est celle que la civilisation a formée pour neutraliser le cycle de la vengeance et de la violence, y compris celle du pouvoir. Pour éviter l'inéluctable qui se dessine à l'horizon, il n'y a pas d'autres stratégie que celle du droit et des mots », plaide l’avocat. « Bien sûr, l'incertitude du chemin à emprunter nous conduit parfois à succomber au désir de vengeance et à opter pour une réponse symétrique. Mais l'asymétrie des forces devrait nous faire prendre conscience de la nécessaire asymétrie des moyens. Et nourrir en nous, à chaque instant, l'espoir d'une victoire de l'humanité sur la violence. »
Pour autant, et malgré la multiplication des affaires, l'avocat demeure convaincu que « le droit, arme de répression façonnée par l'État, peut devenir outil de justice pour les victimes, combattre la violence et transformer l'État ».
« La langue du droit est celle que la civilisation a formée pour neutraliser le cycle de la vengeance et de la violence, y compris celle du pouvoir. Pour éviter l'inéluctable qui se dessine à l'horizon, il n'y a pas d'autres stratégie que celle du droit et des mots », plaide l’avocat. « Bien sûr, l'incertitude du chemin à emprunter nous conduit parfois à succomber au désir de vengeance et à opter pour une réponse symétrique. Mais l'asymétrie des forces devrait nous faire prendre conscience de la nécessaire asymétrie des moyens. Et nourrir en nous, à chaque instant, l'espoir d'une victoire de l'humanité sur la violence. »
Présentation de l’éditeur
La multiplication récente des violences policières, des morts et des blessés qu'elles ont entraînés, a rappelé à quel point l'usage de la force est corrélé au pouvoir d'État. Pour autant, ces violences restent largement impensées, généralement considérées comme la conséquence de contradictions internes à la gestion de l'ordre néolibéral. Or les violences qui ont conduit à la mort de Nahel M., à celle de Rémi Fraisse, à celle de Cédric Chouviat, comme celles qui ont consisté à mettre à genoux les lycéens de Mantes-la-Jolie ou à mutiler des gilets jaunes n'ont ni les mêmes modalités ni les mêmes rationalités.
Fondé sur l'analyse des dossiers judiciaires auxquels l'auteur a eu accès, ce livre montre que les armes, les techniques, les pratiques et les objectifs, ainsi que les réactions politico-médiatiques et les traitements judiciaires diffèrent selon que les violences ciblent une expression politique, l'exercice d'une liberté de circulation ou la simple appartenance ethno-raciale.
Discipliner, punir, instaurer ou restaurer un rapport de domination, territorialiser l'espace public, l'espace privé, les flux de circulation et, dans les cas les plus extrêmes, exprimer une violence pure – celle de l'antique pouvoir de vie et de mort –, telles sont les différentes fonctions des violences policières. Cette distinction permet de mieux saisir les rapports de pouvoir qui s'expriment entre l'État et la population et entre la police et des groupes sociaux déterminés. Elle offre aussi des prises pour tenter de répondre à une question plus fondamentale : la violence est-elle constitutive du pouvoir, un moyen de son exercice ou une condition de sa possibilité ?
Fondé sur l'analyse des dossiers judiciaires auxquels l'auteur a eu accès, ce livre montre que les armes, les techniques, les pratiques et les objectifs, ainsi que les réactions politico-médiatiques et les traitements judiciaires diffèrent selon que les violences ciblent une expression politique, l'exercice d'une liberté de circulation ou la simple appartenance ethno-raciale.
Discipliner, punir, instaurer ou restaurer un rapport de domination, territorialiser l'espace public, l'espace privé, les flux de circulation et, dans les cas les plus extrêmes, exprimer une violence pure – celle de l'antique pouvoir de vie et de mort –, telles sont les différentes fonctions des violences policières. Cette distinction permet de mieux saisir les rapports de pouvoir qui s'expriment entre l'État et la population et entre la police et des groupes sociaux déterminés. Elle offre aussi des prises pour tenter de répondre à une question plus fondamentale : la violence est-elle constitutive du pouvoir, un moyen de son exercice ou une condition de sa possibilité ?
L’auteur
Arié Alimi est avocat, membre du bureau national de la Ligue des droits de l'Homme et défend des victimes de violences policières depuis vingt ans. Il défend notamment le père de Rémi Fraisse, Jérôme Rodrigues, Manuel Coisne, la famille de Cédric Chouviat et un grand nombre de victimes et de familles de victimes dans leur combat quotidien pour obtenir la vérité et la justice.
Arié Alimi, L'État hors-la-loi. Logiques des violences policières, La Découverte, septembre 2023, 232 pages, 19 €
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