Société

Vous avez dit islamophobie ?

Des actes condamnables, pas assez condamnés

Rédigé par Leïla Belghiti | Jeudi 11 Février 2010 à 00:32

Pas moins de quatre profanations en un mois. Jamais les musulmans n'avaient connu une telle recrudescence d'actes islamophobes en si peu de temps. Mosquées et tombes profanées : les malfaiteurs s'en prennent aux signes visibles du culte musulman. Inquiets, les responsables musulmans ne se disent tout de même pas surpris, après la teneur des débats sur l'identité nationale et la burqa qui se sont principalement focalisés sur l'islam. Retour sur ce qui fait – ou ceux qui font – l'islamophobie en France.



Inscriptions racistes et croix gammées à l'entrée de la Grande Mosquée de Saint-Étienne (février 2010) : sursauts islamophobes contre la deuxième religion de France.
« Tant qu'ils n'arrêteront pas de parler négativement des musulmans, il y aura toujours de l'islamophobie », analyse Lydie, accompagnée de ses amies musulmanes, « françaises de souche ». Le malaise est palpable au sein des musulmans. Les discussions, repas de famille ou pause café finissent souvent par parler de « ça ». « Islamophobie », le terme n'existe pas (encore ?) dans le dictionnaire, mais – fait rare ! – est souvent mentionné par les médias. Une reconnaissance partielle donc, qui ne règle point le problème.

Dans la nuit du 7 au 8 février 2010, une nouvelle profanation vient s'ajouter à la liste déjà bien garnie des actes islamophobes de l'année et c'est la Grande Mosquée de Saint-Étienne (Loire) – encore en construction – qui en fut victime. « La France aux Français », « Pas d'Arabes ici », « Sales nègres », « On vous aura », ou encore « Heil Hitler », telles sont les inscriptions que pouvaient lire les fidèles de la mosquée, venus vers 6 h 30 accomplir la prière de l'aube.

Des inscriptions « choquantes » mais déjà vues ailleurs : le 17 janvier, dans l'Hérault, la mosquée de Béziers fut victime d'actes similaires ; à Strasbourg, début janvier, une série d'actes islamophobes ont été perpétrés en quelques jours à l'encontre de responsables musulmans (leurs voitures) et du maire de la ville (son domicile privé), sans compter la mosquée profanée ; le 1er février, c'est au tour d'une mosquée dans l'Oise... Et la liste « s'enrichit » de jour en jour.

Sarkozy à Notre-Dame-de-Lorette : pour calmer les tensions ?

La visite de Nicolas Sarkozy au cimetière Notre-Dame-de-Lorette (Nord) le 26 janvier dernier n'a pas calmé les esprits islamophobes. Loin s'en faut ! En plein débat houleux sur l'islam le président a choisi la date de la remise du rapport Gérin sur la burqa pour fouler le sol du cimetière où reposent les tombes des soldats musulmans morts pour la France par deux fois profanées.

« C'est une provocation ! », juge Amar Lasfar, président du CRCM Nord-Pas-de-Calais. Pour autant, les délégations invitées des représentants musulmans s'y sont gentiment rendues. Boycotter la venue du Président ?…

Un jeune musulman sur trois touché par le sentiment d'islamophobie

Une étude de l'Agence de l’Union européenne pour les droits fondamentaux publiée en mai 2009 relevait qu'un jeune musulman sur trois, âgé de 16 à 24 ans, se sentait touché par le sentiment d'islamophobie. Une donnée alarmante qui ne soucie pas plus que cela la classe politique européenne et de surcroît française, qui se plaît à l'alimenter à des fins électoralistes.

« La parole haineuse et islamophobe s'est libérée », estime le sociologue Abdelaali Baghezza. Parallèlement à la montée des actes islamophobes sur le territoire français, 54 % des Français jugent la pratique de la religion musulmane compatible avec la vie en société, contre 82 % pour la religion catholique et 72 % pour la religion juive. Un paradoxe ? « Les chiffres datent de décembre 2009. Entre décembre et aujourd'hui, beaucoup de choses se sont passées », tente de justifier un acteur associatif du Nord, « il faudrait refaire le sondage, aujourd'hui ».

Le thermomètre n'est pas au top pour les « muslims » français. Leurs voisins allemands ont l'air plus sereins : depuis le 2 février, la ville de Rendsburg (Nord) a autorisé l'appel à la prière du muezzin, lancé depuis le minaret de la mosquée.