Points de vue

Voter, c’est halal ? La participation aux élections vue par un imam

Rédigé par Azzedine Gaci | Mercredi 6 Avril 2022 à 12:00

Voter en France, est-ce licite ? Un tel débat posé aujourd'hui semble venu d’un autre âge tant il est dépassé pour une écrasante majorité des citoyens de confession musulmane, qu’ils choisissent de participer ou non aux élections. A l’heure d’un rendez-vous démocratique majeur, le scrutin présidentiel, il subsiste pourtant, selon Azzedine Gaci, des personnes qui posent encore la question à des imams, lui compris, si bien que le Conseil des mosquées du Rhône a conseillé aux imams de réserver un moment de leur sermon du vendredi qui précède le scrutin des 10 et 24 avril pour rappeler aux fidèles l’évidence, à savoir la possibilité pour chacun d’exercer leur devoir civique sans aucune restriction religieuse. Le recteur de la mosquée de Villeurbanne leur adresse, une bonne fois pour toute, ici des réponses à des questions couramment posées.



Comme tous les cinq ans, les Français vont élire en ce mois d’avril 2022 leur nouveau président. Alors que pratiquement tous les candidats ont placé la question de l’islam au centre de leurs campagnes électorales, beaucoup de citoyens musulmans ne sont pas encore sûrs d’aller voter les 10 et 24 avril prochains. Certains se posent encore des questions sur la licéité de la participation aux élections. Pour les aider à voir y plus clair et prendre les meilleures décisions, nous abordons aujourd'hui trois questions principales.

1) Est-il permis au musulman de participer aux élections dans un pays non-musulman ?

La majorité des savants musulmans sont d’avis que la participation des musulmans aux élections dans les pays non musulmans est non seulement autorisée, mais très recommandée, car elle contribue au bien commun de la société en général et des musulmans en particulier.

Cette participation peut devenir obligatoire si l’abstention des musulmans peut profiter aux extrémistes et aux partis politiques qui se nourrissent d'idéologies racistes, xénophobes et islamophobes.

2) Est-il permis au musulman de voter pour un non-musulman ?

Certains musulmans boycottent les élections, sous prétexte que la France n’est pas un pays musulman, que les candidats ne sont pas musulmans ou qu’ils ne pratiquent pas l’islam. Or ici, il ne s’agit pas d’élire un gouverneur musulman (hâkim muslim) ou un parti politique qui va appliquer la charia. Il s’agit de choisir des personnes qui seront capables de gérer les affaires de ce pays avec loyauté, justice, équité, dignité et intégrité.

Nous avons en cela l’exemple des compagnons du Prophète (PSL) qui se sont exilés en Abyssinie en 615, chez le roi Négus, qui était chrétien et qui avait la réputation d’être respectueux et juste. La majorité des réfugiés musulmans sont restés en Abyssinie pendant 15 ans jusqu’à l’expédition de Khaybar en 630. Ils n’ont jamais été inquiétés. Le Prophète (PSL) avait reconnu dans le Négus un homme de principes et de justice. C’est pourquoi il demanda aux musulmans d’aller se réfugier chez lui.

Dans l’une de ses fatawas (avis religieux), l’imam Ibn Taymiyya (1263-1328) a déclaré : « Certes, Dieu permet à un Etat "juste" de subsister même si celui-ci est dirigé par des mécréants. Mais Dieu ne permet pas à un état injuste de subsister même s’il est dirigé par des musulmans. » Il affirme ainsi clairement que c’est la justice et non le régime de croyance d’un système politique qui compte.

3) Comment choisir entre les candidats ?

Le choix des candidats doit être orienté par les principes fondamentaux suivants :

- Les programmes des candidats ;

- Les valeurs humaines, morales, éthique et de dignité, qu’ils portent ;

- L’intérêt général ;

- Le fait d’écarter tout préjudice à travers le soutien à des candidats qui agissent pour le bien commun de la société dans son ensemble ;

- Leur loyauté liée au respect de leurs engagements, des lois, des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.

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En conclusion, la participation des musulmans, en tant que citoyens, aux élections dans les pays non musulmans est très recommandée. Avancer des arguments religieux pour ne pas aller voter est irrecevable, car rien dans les textes fondateurs de l’islam ne s’y oppose.

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Azzedine Gaci est recteur de la mosquée de Villeurbanne.

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