Société

Violences policières : la justice classe l’affaire Lamine Dieng sans suite

Rédigé par | Jeudi 29 Juin 2017 à 17:30

Dix ans après la mort de Lamine Dieng dans un fourgon de police, la Cour de cassation a confirmé le non-lieu. La famille Dieng envisage un recours auprès de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Ramata Dieng, une des figures de proue de la lutte contre les violences policières, s'exprime.



La famille de Lamine Dieng a désormais épuisé tous les recours judiciaires possibles en France. La Cour de cassation a rendu sa décision mercredi 28 juin : l’ordonnance de non-lieu rendue par la chambre d’instruction de Paris en juin 2014 et juin 2015 (en appel) est confirmée. La famille de la victime va devoir verser la somme globale de 2000 euros aux huit policiers accusés.

Le 17 juin 2007, Lamine Dieng, un jeune de 25 ans est mort asphyxié dans un fourgon de la police du 20e arrondissement de Paris. Les proches de la victime avaient lancé une procédure judiciaire pour administration de coups mortels et non assistance à personne en péril. Au cours de l’intervention, le jeune homme s’est retrouvé plaqué sur le ventre, les mains menottées dans le dos, les pieds sanglés tout en subissant le poids de quatre agents sur le corps. Selon les légistes, « l’asphyxie mécanique est due à l’appui de la face contre le sol maintenue au niveau crânien ».

Selon le compte-rendu de la Cour de cassation que Saphirnews a pu consulter, « les policiers ont dû utiliser la force pour maîtriser Lamine Dieng, compte tenu de son agressivité et de son état d’agitation » et « l'usage de cette force a toujours été raisonné et proportionné ». La Cour estime en outre que « la cause certaine de la mort de Lamine Dieng n'est pas établie » car la première autopsie concluait que « la mort pourrait être due à une cause toxicologique par prise importante de produits stupéfiants » tandis que la seconde avance que « la mort est la conséquence d'une asphyxie rapide, due à une régurgitation alimentaire, accélérée par des troubles respiratoires liés à la prise de produits stupéfiants et à l'appui facial du défunt contre le sol ». La Cour récuse également l’accusation de non-assistance à personne en péril car les policiers ont « immédiatement porté secours à Lamine Dieng lorsqu'ils ont constaté qu'il faisait un arrêt cardiaque ».

La CEDH et la jurisprudence Mohamed Saoud

Ramata Dieng, fondatrice du collectif Vies Volées et soeur de Lamine Dieng.
Jointe par la rédaction, Ramata Dieng, la sœur de Lamine, s’attendait à cette issue car « quand on regarde l’historique des autres affaires, cela finit toujours comme ça ». « Il faut que les gens comprennent que, dès lorsqu’on est confronté au corps policier, on est face à l’Etat qui ne se condamnera pas lui-même. Cela n’arrivera jamais », explique-t-elle avec fatalisme.

« Même quand il y a condamnation, c’est du sursis, ce qui équivaut à une sanction disciplinaire », poursuit-elle. La fondatrice du collectif Vies Volées qui rassemble plusieurs familles de victimes des violences policières dénonce l’hypocrisie de la justice française qui « fait traîner les affaires pendant dix ans ce qui lui permet de faire illusion auprès d’Amnesty international et de l’Acat (Action des chrétiens pour l'abolition de la torture) ». Ramata Dieng annonce que sa famille va, d’ici quelques semaines, lancer un recours auprès de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) dans l’espoir de faire condamner la France.

En 2007, la CEDH avait condamné l’Etat français à rouvrir une procédure ou à payer des pénalités à la famille de Mohamed Saoud. En novembre 1998, cet homme a succombé à un arrêt cardio-respiratoire après avoir été plaqué au sol par deux policiers. La CEDH avait critiqué la technique de l’immobilisation ventrale appliquée par la police française.

La Cour de cassation dans son arrêté fait référence à la décision de la CEDH mais détaille que « la commission nationale de déontologie et de la sécurité, dans son avis, précise que la position de la France en matière d’immobilisation en position de décubitus ventral n’est pas arrêtée ; qu’il ressort des investigations, constatations et témoignages qu’il n’y a pas charge suffisante contre quiconque d’avoir commis une faute de quelque nature que ce soit, par maladresse, imprudence, inattention, négligence, manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement ». L’enjeu de la future décision de la CEDH serait de faire évoluer la législation ou, du moins, de soulever le débat en France sur les techniques d’intervention controversées des forces de l’ordre. Des méthodes qui ont probablement coûté la vie à d’autres victimes telles qu’Ali Ziri ou Adama Traoré.