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Rétrospective 2011 : la ferveur de la rue arabe marque les esprits

Rédigé par | Mercredi 28 Décembre 2011 à 00:00

Dans le palmarès des événements de l’année 2011 qui ont marqué les esprits figurent au top du podium les soulèvements populaires dans le monde arabe, qui ont débouché sur des changements inespérés. Ils ont fait les unes de l’actualité 2011 et sont bien partis pour faire celles de 2012. Retour sur ces événements et sur le sort réservé aux dictateurs déchus.



2011, l'année du début du changement dans le monde arabe.
Les « révolutions » arabes ou les « processus révolutionnaires » comme les appelle Tariq Ramadan dans son dernier livre L’Islam et le Réveil du monde arabe (Ed. Presse du Châtelet, 2011), qui ont commencé en Tunisie avant de s’étendre en Egypte, au Yémen, au Bahreïn, en Libye et en Syrie, sont le fait de milliers d’hommes et de femmes qui ont su se mobiliser pacifiquement pour réclamer leur part de liberté, de dignité et de démocratie.

Preuve que les peuples arabes aspirent aussi aux mêmes droits de l'homme que les autres peuples.

La Tunisie et l’Egypte aux avant-postes

A chacun son processus. La sérénité dans laquelle la transition démocratique se fait en Tunisie depuis les élections de l’Assemblée constituante du 23 octobre contraste fortement avec le long processus électoral en cours et émaillé de violences en Egypte depuis les soulèvements populaires de janvier.

Le Conseil suprême des forces armées (CSFA), aux commandes de l’Egypte depuis la chute de Moubarak, attise toutes les colères. « L’armée ne joue aucun rôle en Tunisie. Ce n’est pas une institution politisée et elle est extrêmement modeste alors que, en Egypte, l’armée est extrêmement imbriquée dans l’économie nationale », nous explique Kader Abderrahim, chercheur associé à l’IRIS (Institut de relations internationales et stratégiques) et maître de conférence à Sciences Po Paris.

De plus, « 97 % de la population en Tunisie est éduquée et alphabétisée, ce qui n’est pas le cas en Egypte. C’est évidemment un vrai gros défi pour ce pays que de passer d’un système vers l’autre. (…) La démocratie passe par l’éducation et il est très compliqué de construire une démocratie dans laquelle plus de 60 % de la population est analphabète et dans lequel la démographie galopante chaque année renforce ces différences et ces tensions », précise-t-il.

Aucun parti politique, a fortiori les partis islamistes, n’ont été à la tête du « Printemps arabe », mais ce sont bien les islamistes qui ont su tirer profit du changement. Durement réprimés en Tunisie et en Egypte, ils bénéficient désormais d’une belle popularité, plus encore en Tunisie en raison des garanties offertes par le parti Ennahdha. Celui-ci a gagné les élections en Tunisie tandis que les Frères musulmans sont en passe de remporter la mise en Egypte.

Mais ce vent de changement suscite les inquiétudes des Occidentaux. Désormais, ces mouvements sont attendus au tournant et de gros défis sociétaux pèsent sur ces partis.

Libye, Syrie : deux poids, deux mesures

Voisin de l’Egypte et de la Tunisie, la Libye vit une toute autre situation. La révolte des opposants au régime, aidés des puissances étrangères qui ont soutenu l’intervention de l’OTAN, s’est conclue par la chute du clan Kadhafi [lire l'encadré]. Une intervention étrangère qui tranche avec les timides réactions de la communauté internationale envers la Syrie alors que le régime du président Al-Assad a provoqué plus de 5 000 morts selon l’ONU. Malgré les violences qui perdurent, la classe politique comme les médias grand public restent discrets.

Un « deux poids, deux mesures » flagrant, qui s’explique sur fond d'intérêts économiques et politiques.

Sans surprise, l’intervention étrangère en Libye a été décidée pour des considérations purement géostratégiques et non humanitaires. Alors que les combats n’étaient pas achevés, des accords entre le Conseil national de la transition (CNT) et la France ont permis à cette dernière d’obtenir 35 % du pétrole libyen par l’entremise du Qatar, ennemi déclaré de Kadhafi. Une belle opération financière à l’heure de la crise.

Sans pétrole, gaz et autres matières énergétiques conséquents, la Syrie est moins intéressante sur le plan économique. Surtout, la non-intervention, synonyme du maintien du régime syrien, est une garantie sécuritaire pour Israël, la Syrie n’ayant jamais réellement menacé l’Etat hébreu durant ces dernières décennies.

Le Golfe persique sous haute tension

Le Yémen est plus que jamais instable. Après des mois de contestation, le président yéménite Abdallah Saleh a renoncé au pouvoir le 23 novembre en échange d’une immunité totale [voir encadré]. Un plan préparé par le Conseil de coopération du Golfe (CCG), regroupant les six pétromonarchies de la région.

Celui-ci veille également au maintien de la monarchie sunnite au Bahreïn par crainte d'une prise du pouvoir par les chiites, majoritaires dans le pays et suspectés d’être de mèche avec l’Iran, ennemi du CCG et particulièrement de l’Arabie Saoudite.

Le Maroc, une transition apparente

En Algérie ou encore en Arabie Saoudite, on est loin de voir une transformation s'opérer.

En revanche, le royaume chérifien a emprunté un autre chemin. Avec le Mouvement du 20 février, fondé pour contester la monarchie marocaine et ses travers, la peur d’un scénario à la tunisienne ou à l’égyptienne a poussé Mohamed VI a organisé un référendum sur la Constitution en juillet dernier, qui a débouché sur des élections législatives à l’issue desquelles les islamistes du PJD (Parti de la justice et du développement) en sont sortis vainqueurs. Un changement en douceur encore contesté, mais qui permet au roi de rester maître de son pays.

De bien grands défis attendent le monde arabe en 2012. Les espoirs suscités en 2011 devront se concrétiser. En cela, les peuples n'en auront pas fini de se mobiliser.

MAIS QUE SONT DEVENUS LES EX-DICTATEURS ?

Les dictateurs arabes, qui dirigeaient leurs pays d’une main de fer durant des décennies grâce au soutien sans faille de leurs alliés occidentaux, n’ont jamais imaginé qu’une ferveur populaire aurait pu ébranler leur pouvoir. Et pourtant, en un an, les choses ont bien changé après la mort, le 17 décembre 2011, de Mohamed Bouazizi, qui a su faire naître les espoirs en Tunisie et ailleurs.

Zine el-Abidine Ben Ali a été le premier à en faire les frais, mais il est également celui qui s’en est le mieux sorti. Chassé par la pression de la rue en janvier dernier après 23 ans de règne, l’ex-homme fort de la Tunisie a réussi à s’exiler en Arabie Saoudite. Le royaume saoudien n’ayant pas signé de traité d’extradition, Ben Ali est pour le moment à l’abri dans un des palais du royaume.

Malgré ses graves brûlures dues à une attaque d’opposants contre son palais en juin, Abdallah Saleh s’en est également bien sorti. Assuré de ne pas être poursuivi par la justice grâce au CCG, il devrait prochainement partir aux Etats-Unis pour s’y faire soigner.

D’autres dictateurs ont eu un tout autre destin. Hosni Moubarak, qui dirigeait l’Egypte depuis 1981, comptait sur la clémence de son peuple pour s’en sortir. Depuis et malgré un infarctus qui l’a amoindri en avril, il est mis en détention. Son état de santé n’attendrira pas les juges : il risque la peine de mort s’il est reconnu coupable des morts lors des révoltes.

Mouammar Khadafi, lui, n'aura pas survécu au Printemps arabe. Retrouvé le 20 octobre après une chasse à l’homme de plusieurs semaines, il a été tué le jour même avec un de ses fils le 20 janvier. Une fin brutale pour cet homme qui détient le record de longévité à la tête d'un Etat arabe en régnant sur la Libye pendant 42 ans. Si la plupart des membres de sa famille ont réussi à se réfugier à temps au Niger et en Algérie, Seif el-Islam, le bras droit de son père, a été arrêté et détenu par les autorités libyennes pour être jugé.

Pour le moment, Bachar Al-Assad reste maître de son pays. Mais encore pour combien de temps ?




Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur