Economie

Rencontres : homos, échangistes, musulmans, les recettes marketing gagnantes

Le succès du marketing affinitaire

Rédigé par Hanan Ben Rhouma (avec H. T. Nguyên) | Mercredi 9 Février 2011 à 02:22

La France est l’un des plus gros marchés des sites de rencontres en ligne. L’Hexagone compte en son sein environ 15 millions de célibataires selon l’INSEE, dont 90 % surfent régulièrement sur le Web. Une aubaine pour les créateurs de sites de rencontres qui permettent la recherche d’un partenaire d’un jour ou de toujours. Les musulmans, très attachés au mariage, ne sont pas épargnés et suscitent des convoitises à l’heure où les marchés de niche se développent rapidement. Les fondateurs de sites matrimoniaux destinés aux personnes de confession musulmanes n’hésitent alors pas à s’appuyer sur les expériences de sites à succès controversés.



La révolution technologique enclenchée avec la démocratisation d’Internet dans les années 2000 a changé du tout au tout les habitudes des célibataires, le Net offrant des possibilités jusque-là très peu réalisables. Le monde n’étant plus qu’à une portée de clavier, il est devenu plus facile de faire connaissance avec des personnes qu’on n’aurait sans doute jamais rencontrées dans la rue.

Forcément, Internet est devenu un outil pratique presque incontournable pour des millions de célibataires. Les fondateurs des plus gros sites de rencontres ne s’y sont pas trompés, en investissant dans ce marché. Meetic est aujourd’hui le leader incontesté en France et en Europe, drainant à lui seul respectivement 65 et 30 % de parts de marché.

Pour espérer durer et ne pas disparaître du jour au lendemain, les seules perspectives de développement qui s’offrent aux créateurs d’entreprise intéressés par ce business résident alors dans les marchés de niche, à savoir dans les sites de rencontres s’adressant à une catégorie de population bien spécifique. La rencontre par affinité (matchmaking) est devenue en peu de temps un concept qui marche en France. Elle apparaît véritablement en 2008 avec les lancements des sites Alchimie, appartenant à Match.com, et Affinity, pendant de Meetic.fr.

Le boom du « matchmaking » pour musulmans

Les sites de rencontres par affinités religieuses ne dérogent pas à la règle. Bien entendu, les Maghrébins, et in extenso les musulmans, apparaissent comme des cibles à atteindre.

Seule différence (mais de taille) : les musulmans, pour au moins 66 % d’entre eux, pensent davantage mariage que rencontres temporaires, contrairement à l’ensemble des Français (23 %), et 73 % rejettent l’idée d’avoir des rapports sexuels avant le mariage selon une étude de l’IFOP parue en décembre 2010.

Parce que les sites de rencontres sur Internet apparaissent aux musulmans plus appropriés que les soirées dans les bars ou les boîtes de nuit, les sites matrimoniaux musulmans se sont multipliés ces dernières années.

Mektoube.fr, qui a longtemps ciblé la population maghrébine, voit désormais plus large. Avec un registre comptant plus de 500 000 membres, ce site se positionne désormais comme le leader de la rencontre musulmane en France, son accroche publicitaire plus qu'incitative « Trouvez la femme hallal », terme qui veut dire"licite" en arabe, mais que certains ont dénoncé en voyant là une comparaison entre la femme et la viande (halal).

Face à lui, le tout jeune site Inchallah.com commence à percer et s’est même offert une campagne de publicité inédite sur le territoire français.

À la recherche du business model

Toutefois, ces deux sites ne font guère le poids devant Muslima.com, le leader mondial dans cette catégorie, avec un réseau fort de plus de 18 millions de membres grâce à Cupid Media Pty Ltd. Une compagnie spécialisée dans le développement des sites de rencontres, qui se concentrent sur les marchés de niche basée en Australie et gérant Muslima.com… de la même façon qu'elle gère GayCupid.com pour les homosexuels, BrazilCupid.com pour des rencontres avec des Brésiliennes ou encore MilitaryCupid.com avec des militaires.

Attrait pour les musulmans, les gays, les exotiques, les uniformes : tous dans le même sac ? N'en déplaise aux esprits revêches, d'un point de vue marketing la réflexion stratégique et commerciale est in fine la même : il s'agit d'investir sur un marché de niche, puis de faire du benchmarking pour investir d'une niche à l'autre et ainsi de suite : jackpot garanti.

Comme Muslima.com, les responsables d’Inchallah.com se sont ainsi appuyés sur l’expertise de sites similaires de rencontres affinitaires. Selon le site Yabiladi.com, Ahmed Hatem, son fondateur, aurait été, un temps, le directeur associé de Neteck, spécialisé dans la gestion de sites tels que… Nethomo.com pour les rencontres gays et Netechangisme.com, leader sur le marché de la rencontre libertine en France.

De quoi suffire pour susciter des cris d'orfraie de la part de musulmans, qui remettent alors en cause le sérieux de ces sites. Mais, selon Ahmed Hatem, interrogé par Saphirnews, Inchallah.com n’appartiendrait en aucun cas à Neteck : il n’y aurait pas travaillé, même s’il admet avoir eu des liens avec cette société par le passé. Ces « liens » lui auraient suffi pour copier le business model des sites pour gays et libertins, afin d'assurer la pérennité de sa société, dont la devise est « Une rencontre, si Dieu le veut ». Dieu est Audient, c'est bien connu...

Des sites communautaristes ?

Business is business ! Au fur et à mesure que ces sites prennent de l'ampleur, les rangs des détracteurs grossissent aussi.

Quand certains musulmans considèrent ce moyen de rencontres comme étant haram (illicites), d'autres estiment qu'il favorise le communautarisme. Mais qui prétend ne pas chercher la personne qui lui ressemble et qui a une culture, des valeurs et des croyances communes ? Qui se ressemble s'assemble, dit l'adage.

Toujours est-il qu’en France, où le modèle jacobin assimilationniste est une règle d’or et où la pratique affichée de sa religion demeure une question polémique, difficile pour les sites de rencontres affinitaires à consonance religieuse d’échapper au débat (houleux).

Bien que ces sites de rencontres musulmans soient clairement affinitaires, tout comme peuvent l’être Theotokos.fr et Iktoos.com pour les chrétiens ou e-Mazal.com pour les juifs, ils sont loin d’être communautaristes. Ces sites affirment être ouverts à tous les inscrits, même s’ils répondent bel et bien à des attentes spécifiques.

C’est tout le but du marketing. Ces sites de rencontres communautaires sont certes marginaux au regard des sites généralistes (Meetic affichant un chiffre d'affaires mirobolant de plus de 43 millions d'euros en 2010). Mais ils ont des perspectives de croissance du matchmaking immenses. Alors, comme tout capitaliste qui se respecte, pourquoi s'en priver ?...