Société

Projet d'attentat contre la mosquée de Montélimar : « un silence scandaleux »

Rédigé par | Mardi 7 Avril 2015 à 11:30

La communauté musulmane de Montélimar – et par-delà cette ville du Drôme - est sous le choc. Quatre lycéens de l’Ecole des pupilles de l’air de Montbonnot-Saint-Martin, près de Grenoble (Isère), ont projeté un attentat à l’explosif contre une mosquée de Montélimar. Le président de l'association à la tête du lieu de culte, indigné du silence politique autour de cette affaire, réagit sur Saphirnews.



La mosquée de Montelimar (Drôme), la cible d'un attentat avorté par des lycéens arrêtés début avril 2015.
Ce radicalisme dont on n'entend pas parler. Quatre adolescents âgés de 16 et 17 ans avaient pour projet d'attaquer la mosquée Essalam de Montélimar à l'explosif. Ces jeunes scolarisés à la prestigieuse Ecole des pupilles de l’air (EPA), située près de Grenoble, ont reconnu les faits pendant leur garde à vue et ont été mis en examen le 2 avril pour « association de malfaiteurs ».

C’est l’attentat contre Charlie Hebdo en janvier dernier qui aurait mis un coup d’accélérateur à ce projet islamophobe fou qui germait dans l’esprit d’un lycéen, lui-même habitant de Montélimar. Ce dernier, pour qui balancer de la charcuterie contre la mosquée ne lui suffisait pas, a partagé l'idée avec trois de ses camarades, partants. Finalement, un membre du groupe a pris peur et a alerté son école, qui a ensuite signalé les faits à la gendarmerie, selon Le Dauphiné Libéré. Du matériel en vue de fabriquer une bombe artisanale, des armes et des munitions de même qu'un plan d'action auraient été découverts lors de perquisitions.

Les lycéens, inscrits en première et en terminale, ont d'ores et déjà fait l'objet de mesures d'exclusion « à titre conservatoire » de l’EPA. Le collège-lycée accueille, depuis sa création en 1941, des enfants de personnels militaires et de fonctionnaires et, depuis 2008, des boursiers recrutés dans le cadre du plan Égalité des chances, « méritants scolairement et n’ayant aucun lien avec la Défense ». « L'armée de l'air est scandalisée par le comportement de ces jeunes dont les intentions ne correspondent pas aux valeurs de l'Armée de l'air, ni à celles enseignées dans l'école », a fait part à l’AFP le colonel Jean-Pascal Breton, du Service d'information et de relations publiques de l'armée de l'air (Sirpa).

L'ACMM s'emploie à rassurer les musulmans

Quelques jours après la révélation de cette affaire, « on est extrêmement choqué », a déclaré à Saphirnews Mohamed Semghouni Gherissi, président de l’Association cultuelle musulmane de Montélimar (ACMM), qui gère la mosquée Essalam. Ce pédiatre de profession, à tête de l'association « depuis un an », assure que l'édifice religieux n'a « jamais reçu aucune menace », même après les tragiques événements de janvier à l'issue desquels une explosion d'actes islamophobes a été constatée.

L’ACMM a décidé, le temps d'un week-end, de suspendre temporairement les cours de langue arabe et de religion dispensés à la mosquée aux 185 enfants inscrits, de même que les cours destinés à la centaine d'adultes, « des convertis et des personnes de la seconde et de la troisième génération ». Pas par peur, nous déclare Mohamed Gherissi, mais plutôt pour « faire face à l’affluence des journalistes et préserver nos enfants ». D'ailleurs, les cours du soir et les prières collectives ont été maintenues dans leurs horaires. Quant aux cours du week-end, ils reprendront normalement dès le 11 avril.

Son message premier aux musulmans est « de les rassurer et de continuer les projets », nous indique Mohamed Semghouni Gherissi, assuré de la solidarité des musulmans de Montélimar. Depuis vendredi, « on a curieusement une grande affluence à la mosquée. Ces moments doivent pousser les musulmans à se rapprocher de leurs mosquées », ajoute-t-il. Essalam peut accueillir, lors de la prière hebdomadaire du vendredi, près de 800 fidèles, dont une centaine de femmes.

Un deux poids, deux mesures « scandaleux »

Au-delà de la sphère musulmane, le silence politique qui règne autour de cette affaire est assourdissant et indigne l'ACMM. A l'exception du député-maire Franck Reynier (UDI) qui a rendu une visite à ses responsables pour leur manifester son soutien, les condamnations publiques et les marques de solidarité jusqu'au plus haut sommet de l'Etat manquent à l'appel.

« Paradoxalement, nous n’avons obtenu des informations que par les journalistes. Nous n’avons eu aucune nouvelle des ministères de l’Intérieur et de la Défense ou du préfet », ni même du parquet de Grenoble en charge de l'affaire, nous signifie Mohamed Semghouni Gherissi. « Même la police et la gendarmerie n'a pas fait une visite à la mosquée. Tous sont aux abonnés absents. C'est scandaleux », à l'heure où les risques de passages à l'acte violent contre les musulmans sont réels depuis janvier, fait-il part, en dénonçant « un deux poids, deux mesures » flagrant.

L’ACMM, qui a annoncé l’installation prochaine d’une caméra de vidéosurveillance « contre toute intrusion », étudie d'autres mesures de sécurité, notamment celui d'employer une société de gardiennage. Mais cette décision sera « collégiale », en accord avec les fidèles car ce sont eux qui financeront toute mesure : aucune aide publique particulière n'est prévue d'être octroyée à l'association, qui ne fait pas partie du millier de structures cultuelles que le ministère de l'Intérieur déclare surveiller dans le cadre du plan Vigipirate. L'annonce faite fin février par le ministre Bernard Cazeneuve de débloquer des fonds pour contribuer au financement d'équipements de sécurité n'est pas une mesure effective à ce jour.

Un précédent cas à Vénissieux

Les lycéens ont été inculpés mais laissés en liberté et placés sous contrôle judiciaire. Au lendemain de leur mise en examen, le père de celui qui habite Montélimar, un policier municipal, s'est suicidé.

Cette affaire en rappelle une autre. Un militaire avait projeté un attentat contre la mosquée des Minguettes, à Vénissieux, en août 201, le jour de l’Aïd al-Fitr qui clôture le mois du Ramadan. Alors qu’il avait avoué les faits, il avait été relaxé en avril 2014. L’homme a en revanché été condamné quelques mois plus tard pour avoir dégradé une mosquée de Gironde en août 2012.



Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur