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Société

Les mosquées profanées face au coût de la sécurité

Rédigé par Maria Magassa-Konaté | Lundi 19 Août 2013 à 06:00

           

Choc. Un militaire projetait d'attaquer une mosquée de Vénissieux située dans la région lyonnaise le jour de l'Aïd al-Fitr, jeudi 8 août. Heureusement, la veille de cette festivité, l'homme été arrêté par les forces de l'ordre. Cet épisode, qui aurait pu virer au drame, intervient alors que les mosquées sont de plus en plus prises pour cibles par les islamophobes. Les responsables des lieux de culte musulman aimeraient renforcer leur sécurité, mais encore faut-il en avoir les moyens financiers.



Une mosquée en France.
Une mosquée en France.
Un drame a été évité de justesse à la mosquée Al-Forqane des Minguettes à Vénissieux, près de Lyon. A l'occasion de la fête de l'Aïd al-Fitr clôturant le mois de Ramadan, un jeune militaire de 23 ans y préparait un attentat. Il comptait tirer à l'arme à feu devant le lieu de culte, où comme partout en France de nombreux fidèles étaient attendus.

Plus de peur que de mal : arrêté, il n'aura pas pu mettre à exécution son acte terroriste. Mais l'existence d'un tel projet renforce l'inquiétude de la communauté musulmane, dont les mosquées sont régulièrement prises pour cibles depuis plusieurs mois. Le jeune homme a d'ailleurs avoué en garde à vue avoir lancé un cocktail molotov sur la porte de la mosquée de Libourne, un jour après l'Aïd al-Fitr en 2012. Ce lieu de culte d'Aquitaine voit aujourd'hui sa sécurité renforcer, a pu constater Saphirnews, qui a voulu savoir quelles actions menaient les associations cultuelles après une profanation.

La vidéosurveillance comme solution

En effet, Nour Eddine Kammech, le vice-président de l'Association des musulmans de Libourne, fait savoir mercredi 14 août qu'une « caméra de vidéosurveillance est en cours d'installation devant la mosquée ». Loin d'être une réponse au jet de cocktail molotov lancé par le jeune militaire, cette caméra est un vœu ancien des responsables de la mosquée. Il y a trois ans alors que la mosquée était en construction, l'« idée d'une vidéosurveillance », « à titre de prudence », était déjà là, raconte M. Kammech. « Avant, cela n'était pas dans notre budget. Mais là, nous avons eu un devis moins cher », ajoute-t-il.

Ce système de vidéosurveillance coûte « environ 4 000 à 5 000 € », précise-t-il. Il aurait été bien utile lorsque le jeune militaire avait agi. Même si le début de feu déclenché par son engin incendiaire a été rapidement maîtrisé par un pompier, une caméra aurait pu permettre son identification.

A présent, cette caméra fraîchement installée « enregistrera tout sur un disque dur important » commente M. Kammech.

Les mosquées « ne sont pas riches »

Mais beaucoup de mosquées, touchées, elles aussi, par des actes antimusulmans ne peuvent pas mettre en place un tel système. La raison ? « financière », répond Mohamed Hajji, le président du Conseil régional du culte musulman (CRCM) de Midi-Pyrénées et président de l'Association musulmane de Montauban. « On l'a envisagé au début, mais les associations ne sont pas riches. Nous vivons simplement avec les dons des fidèles », explique-t-il.

Résultat : « rien » n'a été mis en place quand deux têtes de cochon ont été découvertes sur le portail de la mosquée de Montauban (Tarn-et-Garonne) ainsi qu'une importante mare de sang sur son sol, en août 2012, en plein mois du Ramadan.

L'association n'est pas la seule à manquer de moyens pour l'installation d'une caméra. C'est le cas également de la mosquée Sounna, située à Besançon, dans le Doubs. « Le soir, on ferme la grille », indique juste Abdallah Hamzaoui. En février dernier, une étoile de David, symbole du judaïsme, avait été inscrite comme par provocation sur l'un des piliers du lieu de culte, qui accueille au maximum 600 fidèles. « On ne peut pas mettre de vidéosurveillance. Cela coûte un peu trop cher. Si un jour on avait les moyens, peut-être que oui », commente M. Hamzaoui.

Pour l'heure, la mosquée à d'autres « priorités » et procède à l'installation d'un « système de détection de fumée et d'un système de détection d'espionnage », qui deviendront obligatoires à partir de 2014, nous-dit-il.

Dans la petite ville du Barp, en Gironde, rien de particulier non plus n'a été entrepris par l'association gestionnaire du lieu de culte de la ville pour renforcer sa sécurité et celle de ses 80 fidèles. Pourtant, la sécurité apparaît comme une nécessité dans cette salle de prière cible de six attaques. « Mais on ne peut rien faire », se désole Mohamed Zaï, le président du lieu de culte.

Inquiétude grandissante

Dernièrement, en plein Ramadan, « il y a quinze jours », une « bouteille » incendiaire a été jetée sur la salle de prière, raconte M. Zaï, mardi 13 août. A Libourne, aussi, la dernière semaine du Ramadan, « juste avant l'Aïd », la mosquée a subi un acte islamophobe. Une lettre reprenant des informations sur la perception négative de la majorité des Français sur les musulmans avec, en illustration, la « photo d'une fille avec un foulard et une bombe sur la tête » a été trouvée dans la boîte aux lettres de la mosquée, fait savoir M. Kammech.

« L'islam est mis en cause tout le temps », déplore-t-il. Pour M. Hajji, les derniers événements de Vénissieux sont « très inquiétants ». Face à ce climat délétère, il faudrait sans conteste « sécuriser les lieux de culte », juge ce dernier.

Mais le manque de financement freine les associations cultuelles, qui ne peuvent que compter sur l'organisation de journées portes ouvertes pour détendre l'atmosphère après de tels actes.

Reste qu'elles ont intérêt à intégrer la dimension sécuritaire dans leur projet de lieu de culte alors que les autorités peinent à rassurer. Rien qu'en quatre mois, début 2013, 13 mosquées ont été profanées en France.





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