Points de vue

Paris-Gaza : un monde s'écroule, réponse à BHL

Rédigé par Nassurdine Haidari | Jeudi 24 Juillet 2014 à 06:00

A l'heure d'une tragédie d'ampleur à Gaza, les intellectuels et politiques invoquant le droit d'Israël à se défendre pour justifier son offensive sanglante se font nombreuses en France. Parmi eux, on retrouve Bernard-Henri Levy, dit BHL, qui a dernièrement estimé qu'« il n’y a pas agression, mais contre-attaque d’Israël face à la pluie de missiles qui, encore une fois, s’abattaient sur ses villes et qu’aucun Etat au monde n’aurait tolérés si longtemps ». L'écrivain a également fustigé les manifestants, des « jihadistes du dimanche », sortis dans les rues défendre le peuple palestinien. Réaction.



Il y a une France qui se dressera toujours contre l’injustice, la barbarie humaine et la colonisation. Cette France a encore manifesté son soutien à l’un des derniers peuples martyrisés, humiliés, par la colonisation. En scandant « Israël assassin, Hollande complice », cette France a exprimé sa vive réprobation face à la politique suicidaire d’Israël, face à l’avilissement de la position française et a exprimé la volonté de voir un jour la Palestine vivre en toute liberté.

Oui ! Cette liberté ô combien précieuse à Paris, que certains voudraient spolier aux Palestiniens. Cette liberté que certains responsables communautaristes voudraient négocier à Gaza, au nom de la sécurité d’un Etat colonial en violation de toutes les résolutions internationales. Cette liberté, si précieuse pour nos enfants qui, à Paris, nous pousserait à prendre les armes, si un seul homme voulait nous en priver. Cette liberté que la France, pays des droits de l’homme, devrait défendre au nom de la République et des valeurs qui forgent l’unité de nos concitoyens. Unité malmenée par un président qui, pour la première fois sous la cinquième République, dans un communiqué indigne, s’est aligné sur le discours va-t’en guerre d’un Premier ministre étranger, d’une droite extrême, cédant ainsi allègrement aux sirènes de la haine... La sécurité d’Israël légitimant le droit de tuer à Gaza. Une triste nouvelle pour la paix.

Une paix assassinée

Depuis, un massacre s’organise sous les yeux du monde libre, dans la gesticulation macabre des chancelleries occidentales, dans le silence complice de ces intellectuels apeurés à l’idée d’être taxés d’antisémitisme, dans la compromission de certaines personnalités indéfectiblement et pernicieusement attachées à la politique israélienne, incapables d’éprouver la moindre compassion pour toutes ces vies détruites.

Complices de toutes les atrocités que nous voyons sur internet ou en allumant nos TV. Hôpitaux, ONG, écoles, médias, mosquées, femmes, nourrissons, vieillards, handicapés, ambulances... rien ni personne n'est épargné dans des quartiers rasés, sous les yeux admiratifs d'une partie de la population israélienne, regardant le tapis de bombes s'abattre sur Gaza, tel un feu d'artifice du 14-Juillet en France... Comment iriez-vous dire à ces hommes et à ces femmes, qui cherchant dans les gravas un petit bout de main, un petit bout de pied, un morceau manquant du haut du crâne de leurs enfants, quelques fois à peine âgés de cinq ou six mois, calcinés par un missile de Tsahal, que la paix est voulue par Israël ?

Comment persuaderiez-vous ce père de famille qui, croyant que ces enfants jouaient sur la plage, les a retrouvés déchiquetés, atteints par un obus tiré d'un bâtiment naval de Tsahal, ne leur laissant aucune chance de survie, que la paix est voulue par Israël ? Comment calmeriez-vous cet enfant horrifié, voyant sa mère allongée à même le sol, décapitée par les frappes de Tsahal ? Comment le convaincriez-vous de pardonner et de penser que la paix est voulue par Israël ? La vérité, c’est qu’Israël ne recherche ni la paix ni la destruction du Hamas ; elle propage la mort et demande au peuple palestinien de se résigner et d’éteindre la petite lueur d’espoir et d'humanité qui est en elle. Cette petite lueur d'humanité à un nom, elle est appelée partout dignité. Et tant qu’il y aura des hommes qui lutteront pour cette dignité bafouée par d’autres hommes, ils trouveront des frères de route partout où la dignité a encore un sens.

Les importateurs de haine

Et comment ne pas perdre raison ici en France, quand des Français importent les maux de ce conflit meurtrier ? Lorsque le CRIF se fait la voix de la droite et de l’extrême droite israélienne, prônant la construction d'un Etat d'apartheid, c’est le pacte républicain qui est déchiré. Lorsque le CRIF se fait le porte-voix de la politique de colonisation en Israël, ce sont les fondements même de nos libertés fondamentales qui sont menacés. Lorsque certains intellectuels orientés trouvent des excuses ou des raisons au massacre d’innocents, de femmes, et d’enfants, c’est le début de la tyrannie qui guette aux portes de Paris. Car rien, et je dis bien rien, ne peut justifier excuser ou relativiser la mort d'un seul enfant assassiné sauvagement au nom d'une quelconque idéologie...

Lorsque des Français sont enrôlés dans l’armée d’occupation israélienne pour détruire un autre peuple, c’est le conflit israélo-palestinien qui prend racine en France. Lorsque BHL nie la colonisation et l’agression d’Israël sur ces pauvres Palestiniens, demandant même cyniquement qu’ils déposent les armes tout en sachant que ceux qui les avaient déjà auparavant déposées n’ont vu ni égalité de traitement, ni liberté, ni dignité, c’est une insulte adressée au peuple palestinien et à l’esprit de la résistance française qui, arme à la main, s’est battue pour la liberté de la France.

Lorsque la Ligue de défense juive, milice communautaire, interdite aux États unis et même en Israël, « gère la sécurisation des lieux de cultes » en allant provoquer des émeutes à Paris, en saccageant des lieux publics, en proférant des propos racistes et en agressant physiquement des « noirs » des « arabes » ou des « musulmans » en plein Paris, et couverte par la police et le gouvernement français, c'est le commencement de la balkanisation de la citoyenneté française et le commencement de la gestion de l'espace public par des milices communautaires interposées. Lorsque le racisme est combattu à Paris et qu’il se déchaîne avec tant de violence à Gaza, c’est entrouvrir une brèche dans notre modèle républicain.

La réalité, c’est que Gaza n’est pas la seule à s’écrouler sous les bombes ; il y a également un monde qui s’écroule avec elle : celui de la LIBERTE des peuples, de l'EGALITE des peuples et de la FRATERNITE entre les peuples.

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Nassurdine Haidari est un ex-élu PS de Marseille et délégué du Conseil représentatif des associations noires de France (CRAN).