Religions

Mohammed Moussaoui : « Parmi nos priorités, clarifier le marché du halal et enclencher la réforme du CFCM »

Bilan de la première année de mandat à la tête du CFCM

Rédigé par Anissa Ammoura | Dimanche 21 Juin 2009 à 02:00

Un an après l'élection d'un nouveau Conseil français du conseil musulman (CFCM), son président, Mohammed Moussaoui, dresse le bilan de l'instance représentative de la gestion du culte musulman en France : constructions de mosquées, abattage rituel, islamophobie, pèlerinage... Il réagit également à l'actualité, notamment à la proposition de création d'une commission d'enquête parlementaire sur la burqa et le niqab et aux états généraux de la bioéthique organisés en ce moment sur tout le territoire national. Le président du CFCM s'explique pour Saphirnews. Interview.



Mohammed Moussaoui : « Traiter d'un phénomène marginal qu'est le port de la burqa ne me paraît pas compatible avec la période de crise économique que la France vit actuellement. »

Saphirnews : Tout d'abord, quelle est votre opinion sur l'éventuelle création d'une commission d'enquête sur la pratique du port de la burqa et du niqab ?

Mohammed Moussaoui : Je suis très étonné de la procédure. Demander une commission d'enquête parlementaire n'est pas quelque chose de simple, et est normalement utilisée pour des problèmes de société importants.
Or, là, il s'agit – qu'on le veuille ou non – d'un phénomène très marginal. Demander une commission parlementaire pour traiter d'un phénomène marginal ne me paraît pas compatible avec la période que nous vivons actuellement. Nous traversons une crise économique qui a jeté des centaines de milliers de familles dans le désarroi et l'angoisse. Il aurait été préférable que les députés qui demandaient cette commission d'enquête demandent plutôt une commission d'enquête sur les nombreux licenciements qui touchent des centaines de milliers de familles.

Par ailleurs, je tiens à préciser que l'ensemble des musulmans de France, dans leur immense majorité, aspire à vivre leur religion dans la sérénité, loin de tout extrémisme. Les personnes qui se sont exprimées ont quand même fait un amalgame entre l'islam et le port de la burqa, ce qui a eu pour effet de stigmatiser, une fois de plus, les musulmans de France.

D'autre part, pour l'immense majorité des savants musulmans, le port de la burqa n'est pas une prescription religieuse. C'est un phénomène rare et régional dans le monde entier, bien que cette pratique soit présente dans certaines régions du monde musulman. La communauté musulmane de France ne souhaite pas être identifiée à ces phénomènes rares et marginaux.

D'une façon générale, je pense que le port de la burqa, dans une société comme la nôtre, ne permet évidemment pas à la femme d'avoir une vie sociale normale, d'accéder, par exemple, aux services administratifs sans difficultés, et ce, pour des raisons que tout le monde peut comprendre, puisqu'il faut pouvoir identifier la personne en face.

Souvent on avance que ces femmes sont victimes de pression de la part de leur mari, ce qui n'est pas toujours le cas. Pour ma part, en tant que musulman de France, je souhaite tout simplement à ces femmes de rejoindre la pratique religieuse du juste milieu, loin des extrêmes, qui leur permettrait de vivre pleinement leur vie religieuse et sociale dans notre pays qu'est la France. De plus, cette pratique n'est pas une obligation ni une recommandation pour la majorité des musulmans.

Enfin, le port de la burqa n'a rien à voir avec le port du voile, qui, selon l'immense majorité des écoles juridiques musulmanes, est une obligation religieuse.

Quel est donc, un an après les élections, le bilan du CFCM ?

Mohammed Moussaoui : Beaucoup d'éléments ont évolué. Par exemple, pour la construction des lieux de culte, les choses se sont améliorées, sans pour autant qu'on les attribue au présent mandat.

C'est une évolution continue : les progrès, démarrés il y a quelques années, se sont accentués ces derniers temps. On a vu de grands projets de construction de mosquées voir le jour. Le dialogue avec les pouvoirs publics, au niveau local et national, s'est nettement amélioré.

Tout au long de cette année, nous avons essayé de dialoguer et de travailler, ensemble, avec le bureau central des cultes. La coopération était très fructueuse. Nous avons pu faire avancer de nombreux dossiers concernant le culte musulman dans un climat de sérénité et de transparence.

Concernant les constructions de mosquées, quel est le bilan chiffré ?

Mohammed Moussaoui : Je ne peux pas vous donner le chiffre exact mais, actuellement, il est question de presque 2000 lieux de culte et d'une soixantaine de grands projets en construction.

En ce sens, une circulaire du ministère de l'Intérieur chargé du culte, diffusée le 25 mai dernier, est importante pour nous. Elle permet de recadrer la situation juridique des constructions de lieux de culte et favorise le dialogue entre les associations locales musulmanes et les maires de commune, au même titre que la circulaire sur les cimetières mis en place l'an dernier.

La circulaire du 25 mai clarifie certaines aspects liés aux lieux de culte : la construction, la rénovation, le financement, les baux emphytéotiques, tout ce dont ont besoin les porteurs de projets de lieu de culte. D'ailleurs, cela concerne non pas uniquement les lieux de culte musulman, mais tous les lieux de culte.

Et sur l'abattage rituel ?

Mohammed Moussaoui : Dès le mois de juillet 2008, nous avions eu quelques craintes, avec un projet de règlement européen visant la révision ou le remplacement de la directive européenne de 1993.

Le dernier vote du Parlement européen est allé dans le sens que nous souhaitions, c'est-à-dire la protection de la liberté religieuse.
L’évolution de ce projet nous satisfait globalement, puisque l’abattage rituel n’a finalement pas été remis en cause. Nous attendons maintenant la confirmation du vote du Parlement, avec le vote du Conseil des ministres européens, qui a lieu ce 22 juin.

Quelles avancées relevez-vous concernant la question du halal ?

Mohammed Moussaoui : Une des tâches les plus importantes était de sauvegarder l'abattage rituel, c'est-à-dire l'existence même du halal. Pour la fête de l'Aïd el-Kébir, des avancées ont été faites dans certaines régions. Globalement, la création de sites d'abattage temporaire a été encouragé, avec une augmentation significative de ces lieux.

Il y a eu aussi une sensibilisation des abattoirs pérennes pour qu’ils soient exceptionnellement utilisés à cette occasion. De plus, certaines communes ont encouragé des structures mobiles, voire les ont financées.

Concernant le marché même du halal, la commission « halal » s'est réunie plusieurs fois. Elle avance petit à petit sur le dossier. Nous ne voulons pas brusquer les choses, nous savons que cela nécessite beaucoup de réflexions. Il faut chercher le consensus.

La commission « Halal » a-t-elle pris des décisions pour mieux encadrer ce marché ?

Mohammed Moussaoui : Elle s’est déjà fixé un objectif : créer un cahier des charges opposable à tous les professionnels, à tous les niveaux, du sacrificateur jusqu'au producteur. On a des éléments importants dans ce dossier qui ont été avancés. Il y a aussi une réflexion sur les organismes de contrôle et les agréments donnés aux sacrificateurs, avec une possibilité d'étendre à d'autres organismes liés au CFCM. Pour l'instant, ce sont les trois grandes mosquées [Paris, Évry, Lyon, ndlr] qui détiennent la compétence de délivrer des cartes sacrificateurs.

Quand sera présenté ce cahier des charges ?

Mohammed Moussaoui : J'espère qu'il sera présenté en conseil d'administration du CFCM avant la fin 2009, et que des décisions seront prises en concertation avec les professionnels. Nous voulons surtout associer tous les acteurs sur ce dossier pour garantir la réussite de la démarche.

Ce dossier fait partie des priorités, d'autant plus que le CFCM avait avancé à plusieurs reprises, dans ses mandats précédents, la possibilité que le marché du halal puisse financer son fonctionnement. Au- delà de servir la communauté musulmane et de clarifier le marché halal, pour la survie du CFCM, il est important que ce marché puisse l'aider à développer ses activités.

Et les avantages pour les consommateurs musulmans ?

Mohammed Moussaoui : Lorsque l’on parle de cahier des charges, on parle de méthodes de traçabilité et de contrôle qui permettront au consommateur d'être bien averti. La finalité est de s'accorder sur un ou des label(s) halal, tous reconnus pour leur sérieux. Le consommateur pourra ainsi vérifier facilement l'authenticité et la traçabilité des produits qu'il va consommer.

Qu’en est-il de l’organisation du pèlerinage ?

Mohammed Moussaoui : Nous avons pu mettre le doigt sur des difficultés, en termes d'organisation. Un des objectifs du CFCM est de créer une mission « Pèlerinage » en partenariat avec les autorités saoudiennes, pour être un interlocuteur privilégié au niveau de la France et pour aider à son déroulement.

Bien que le CFCM ne puisse pas être mandaté par l'État français comme son représentant, on pourrait imaginer une mission « Pèlerinage» comme dans les pays musulmans, où celle-ci est chargée de l’organiser du départ jusqu'au retour. Le tout, en faisant en sorte que le principe de la laïcité ne soit pas violé, et que la souveraineté de l'Arabie Saoudite soit respectée.

Nous essaierons d'envoyer une commission du CFCM en Arabie Saoudite, qui se chargera de voir sur place les possibilités que peut avoir cette mission « Pèlerinage ». En partenariat avec plusieurs associations, dont les Scouts musulmans, nous essaierons, au moment des départs, de porter une aide aux pèlerins dans les aéroports principaux. En termes d'information, nous diffuserons également un guide à toutes les Régions, par le biais des CRCM.

Qu'a fait concrètement le CFCM à la suite des actes à caractère islamophobe de l'année passée ?

Mohammed Moussaoui : Le CFCM a mené plusieurs actions pour défendre la dignité du culte musulman et des musulmans. À cet égard, nous avons diffusé plusieurs communiqués de presse au cours de l'année, à l'occasion des profanations de tombes musulmanes, à la suite d'agressions d'individus du fait de leur qualité de musulman... Nous avons demandé aux autorités que les enquêtes soient menées jusqu'au bout, avec beaucoup plus de moyens.

Nous avons été vigilants sur ce qui se dit sur l'islam et les musulmans sur les sites Internet et avons attiré l'attention de plusieurs fournisseurs d'accès. Des pages Internet à caractère islamophobe ont ainsi été fermées à l'initiative du CFCM. D’autre part, nous avons aussi entamé des contacts avec le Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF) pour travailler activement avec ses membres.

En novembre 2008, lors de votre première réunion entre le CFCM et le CRIF, il était question de créer des commissions de travail mais aussi un comité de liaison sur les questions de société, qu’en est-il ?

Mohammed Moussaoui : Durant cette rencontre, il était question que le CRIF et le CFCM s’engagent à combattre le racisme, l’antisémitisme et l’islamophobie. Ce dernier terme a été utilisé dans un communiqué commun. Le fait que le CRIF ait accepté d’utiliser ce terme dans son vocabulaire est déjà une avancée.

En revanche, les commissions de travail n’ont pas été mises en place. Les événements de Gaza y étaient pour quelque chose : ils n’ont pas permis qu’il y ait davantage de rencontres entre le CFCM et le CRIF. Il y a eu une parenthèse et la constitution de ces commissions de travail est remise à une date ultérieure.

Nous ne sommes pas en mesure de reprendre ce dossier là où il s’est arrêté. Mais, tout au long de cette année, le CFCM et le CRIF, chacun de son côté, ont condamné les actes de racisme, d’islamophobie et d’antisémitisme et ont défendu les personnes qui en étaient victimes.

Où en est l’Association judéo-musulmane depuis la démission des représentants musulmans, en janvier dernier, au moment de l’offensive d'Israël à Gaza ?

Mohammed Moussaoui : Je ne pourrai pas vous renseigner. Tout ce que je sais, c’est que à la suite de la démission de certains membres – dont le vice-président de cette association – celle-ci a continué à fonctionner avec la partie juive.

D’autres musulmans ont rejoint l’association, qui a recommencé à faire des activités de même nature que celles qu’elle faisait avant les démissions. Je pense que cette association aurait besoin d’une refonte pour pouvoir clarifier la participation musulmane. Il ne suffit pas d’aller chercher deux ou trois personnes pour qu’elles rejoignent l’association et dire que l’association a repris ses travaux. Alors là, non !

Avez-vous déjà réalisé un bilan avec les CRCM ?

Mohammed Moussaoui : Une réunion des présidents des CRCM (conseils régionaux du culte musulman) a eu lieu au moment des événements de Gaza, spécifiquement dédiée à la gestion de cette crise au niveau régional.
Mais, le 28 juin prochain, lors du conseil d’administration du CFCM, tous les CRCM seront invités à participer à ce conseil. Il sera question de dresser les bilans au niveau régional, car, sur les projets locaux, le CFCM s’appuie sur ces CRCM et sur les fédérations qui le composent.

Souvent, on pense – à tort – que le CFCM doit construire des mosquées, organiser des colloques. Il s’agit en fait d’une structure légère qui s’appuie sur des fédérations et des grandes mosquées.
Tout bilan de l’action du CFCM au niveau national serait faussé si on ne tenait pas compte de l’activité de toutes les fédérations dont il est la résultante.

Pourtant, on ne connaît que très peu les actions locales des CRCM...

Mohammed Moussaoui : Oui, peut-être au niveau de Paris. Mais, au niveau régional, soyez sûre que les gens savent très bien ce qui se fait dans les Régions. Par exemple, en PACA, le CRCM suit de très près nombre de dossiers. En termes de relations entre le CFCM et les CRCM, il y a une coopération et en même temps presque une indépendance. D’ailleurs, cela a été voulu, dès le départ, dans les statuts. Les CRCM opèrent d’une façon presque indépendante vis-à-vis du CFCM, sauf en termes d’échange d’informations.

Vous êtes le seul représentant du CFCM à être présent sur la scène médiatique, où sont les autres ?

Mohammed Moussaoui : Le vice-président chargé de la réforme, Fouad Alaoui, mène actuellement des discussions sur la réforme du CFCM. Il conduit un groupe de réflexion sur ces questions : comment améliorer ou remplacer la fameuse « règle des mètres carrés » pour améliorer la représentativité des lieux de culte, les statuts du CFCM, son mode de fonctionnement... Lorsque les travaux auront bien avancés, il y aura forcément une communication sur le sujet.
Le vice-président chargé des commissions, Chems-Eddine Hafiz, supervise, quant à lui, l’avancement de toutes les commissions thématiques, environ une dizaine.

Le vice-président chargé des Régions, Haydar Demiryurek, est, pour sa part, chargé des relations avec les différents CRCM.

Vous avez assisté aux États généraux de la bioéthique*, quelle est la position du CFCM en la matière ?

Mohammed Moussaoui : Il y avait trois forums : un à Marseille, un à Rennes et l’autre à Strasbourg. Pour celui de Marseille, tous les cultes étaient invités, mais nous n’avons été informés que tardivement. Je n'ai donc participé qu'à ceux de Rennes et de Strasbourg.

À Rennes, le débat portait sur l’assistance médicale à la procréation. Nous, les représentants des cultes, sommes intervenus au moment des questions des citoyens. J’ai donc énoncé la position de l’islam sur ce sujet, sur les questions tranchées ou non.

Sur l’assistance médicale à la procréation, trois principes sont importants : le respect de la vie, celui de la dignité humaine et celui de la filiation. Tous les cultes s’accordent sur les deux premiers principes, sauf sur le dernier, dans la mesure où, concernant la filiation, nous avons une vision peut-être un peu particulière. Nous considérons que la filiation est un besoin essentiel pour la cohérence interne de l’être humain et la construction de son lien social.

L’islam considère donc que l’insémination artificielle, lorsqu’elle est faite avec le sperme du conjoint, est autorisée. Il en va de même pour la fécondation in vitro, lorsqu’elle est réalisée avec les gamètes du couple marié – les unions libres n'entrent pas dans ce cadre-là. La question de la congélation des embryons fécondés n’est pas encore tranchée.
Pour l’instant, l’avis majoritaire est de féconder uniquement les embryons qui vont être transférés, et donc d’éviter la congélation parce que cela pose des problèmes éthiques importants, surtout lorsque l’embryon congelé n’est plus l’objet d’un projet parental : qu’est-ce qu’on fait avec ? Pour l’islam, l’embryon est un être humain dont la dignité, la vie doivent être respectées. Le détruire revient donc à détruire un être humain.

Concernant la gestation, le don de gamètes, c’est-à-dire le sperme et les ovules, est prohibé dans la religion musulmane, car ce don fausse la filiation et met l’enfant qui va naître dans l’ignorance de ses origines.
Pour les mêmes raisons, la gestation pour autrui est également prohibée, car elle peut générer des problèmes à la fois pour la mère porteuse, pour l’enfant qui va naître et pour les enfants de la femme porteuse...

À Strasbourg, le forum portait essentiellement sur la transplantation des organes et la génétique. Les cultes ont été interrogés sur la transplantation des organes.

Sur le don d’organes, j’ai évoqué la position de l’islam qui le considère comme un don, une solidarité, pourvu que ce don soit encadré de précautions suffisantes. La personne qui donne doit être consentante. Son consentement doit être libre, éclairé, sans pression et sans désinformation.

Des précautions doivent aussi être prises pour éviter la marchandisation du corps humain, qui va à l’encontre de principes importants comme l’indisponibilité du corps humain.

Que pensez-vous des initiatives telles que la création de la Fédération laïque des citoyens de sensibilité musulmane ?

Mohammed Moussaoui : « Il n'est pas opportun de communautariser la vie sociale française. »
Mohammed Moussaoui : Entre le mois de février et le mois de juin, trois initiatives ont été lancées s'agissant de « fédérations laïques ».

Il y a eu une initiative lancée par Mme Malika Ben Larbi, avec Convergence méditerranéenne et d'autres associations, qui devait se concrétiser par un dîner qui n'a finalement pas eu lieu. Vient ensuite la fédération Mosaïc, que j'ai rencontrée personnellement – et non en tant que président du CFCM –, mais de manière fortuite car j'étais de passage dans les Alpes-Maritimes. Et enfin, l'annonce de M. Azzedine Bouamama.

Sur les motivations des uns et des autres, ce qui me dérange, c'est de dire que le CFCM a été élu uniquement par les mosquées et par les délégués, qui ne dépassent pas le nombre de 5 000, et qu'il n'est donc pas représentatif de la communauté musulmane. Il faut dissiper cette ambiguïté. Effectivement, le CFCM est élu par les délégués de mosquée, parce qu'il se considère comme une instance représentative du culte musulman. Cependant, il n'a jamais prétendu être le représentant des musulmans en tant que citoyens.

Dans toutes les initiatives citées, je ne pense pas qu'il y ait un processus électoral qui leur permettrait de taxer le CFCM de ne pas être suffisamment représentatif. Le CFCM a fait appel à un processus électoral, dans lequel ont participé les lieux de culte dans leur ensemble, avec des règles précises – bien qu'elles soient contestables selon certains. Alors que dans toutes ces initiatives je n'ai pas vu de processus qui permettrait de dire que les 5 ou 6 millions de musulmans de France ont donné par procuration, par un processus électoral, à ces fédérations la possibilité de parler en leur nom !

Sur le fond, j'aurais préféré qu'il n'y ait pas de distinction entre citoyens lorsqu'il s'agit de défendre l'emploi ou le logement. Il faut défendre tous les mal-logés, qu'ils soient musulmans ou non, tous les chômeurs, qu'ils soient musulmans ou non. Je ne pense pas qu'il soit opportun de communautariser la vie sociale française.

En revanche, les questions que ces fédérations se posent, les difficultés qu'elles relèvent, ont une certaine réalité. Le manque de visibilité des citoyens de confession ou de sensibilité musulmane dans les partis politiques est un fait. Dans les administrations et les institutions, il est nécessaire de fournir un effort pour que la diversité culturelle et cultuelle soit suffisamment présente à tous les niveaux.

C'est une demande pieuse, mais est-ce le bon procédé de regrouper chaque communauté dans un organe qui va défendre ses intérêts ou bien faut-il, au contraire, pousser les partis politiques, les syndicats et tous les organismes dédiés à défendre ces intérêts à être un peu plus ouverts à toute la diversité nationale ?

Et quel est votre avis sur le lancement de la Conférence des imams de France et le tout nouveau syndicat des patrons musulmans ?

Mohammed Moussaoui : La Conférence des imams de France, quant à elle, est une manifestation régionale, voire locale, et non nationale. Il s'agit de Drancy et de ses environs. Les imams présents ne représentent en rien le national.

Ce type d'initiative se fait déjà régulièrement au niveau des CRCM. J'ai moi-même assisté récemment à une réunion des imams du CRCM Île-de-France Ouest.

Notre secrétaire général a également assisté à la réunion des imams du CRCM Île-de-France Est.
Réunir les imams pour discuter avec eux, les écouter, c'est quelque chose de finalement très normal.

En revanche, donner à cette initiative locale un aspect national me paraît excessif. On parle d'une Conférence des imams qui va travailler sur les questions liées au dialogue interreligieux, et qui se présenterait comme substitut au CFCM... Or il est important de constater que les institutions religieuses n'étaient pas présentes ni représentées à cette rencontre : la Conférence des évêques, le CFCM, la Fédération protestante... Le ministère de l'Intérieur chargé du culte n'était pas non plus présent...

Parler d'une réunion cultuelle avec la présence d'hommes politiques et d'associations politiques, avec une convocation envoyée de l'Assemblée nationale, constitue pour le moins un mélange des genres. Cela manque de lisibilité. S'il s'agissait de créer une association de dialogue interreligieux spécifiquement judéo-musulman, pourquoi pas ! Cela aurait été tout à fait compréhensible et encouragé.

S'agissant du syndicat des patrons musulmans, je n'ai pas beaucoup d'informations sur l'initiative elle-même. J'attends d'avoir quelques éléments pour voir quels sont les motivations, le but, etc.
Mais je reste toujours sceptique quant à la communautarisation des corps, qu'ils soient syndical ou politique, sur la base de la religion.

Quand le CFCM va-t-il se réunir pour décider de la date du début du jeûne du ramadan ?


Mohammed Moussaoui : Lors de la réunion du bureau exécutif du CFCM, qui a lieu mardi 23 juin, nous fixerons la réunion, qui elle-même déterminera la date de début du mois de ramadan. Celle-ci se tiendra en août.

Sur quoi allez-vous mettre l’accent pour la deuxième année de votre mandat ?

Mohammed Moussaoui : Cela va être la continuité des travaux des différentes commissions thématiques et, notamment, celle de la réforme, qui a pour mission d'apporter des modifications relatives aux statuts et au fonctionnement du CFCM.

J'espère que ce groupe de réforme aboutira très rapidement à des propositions que nous soumettrons à une assemblée générale extraordinaire, pour prendre des décisions qui engageront le CFCM pour plusieurs années. Le critère des « mètres carrés », le fonctionnement des commissions thématiques seront également discutés.

Le dossier « halal », évoqué précédemment, est aussi prioritaire, Il s'agit, d'une part, de pouvoir permettre aux musulmans de France de fêter l'Aïd al-Kabir dans les meilleures conditions, en résolvant le problème des abattoirs, et, d'autre part, de sortir de l'opacité dans lequel se développe le marché halal.

* États généraux de la bioéthique

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