Points de vue

Les mythes de la propagande israélienne − Mythe n° 3 : « Israël, pays démocratique, libéral et séculaire »

Rédigé par Alain Gabon | Jeudi 7 Aout 2014 à 06:00



Manifestation de Juifs israéliens, le 23 décembre 2010, à Jérusalem, pour protester contre d’éventuelles concessions territoriales aux Palestiniens et approuver un manifeste appelant les Juifs à ne pas vendre ou louer d’appartements aux Arabes.
Récitée à satiété telle une parole d’Évangile par la totalité de nos dirigeants et grands médias, la notion selon laquelle Israël serait un « État libéral et démocratique », qui plus est « le seul État démocratique du Proche-Orient », reste un des grands mythes autojustificateurs de la propagande israélienne.

Les preuves qu’Israël n’est ni démocratique, ni libéral, ni séculaire sont cependant si nombreuses et si accablantes qu’il nous faudrait des centaines de pages. En voici quelques-unes.

Les origines

Dès ses origines au sortir de la Seconde Guerre mondiale, loin d’être un État démocratique fondé sur nos valeurs humanistes-universalistes (respect de la vie humaine, égalitarisme, droits égaux de tous les peuples et individus...), Israël fut implanté au cœur du Proche-Orient par la force et dans le mépris des peuples arabes.

D’abord par des politiques coloniales iniques dépossédant de leurs terres et droit à la souveraineté les peuples qui y vivaient depuis des siècles pour y créer ce nouvel État et y faire émigrer des juifs étrangers de tout pays, surtout d’Europe, dont l’immense majorité n’avait jamais mis les pieds dans cette région du monde et n’ y avait aucune famille.

À ceux qui répliquent que « les Arabes n’ont jamais accepté l’État d’Israël et que tout cela est donc de leur faute », on demandera comment eux, Français, Américains ou autres, réagiraient si des puissances coloniales étrangères décidaient de créer un État au beau milieu de l’Amérique du Nord ou de l’Europe de l’Ouest. Sans doute pas avec des pétales de rose et des déclarations d’amour.

Pire, loin de se contenter du territoire que les puissances européennes lui avaient donné − en partie par culpabilité à la suite de l’Holocauste, mais aussi en partie par antisémitisme, pour se débarrasser des juifs de leurs propres pays en les envoyant ailleurs −, Israël se lança de suite dans un terrorisme de grande ampleur à la Irgoun, à base de nettoyages ethnico-religieux, d’attaques de villages palestiniens et de massacres de masse, le tout visant à s’approprier encore plus de terres par la pure violence.

On puisera ici aux meilleures sources, à savoir les historiens israéliens juifs d’universités prestigieuses (Tel Aviv, etc.), comme Ilan Pappe, qui, dans son ouvrage essentiel Le Nettoyage ethnique de la Palestine, documente de manière érudite et archivée l’ampleur et l’horreur du terrorisme israélien contre les populations palestiniennes (villages rasés par centaines, etc.). Ou encore Benny Morris (lui-même sioniste radical autoproclamé), qui livre la chronique des meurtres et des nettoyages ethniques israéliens dans son glaçant Victimes. Histoire revisitée du conflit arabo-sioniste. Il y révèle aussi comment Israël utilisa le viol et le meurtre de femmes palestiniennes à grande échelle à ses fins de nettoyage ethnique et de vol de terre.

Nous parlons ici de ce que les plus prestigieux des historiens professionnels d’Israël ont eux-mêmes documenté.

La politique de colonisation

Ensuite, qui niera que la démocratie est strictement incompatible avec la politique israélienne de colonisation par la force de terres, ressources et populations qui ne lui appartiennent pas et sont situées en dehors de ses frontières universellement reconnues, celles de 1967, qu’Israël est le seul État au monde à ne pas reconnaître ?

La politique de citoyenneté

Rappelons également qu’Israël accorde automatiquement la citoyenneté, tous les droits y attenant, ainsi que des terres (qui plus est souvent dans leurs colonies de peuplement illégales) et de généreux bénéfices à tout juif étranger désirant y émigrer. Suprême hypocrisie d’un État qui proclame un « droit de retour » pour des individus n’ayant jamais mis les pieds dans cette partie du monde, tout en le refusant à ses habitants arabes qui n’avaient, eux, jamais cessé d’y vivre avant d’en être expulsés en 1948.

D’autre part, ce simple fait suffit, à lui seul, à prouver qu’Israël pratique dès la base (attribution de la citoyenneté, etc.) la discrimination religieuse systématique. Imaginons ce que deviendrait la démocratie en France ou aux États-Unis si nos États décidaient d’accorder la pleine citoyenneté à tout étranger... seulement s’ils sont chrétiens ! Quelles belles démocraties cela donnerait.

Le racisme étatique et sociétal

En plus de cette discrimination religieuse, Israël pratique une forme particulièrement brutale d’apartheid raciste contre sa large minorité arabe (20 %), invalidant là encore l’idée que cette nation serait une démocratie libérale.

Bien entendu, Israël nie tout bec et ongle, le problème étant pour elle que :
a. n’importe quel visiteur peut facilement constater de visu les formes de cet apartheid à l’œuvre ;
b. celui-ci a été largement documenté par, entre autres, rien de moins que l’ANC (l’African National Congress de Nelson Mandela), ses activistes et juristes qui passèrent leur vie à se battre contre l’apartheid sud-africain.

Lors d’une visite officielle dans les Territoires occupés, l’ANC a même déclaré que l’apartheid qu’elle y constata était souvent « pire » que celui qu’ils combattirent dans leur pays, l’Afrique du Sud. Excusez du peu. Et qui mieux que les membres de l’ANC est capable de reconnaître un apartheid quand ils en voient un ?

Le Prix Nobel de la paix Desmond Tutu, autre grande conscience morale, dénonce, lui aussi, l’apartheid israélien, comme quantités d’ONG et de défenseurs des droits civiques, tel l’Américain Michael Ratner, président du Centre pour les droits constitutionnels. Même aux États-Unis, terre du sionisme le plus virulent, les grands médias comme la chaîne CBS sont de plus en plus forcés de reconnaître qu’Israël est bien un État d’apartheid.

L’exclusivisme religieux des colonies

Les colonies des Territoires occupés, en constante expansion comme on le voit sur cette série de cartes accablantes, sont non seulement illégales en droit international, mais l’ONU a récemment déclaré formellement que cette colonisation constitue, elle aussi, un crime de guerre en vertu de l’article 8 de la Cour international de justice. Les officiels israéliens qui mettent en œuvre cette politique sont, selon cette définition, des criminels de guerre qui peuvent et doivent être poursuivis comme tels.

Rappelons que ces colonies, en sus de leur illégalité, sont de plus exclusivement réservées à des juifs, autre exemple de discrimination religieuse systématique, tout comme en leur temps l’Afrique du Sud ou les États-Unis avaient leurs lieux « Whites Only ».

Même l’administration Bush...

Enfin, personne ne peut nier que le gouvernement le plus radicalement, inconditionnellement sioniste et pro-israélien de toute l’histoire de l’humanité fut le gouvernement américain Bush-Cheney. Voici ce que même l’allié et l’ami le plus fidèle qu’Israël ait jamais eu dans toute son histoire a à dire sur cette « démocratie libérale » dans son très officiel Rapport du département d’État de 2005.

Selon ce rapport, Israël pratique les choses suivantes (traduction française, commentaires personnels entre parenthèses) :
a. i[« la discrimination institutionnelle, sociétale et légale contre les citoyens arabes du pays »]I (en d’autres termes, le racisme d’État) ;
b. « la discrimination contre les juifs non orthodoxes dans les affaires de droit personnel et civil » (voilà qui est encore plus intéressant : l’État d’Israël discrimine aussi systématiquement contre ses propres juifs non orthodoxes) ;
c. « la discrimination et la violence sociétale contre les femmes » et autres groupes, y compris « le trafic de femmes et de travailleurs étrangers ».

Ces données datent de 2005 et, à tous les niveaux, la situation s’est, depuis, dramatiquement empirée. On voit donc ce que même l’allié le plus farouche d’Israël pense réellement de sa pseudo-démocratie lorsque s’arrête la communication grand public énoncée devant les caméras.

Vols de terre ininterrompus depuis 1948, colonisation illégale, politique du Lebensraum (de « l’espace vital »), par la force des armes, mépris du droit international et des droits de l’homme, sabotage avéré du processus de paix, discrimination ethnique et religieuse, racisme d’État, et massacres de masse d’enfants et de femmes par milliers. En somme, un bel « État libéral et démocratique ». Qui est encore dupe ?

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Alain Gabon, professeur des universités aux États-Unis, dirige le programme de français à Virginia Wesleyan College (université affiliée à l’Église méthodiste de John Wesley), où il est maître de conférences. Il est l’auteur de nombreuses présentations et articles sur la France contemporaine et la culture française.