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Monde

Tel-Aviv sous les feux... de la rampe

BDS France appelle au boycott du festival

Rédigé par | Lundi 30 Novembre 2009 à 00:00

           

Du 4 novembre au 6 décembre, Paris célèbre le centenaire de Tel-Aviv au Forum des Images autour de 80 films israéliens et de nombreux débats. Une célébration qui suscite bien des remous et de colère de la part des associations de défense des droits des Palestiniens, qu’ils qualifient de « mascarade ». Explications.



Une première action de boycott du festival « Tel-Aviv, le paradoxe » s'est tenue le 3 novembre dernier au Forum des Images de Châtelet (Paris).
Une première action de boycott du festival « Tel-Aviv, le paradoxe » s'est tenue le 3 novembre dernier au Forum des Images de Châtelet (Paris).

« Tel-Aviv, le paradoxe. » Telle est la thématique de la rétrospective à laquelle la Mairie de Paris, qui entretient une coopération active avec la municipalité israélienne, invite le grand public. Des dizaines de cinéastes israéliens sont conviés à projeter leurs films au Forum des images de Châtelet jusqu’au 6 décembre à l’occasion des cent ans de Tel Aviv.

Tel que présenté par le festival, Tel Aviv est une « ville blanche, née des sables et de la mer », bâtie en 1909 ; une ville « sans passé, sans Histoire », « tout à la fois protégée et exposée au conflit » israélo-palestinien, peut-on lire sur le site officiel. Sans passé, dit-on ? La réalité est tout autre. Celle qui consiste à nier l’existence même de la Nakba, la « catastrophe », dont furent victimes les Palestiniens lors de la création de l’État hébreu en 1948, et à banaliser la politique d'occupation et d'apartheid d'Israël.

La réponse d’Ilan Pappé ne s’est fait pas attendre sur ce sujet. Contacté par Saphirnews, le « nouvel » historien israélien, auteur du retentissant ouvrage intitulé Le Nettoyage ethnique de la Palestine (Éd. Fayard, 2006), explique : « Tel-Aviv fut construite sur les plages de sable fin : cela est juste, mais c'était un faubourg avant 1948. Puis elle devint une grande ville en prenant le contrôle des terres et des maisons de plusieurs villages palestiniens ainsi que de la ville palestinienne de Jaffa. La grande majorité des Palestiniens vivant dans cette zone furent expulsés et leurs maisons démolies et anéanties. »

Plusieurs chercheurs et historiens, dont Ilan Pappé, affirment ainsi que Tel-Aviv, qui n’était qu’une simple bourgade juive de 1909 à 1948, a été construite sur les ruines de plusieurs villages palestiniens, dont ceux de Sheikh Muwannis, Jammusin, Salameh, Summeil, Sakiye, Yazur et d’autres.

Tel-Aviv construite contre Jaffa

Conquise par les milices juives, Jaffa, qui fut l’un des plus grands centres économiques et culturels palestiniens, est aujourd’hui un simple quartier pauvre de Tel-Aviv, où se concentrent la plupart des 20 000 descendants d’Arabes – ou Palestiniens – qui ont refusé de partir en 1948. Ces derniers, qui ont pourtant la nationalité israélienne, sont souvent considérés comme des citoyens de seconde zone tant ils subissent de discriminations quotidiennes.

Il ne reste désormais plus aucune trace de l’Histoire palestinienne de la région. C’est tout naturellement que les militants de la campagne BDS France, qui appellent à une campagne non violente de boycott, de désinvestissement et de sanctions à l’encontre d’Israël, dénoncent, via un communiqué de presse, « le maintien de ce festival de soutien au régime d’apartheid israélien » qui présente Tel-Aviv « sous un jour "fantasmagorique" », en dehors de toute réalité.

Contre la manipulation de l’Histoire, le boycott s’impose

Neuf cinéastes* de premier plan, israéliens et palestiniens, se sont d’ailleurs retirés de cette rétrospective afin de ne pas prendre part à « l’appareil de propagande de l’État d’Israël ». Parmi eux, Avi Moghrabi (Août, avant l’explosion), Anne-Marie Jacir (Le Sel de la mer) ou encore Eyal Sivan, (Jaffa, la mécanique de l'orange), appellent leurs pairs à suivre leurs traces afin de ne plus taire les crimes et les atteintes au droit du peuple palestinien.

« La politique raciste et fasciste du gouvernement israélien et le silence complice de la plupart de ses milieux culturels (…) justifient que je maintienne une distance vis-à-vis de tout événement qui pourrait être interprété comme une célébration de la réussite culturelle en Israël ou un cautionnement de la normalité du mode de vie israélien. Puisque votre rétrospective fait partie de la campagne internationale de célébration du centenaire de Tel-Aviv et qu’elle bénéficie, à ce titre, du soutien du gouvernement israélien, je ne peux que décliner votre invitation », explique clairement Eyal Sivan, dans une lettre de refus adressée aux responsables du festival un mois avant le festival.

Ilan Pappé soutient tout autant cette démarche. « Je soutiens le boycott puisque ce festival est une autre célébration culturelle qui ignore non seulement le nettoyage ethnique du passé mais aussi celui du présent. Israël doit recevoir un message lui faisant comprendre que son oppression continue des Palestiniens ne peut plus durer. »

La direction du Forum des Images est restée jusque-là silencieuse face aux protestations, préférant retirer les noms des huit cinéastes en douce sans fournir aucun communiqué d’explication. Une cinquantaine de militants de diverses organisations soutenant la campagne BDS se sont rassemblés une première fois devant le Forum des Images le 3 novembre dernier. À défaut d’avoir pu obtenir une annulation du festival, une prochaine action de protestation est attendue dans les prochains jours pour signifier publiquement leur refus de cautionner la politique israélienne.


* Avi Moghrabi (Août, avant l’explosion), Anne-Marie Jacir (Le Sel de la mer), Eyal Sivan (Jaffa, la mécanique de l'orange), Shai Karmeli Pollack (Bilin, mon amour), Hany Abu Assad (Paradise Now), Maryse Gargour (Jaffa, la mienne), Najwa Barakat (Pomegranate), Tamar Berger (Place Dizengoff).

Lire aussi : Israël : après les manif, le boycott


Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur



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