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Birmanie : les violences contre les musulmans aggravées en 2013

Rédigé par | Mercredi 22 Janvier 2014 à 06:00

Le processus de réforme engagé en Birmanie ne profite pas aux musulmans du pays. Human Rights Watch (HRW) épingle à nouveau sérieusement, dans son rapport annuel, les autorités birmanes pour l’aggravation des violences à l’égard de cette communauté religieuse, au-delà des Rohingyas, durant l’année 2013.



Human Rights Watch (HRW) donne de la voix pour les minorités persécutées de Birmanie. Dans son rapport mondial 2014 paru mardi 21 janvier, l'ONG évoque ainsi la généralisation des violences contre les musulmans dans le centre du pays, « avec une série d’attaques apparemment coordonnées contre des communautés musulmanes et des biens » comme à Meiktila en mars 2013. Au moins 44 personnes y avaient été tuées, 1 400 entreprises et foyers appartenant majoritairement à des musulmans avaient été détruits et plus de 12 000 personnes ont été déplacées.

« Les forces de police birmanes ne sont pas intervenues au cours de la plupart de ces violences et, dans la majorité des cas, n'ont pas agi pour protéger la vie des musulmans ou leurs biens ; dans certains cas, ils ont activement participé aux violences à l’encontre des musulmans », dénonce HRW.

Des victimes rendues coupables de leur sort

Les violences ne se limitent plus aux Rohingyas depuis un moment. Ainsi, des attaques ont été recensées en octobre contre des Kaman, une minorité musulmane pourtant reconnue par la Birmanie, autour de la ville de Thandwe, dans le sud de l'État d'Arakan. Au moins six personnes ont été tuées et près de 100 foyers ont été détruits. « Les autorités ont arrêté les hauts membres du parti politique arakanais accusés d’être à l’origine des violences » qui ont coïncidé avec une visite dans la région du président Thein Sein, précise HRW.

Alors même que les musulmans sont les premières victimes des attaques, les premiers coupables désignés sont souvent eux-mêmes… musulmans. Citons le cas de sept d’entre eux, condamnés à des peines allant de 2 ans à 28 ans de prison pour leur rôle présumé dans les émeutes meurtrières à Meiktila. « Les procédures légales engagées à l’encontre des auteurs des violences ont été à l'origine déséquilibrées, davantage de musulmans ayant été jugés et condamnés dans davantage d’affaires que les instigateurs bouddhistes birmans » et « aucun membre des forces de sécurité n’aurait fait l’objet de mesures disciplinaires ou de poursuites pour sa participation aux violences », lit-on.

Dans ce processus, la responsabilité des moines bouddhistes nationalistes, menés au premier chef par Wirathu et son mouvement 969 supposé être interdit, demeure entière. La dangerosité de leurs discours est à la hauteur de leur influence réelle dans la société et du silence bienveillant à leur égard, non seulement des autorités mais aussi de personnalités de l'opposition Aung San Suu Kyi qui n'ont pas publiquement dénoncé ce mouvement en 2013. Wirathu est intouchable : une édition du magazine Time faisant sa Une sur « le visage de la terreur bouddhiste », en juillet 2013, a même été interdit. Jusqu’à quand son impunité perdurera ?

La Birmanie en cours de blanchiment malgré tout

Malgré les attaques régulières contre les minorités musulmanes mais aussi chrétiennes (minorité kachin) et les violations nombreuses des droits de l’Homme, la réhabilitation de la Birmanie sur la scène internationale se poursuit. Tandis la plupart des sanctions à son encontre ont été levées en 2013, aussi bien par l'Union européenne que les États-Unis, « les investissements étrangers ont augmenté, principalement dans les secteurs de l'extraction et des ressources naturelles ».

Signe du réchauffement des relations entre la Birmanie et les pays occidentaux, le président Thein Sein a effectué une série de visites officielles aux États-Unis, en Europe – France comprise - et en Australie en 2013, sans que le rapport accablant de HRW en avril 2013 accusant le pays de crimes contre l’humanité n’ait été vraiment pris en compte.

Une aide humanitaire accrue mais pas de changement

Dans ce contexte, quelques initiatives de solidarité en faveur des victimes de la répression politique sont mises sur pied. En parallèle du travail de terrain de plusieurs ONG internationales, l’association humanitaire Miséricorde, avec le collectif Halte au massacre en Birmanie (HAMEB) qui a embrassé depuis 2012 la cause des minorités persécutées dans le pays, a entamé un voyage humanitaire lundi 20 janvier en Birmanie. Avec quelque 25 000 euros en poche, l’équipe entend se procurer puis distribuer des colis alimentaires aux populations de camps rohingyas reculés, les plus difficiles d’accès et davantage affectés par la misère.

Selon les dernières estimations, 180 000 personnes – souvent musulmanes - demeurent dans des camps de déplacés à travers l’État d’Arakan, « un grand nombre d’entre elles vivant dans des conditions déplorables », indique à ce titre HRW. Le gouvernement refuse toujours d’abroger la loi de 1982 qui prive les Rohingyas de la citoyenneté. La situation des « déplacés au nord de l'État d'Arakan restait précaire en 2013, malgré une intervention humanitaire internationale de grande envergure », fait-on savoir. 2014 n’annonce pas d'amélioration pour les musulmans de Birmanie. Le monde - musulman ou pas - est témoin, les responsabilités sont partagées.



Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur