Politique

Au Sénat, pleins feux sur l’organisation et le financement de l’islam de France

Rédigé par Samba Doucouré | Mardi 26 Janvier 2016 à 11:00

Vingt-sept sénateurs vont se pencher pendant six mois sur les modalités de financement du culte musulman. Lancée à l’initiative du groupe UDI-UC, la mission d’information doit permettre d’améliorer les connaissances des parlementaires sur la réalité de l’organisation de l’islam en France. Nathalie Goulet, rapporteuse de la mission, explique à Saphirnews le travail qui y sera mené.



Le Sénat démarre ce mercredi 27 janvier les auditions dans le cadre de la mission d’information sur « l’organisation, la place et le financement de l’islam en France et de ses lieux de culte ». Pour le premier entretien qui lance l'initiative sénatoriale, Pascal Courtade, chef du Bureau central des cultes, et Thomas Andrieu, directeur des libertés publiques et des affaires juridiques, tous fonctionnaires du ministère de l'Intérieur, seront appelés à s’exprimer.

La création de cette mission d’information est née de l’initiative des sénateurs Nathalie Goulet (UDI, élue de l’Orne) et André Reichardt (Les Républicains, élu du Bas-Rhin). Ils avaient déjà tous les deux été impliqués en octobre 2014 dans la commission d’enquête sur l’organisation et les moyens de la lutte contre les réseaux jihadistes en France et en Europe. La question du financement de l’islam avait été évoquée à l’époque mais les parlementaires ont préféré la mettre de côté pour éviter les amalgames.

La sénatrice UDI en témoigne auprès de Saphirnews : « On a eu beaucoup de soucis, notamment avec la question de la formation des imams et des aumôniers dans la commission d’enquête sur les réseaux jihadistes. Mais ce n’était pas le moment ni le support pour parler de ces questions. » Elle a refusé cependant de « laisser au Front national » le sujet et, après avoir convaincu le groupe UDI-UC, a obtenu, le 9 décembre dernier, le feu vert de la conférence des présidents du Sénat pour la création de la mission d’information.

La taxe halal, éternel serpent de mer

Nathalie Goulet, sénatrice de l'Orne.
Parmi les 27 sénateurs membres de la mission d’information, on retrouve des personnalités de tous bords telles que Roger Karoutchi (LR), François Grosdidier (LR), Esther Benbassa (EELV), Evelyne Yonnet (PS) mais aussi David Rachline, maire FN de la ville de Fréjus.

L’idée, selon Nathalie Goulet, rapporteuse de la mission, est de permettre aux parlementaires de mieux comprendre ce qu’est la réalité actuelle de la vie cultuelle des musulmans de France : « Il est grand temps que l’on se fasse une opinion sur ces choses qui deviennent quotidiennes. Les musulmans en France ont toute leur place dans la République. Il n’y a aucune raison qu’on laisse flamber les actes islamophobes, antisémites ou autres. Cela suppose qu’on ait une information complète. On ne peut pas légiférer parce que la loi de 1905 interdit d’intervenir dans le culte mais cela n’interdit pas aux parlementaires d’être mieux informés. »

La sénatrice UDI pointe le flou qui réside dans les données statistiques autour de la communauté musulmane. « N’ayant pas le droit aux statistiques ethniques, on ne sait combien de musulmans sont présents sur le territoire national. On ne peut donc pas connaître les besoins », rappelle Nathalie Goulet. Elle revient par ailleurs sur un vieux serpent de mer : la taxation sur le halal. Une proposition évoquée à plusieurs reprises par le Conseil français du culte musulman (CFCM) et même, dernièrement, par Nathalie Kosciusko-Morizet mais dont les retombées sont incertaines. « Certains disent que (l’industrie représente) 4 milliards d’euros, d’autres avancent le chiffre de 6 milliards, on nous dit qu’il y a trois mosquées qui en bénéficient, d’autres n’en bénéficient pas. Tout cela n’est pas très clair », avoue la rapporteuse de la mission d’information.

La relance de la FOIF en toile de fond

La question de la Fondation des œuvres de l'islam de France (FOIF) sera également abordée. Créée en 2005 dans le but de recueillir des donations privées visant à financer la construction de lieux de culte, la FOIF n’a jamais été fonctionnelle, faute d’accord entre les différents représentants musulmans pour son pilotage.

En septembre 2015, le haut fonctionnaire Christian Poncet a été nommé directeur de projet de la FOIF nouvelle version sans que cela soit suivi d’effets jusqu’ici. « Le problème n’est pas les financements qui viennent de X ou de Y ; le problème, c’est leur traçabilité. Si cela passe par une fondation, c’est plus clair. La représentativité du CFCM est aussi une chose que l’on peut interroger. Il y a un tas d’outils comme cela qui existent, qui sont un peu moribonds et pour lesquels on n’a pas de connaissances suffisantes », juge Nathalie Goulet.

Une mission dans la transparence

Les sénateurs affichent un désir de dialogue et d’apaisement. Et la sénatrice de l’Orne de nous affirmer : « Ce n’est pas une commission d’enquête : c’est une mission d’information. Les auditions seront publiques, le programme de travail de la commission sera en ligne. Il y a beaucoup d’associations qui se sont manifestées auprès de moi. La démarche est positive et constructive. »

Des personnalités telles que Jean-Pierre Chevènement ou Dominique de Villepin devraient être auditionnées afin de tirer un bilan des initiatives passées autour du culte musulman. Les parlementaires projettent aussi de rencontrer des représentants d’institutions islamiques britanniques mais également des délégations des religions juive, catholique ou protestante. Le groupe dispose de six mois pour travailler, Nathalie Goulet doit rendre sa copie le 20 juin prochain.