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Ramadan

Ramadan : une fatwa pour faciliter la pratique des prières du soir

Rédigé par | Lundi 8 Juillet 2013 à 07:00

           

Face aux difficultés que peuvent poser les pratiques tardives des prières nocturnes du Ramadan, le Conseil européen de la fatwa et de la recherche (CEFR) a émis cette année un avis juridique (fatwa) à l'attention des imams et responsables de mosquées de France en vue du mois de jeûne. Les prières d'animation des nuits du Ramadan pourraient être effectuées autrement qu'après la dernière prière de la journée dans des lieux de culte. Mais l'avis demeurant minoritaire, des voix s'élèvent pour le contester.



Ramadan : une fatwa pour faciliter la pratique des prières du soir
De très longues journées attendent les musulmans jeûnant le mois du Ramadan, qui débute mardi 9 juillet. Qui dit longues journées dit courtes nuits. La période de rupture du jeûne qui s’étend du coucher du soleil à l’aube ne comptera cette année que cinq à six heures durant laquelle trois prières obligatoires sont dénombrées : la prière du crépuscule (maghreb), la prière du soir (icha) et la prière de l’aube (sobh).

Sauf cas particuliers comme le voyage, chacune des cinq prières obligatoires doit être faite dans un temps défini. S’ajoutent, lors des nuits de Ramadan, les prières collectives surérogatoires du tarawih, fortement recommandées et qui sont effectuées à la mosquée, selon la tradition prophétique (sunna), après l’accomplissement de la prière du icha. Celle-ci doit parfois être effectuée après minuit dans certaines régions et pays européens en été. Or, le tarawih comptent entre 8 et 20 unités de prières qui peuvent durer jusqu'à une heure.

Trop tard, estiment des musulmans, en particulier les travailleurs n’ayant pas posé de congés, de même que les fidèles qui ont des difficultés pour se lever avant le jeûne pour déjeuner ou pour accomplir la prière de l’aube en son temps, sachant qu’elle est fixée ce mois-ci dans les alentours de 4h du matin.

Deux possibilités ouvertes aux mosquées

Face aux difficultés que peuvent poser les pratiques tardives des prières, le Conseil européen de la fatwa et de la recherche (CEFR), proche de l’Union des organisations islamiques de France (UOIF), a émis un avis juridique (fatwa) en vue du mois de Ramadan 2013 à l'attention des imams et responsables de mosquées. C’est Ounis Guergah, professeur de droit musulman comparé à l’Institut européen des sciences humaines (IESH) de Paris et membre du CEFR, qui en est à l’origine.

Pour ce mois de Ramadan 2013, deux possibilités sont proposées aux imams « en conformité avec le droit musulman et les finalités suprêmes de la charia » [la fatwa complète plus bas].

Regrouper les prières du soir…

La première consiste à retarder la prière du maghreb de 20 à 40 minutes, période pendant laquelle les fidèles pourront manger et se rendre à la mosquée, pour ensuite regrouper les prières du maghreb et du icha suivi de la prière du tarawih, « ce qui permettrait aux fidèles de prier et rentrer se reposer ».

« Ceci est permis dans la mesure où le fait de retarder la prière du maghreb afin de permettre aux gens de rompre tranquillement leur jeûne chez eux, ne s’oppose en rien aux Textes selon la très grande majorité des savants spécialistes », indique Ounis Guergah, qui cite en exemple la mosquée de La Mecque qui retarde de 10 à 15 minutes la prière du maghreb « afin de faciliter la succession entre la rupture du jeûne et l’accomplissement de la prière. On peut aussi rajouter le fait que l’un des objectifs réalisé par cette mesure est de permettre la réunion d’un plus grand nombre de fidèles pour la prière canonique collective ».

… ou effectuer la prière du tarawih avant icha

La deuxième consiste à prier la prière de maghreb en son temps initial avant de commencer la prière de tarawih 30mn plus tard, suivi de la prière du icha qui sera effectuée en son temps. « Il est possible de considérer que le temps légal d’accomplissement de tarawih s’étend durant toute la nuit », explique Ounis Guergah.

Mais du fait de l’heure tardive de la prière, cette possibilité peut engendrer « une trop grande difficulté » pour celles et ceux qui travaillent. « De la même manière, son application peut causer un certain nombre de désagréments et de nuisances nocturnes envers le voisinage non musulman. »

Pour le savant, la première possibilité reste « la plus fidèle » aux finalités de la charia. Elle permettrait aux fidèles de « continuer sans peine à bénéficier en masse avec leurs enfants, des immenses bienfaits spirituels durant les nuits bénies du Ramadan ». Or, ce pourrait être le regroupement des prières canoniques qui repoussera le plus les fidèles.

Opter pour la facilité selon le CEFR

« Une finalité de la charia est de toujours opter pour la facilité. Il (Ounis Guergah, ndlr) expose des choix juridiques possibles mais ce ne sont pas des obligations », nous répond Ammar Rouibah, un des responsables de l’IESH. « Il ne faut pas que la pratique du tarawih se fasse au détriment de la prière du sobh (matin). Elle est une prière canonique obligatoire qui s’effectue à une heure précise, le tarawih est surérogatoire ».

A travers cette fatwa, le CEFR souhaite « ne pas rendre la pratique du Ramadan pénible » cette année. Mais ouvrir une porte à une pratique plus facile des prières ne peut-elle pas être source de dérives ? Cette fatwa est « une dérogation, pas une règle qui deviendra une norme ». Le jumelage des prières ne peut être transformé « en une pratique permanente. Un savant a le devoir d’exposer les possibilités que lui donne le droit musulman mais il n’est pas responsable de la pratique de chaque individu » dès lors que son avis est fondé, assure M. Rouibah.

Un avis minoritaire contesté

Des mosquées en France, affiliées ou non à l’UOIF, pourraient adopter une des deux possibilités proposées par le CEFR mais l’avis émis étant minoritaire, quelles chances pour que les habitudes soient bousculées lors de ce Ramadan 2013 ?

Des voix se sont déjà élevées pour contester la fatwa, à l’instar de Mohammad Patel, secrétaire du Centre Islamique de l’île de la Réunion. « Je n’ai connaissance d’aucun avis de savant hanafite (cité par Ounis Guergah pour fonder son avis s’agissant d’avancer le tarawih, ndlr) qui exprimerait la permission de prier le tarawih à l’heure du maghreb, avant le début de l’heure du icha. Ce qui a été admis par certains hanafites (…), c’est la possibilité de faire la salât de tarawih avant l’accomplissement effectif de la prière obligatoire du icha, mais cela, à condition que l’heure de ichâ ait déjà débuté », s’exprime-t-il sur le Web.

Dans un sens ou dans l'autre, les mosquées de France, bondées tous les soirs du Ramadan, se préparent à des veillées nocturnes animées.



Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur



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