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Points de vue

Pèlerinage à La Mecque : quel constat avant la campagne 2010 ?

Par Karim Lounis et Karim Menana*

Rédigé par Karim Lounis et Karim Menana | Jeudi 28 Octobre 2010 à 03:23

           


Pèlerinage à La Mecque : quel constat avant la campagne 2010 ?
Le pèlerinage (hajj) aux Lieux saints de l’islam représente pour le croyant musulman un événement remarquable qui s’inscrit à jamais dans sa vie spirituelle et sociale. C’est un acte de foi accompli avec dévotion et humilité. De ce fait, contribuer à ce que les pèlerins partent dans les meilleures conditions est le devoir de toute une communauté.

Sur l’année 2009, en Région Rhône-Alpes, nous avons noté des améliorations au niveau des conditions d’organisation du pèlerinage. En effet, l’édition d’une charte, d’un guide pratique, d’un contrat de voyage type, la médiatisation des dysfonctionnements, l’implication des autorités locales ainsi qu’une prise de conscience forte de la communauté ont permis un réel assainissement de l’organisation du hajj.

Cependant, ces actions ne suffisent pas à prévenir totalement les risques : malheureusement, les pèlerins ne se montrent pas assez prudents.

Les prix en constante augmentation : comment stopper cette inflation ?

Le prix moyen d’un séjour à La Mecque est de 3 500 € ; cette année, certaines agences proposent, à prestations égales, des formules allant jusqu’à 4 200 €. Le prix est excessif, voire abusif. Ce phénomène s’explique, d’après les organisateurs, par une offre hôtelière restreinte, la fluctuation des prix du carburant (montrant des pics par périodes) ainsi que par une surcharge appliquée sur les billets par les compagnies aériennes.

Malheureusement, les prix ne baisseront pas une fois les travaux de rénovation à La Mecque terminés et ce pour des raisons démographiques, la demande pour effectuer le Hajj allant s’intensifier dans les années à venir.

À un niveau de prix aussi élevé, le futur pèlerin n’est-il pas en droit d’exiger une qualité de services et une confiance dans l’organisation (visas délivrés à temps, transports garantis, logement décent, etc.) ? Quelles actions sont à mener afin de garantir un pèlerinage en toute tranquillité, tout en maintenant un prix raisonnable pour le plus grand nombre ?

Les arnaques ont chuté en 2009. Faut-il cependant amenuiser le problème et réduire notre implication ?

Depuis l’an dernier, en Région Rhône-Alpes, les « arnaques » et abus de confiance sont devenus de plus en plus difficiles, notamment grâce au travail de sensibilisation, à la prise de conscience des pèlerins ainsi qu’à l’implication des autorités.

Toutefois, nous sommes toujours confrontés à des problèmes récurrents. En effet, bien que la communauté musulmane en Région Rhône-Alpes soit aujourd’hui consciente des abus de faiblesse potentiels, elle tolère toujours l’activité des « rabatteurs » distribuant des prospectus et présents aux abords des mosquées et des marchés.

Les autorités saoudiennes, depuis l’an dernier, ont bien initié la fin du commerce transfrontalier de visas, en habilitant seulement certaines agences de voyages françaises à les recevoir, réduisant ainsi sensiblement le nombre d’intermédiaires. Néanmoins, cette nouvelle législation ne permet pas, à elle seule, d’éradiquer les arnaques. Dorénavant, il est impératif que la communauté musulmane incite ses membres à être plus prudents et à utiliser uniquement les canaux officiels et sécurisés tels que les agences agréées.

Un contrat de voyage, est-ce vraiment indispensable pour le hajj ?

Si l’organisation du hajj est effectuée par des agences de voyages privées, alors, comme tout voyage, le pèlerinage doit être organisé sous l’autorité du Code du tourisme.

L’agent de voyages a pour obligation de vous informer par écrit, avant la conclusion du contrat, du contenu des prestations proposées, relatives au transport, au séjour, au prix, aux modalités de paiement ainsi qu’aux conditions d’annulation du contrat.

Ce contrat vous donnera une garantie du bon fonctionnement de votre voyage mais aussi une protection juridique en cas de litige. Un contrat type est téléchargeable ci-dessous.

Pourquoi une Charte du pèlerin ?

Ce document est né à la suite du constat de certaines dérives récurrentes lors de l’organisation du pèlerinage à La Mecque. Nous avions (en concertation avec la préfecture du Rhône) initié cette Charte du pèlerin [à télécharger ci-dessous]; elle est à portée juridique et a pour but de préciser les conditions d’organisation du pèlerinage, en établissant un protocole à adopter par les agences de voyages du Rhône, en matière à la fois de contrat de voyage et d’organisation du séjour.

Cette Charte est envoyée toutes les années aux principaux acteurs du hajj. N’hésitez pas à demander à votre agence s’ils ont bien signé cette Charte et, le cas échéant, les raisons pour lesquelles ils ne l’ont pas signée.

Rappelons qu’en plus d’être une garantie morale ce document n’est ni plus ni moins un document de cohésion garantissant aux pèlerins le minimum de sécurité en termes d’organisation.

Un Guide en ligne avec quelques recommandations pour mieux se préparer

Le Guide publié par le CRCM Rhône-Alpes comprend trois parties, allant du choix de l’agence jusqu’au retour du pèlerinage.

En une trentaine de pages, il détaille : les éléments nécessaires à la préparation du voyage, le culte (détails des étapes, invocations, etc.), les recommandations sanitaires, les adresses utiles sur place (hôpitaux, ambassades, etc.), le quotidien (la météo, le téléphone, etc.) ainsi que la protection juridique au retour du voyage.

Faute de moyens financiers pour le faire imprimer, le guide est actuellement disponible en ligne sur le site du CRCM Rhône-Alpes et téléchargeable ci-dessous.

Notre objectif, pour les années à venir, est de l’améliorer afin d’en faire un outil indispensable à mettre dans la poche de chaque futur pèlerin rhônalpin.

Le commerce du hajj : une source possible de financement du culte musulman ?

Le calcul du chiffre d’affaires du hajj est très simple : environ 30 000 pèlerins partent chaque année de France, le voyage coûte en moyenne 3 500 €.
Donc : 30 000 pèlerins × 3 500 € = 105 millions d’euros.

Le hajj dégage un chiffre d’affaires de plus 100 millions d’euros chaque année, répartis entre une cinquantaine d’agences, rabatteurs et intermédiaires divers.

La communauté est-elle en droit de demander à ce qu’une infime partie de ces 100 millions d’euros soit reversée à l’organisation du culte en France ?

Quelle « formule » permettrait à la fois un gain réciproque entre la communauté et les agences dans un esprit de solidarité ? En reversant, par exemple, une partie symbolique de leur gain dans un fonds de solidarité, les agences de voyages, par cet acte moral, permettraient de contribuer au financement du culte. Reste à présent à fédérer l’ensemble des protagonistes (agences, lieux de culte, associations) autour de cette question.

Quel est l’objectif de la commission Pèlerinage à moyen terme ? Quels sont les défis pour les années à venir ?

• Nous avons pour objectif d’éditer et de distribuer en grand nombre des guides de prévention et pratiques dans les années à venir ; nous sommes persuadés que, en sensibilisant en amont, les pèlerins montreront plus de prudence.

• Des sessions de sensibilisation au travers de formations et conférences sur le thème dans toutes les principales villes de la région Rhône-Alpes doivent être organisées chaque année.

• Il est impératif que le CRCM montre une présence physique aux aéroports, au départ et à l’arrivée des pèlerins ; et recueille les témoignages (par le biais de questionnaires de satisfaction, par exemple).

• Être plus à l’écoute de la communauté : nous pensons réaliser des questionnaires pour connaître les besoins et les attentes de la communauté sur ce sujet, afin d’adapter notre stratégie aux exigences des pèlerins.

• Nous envisageons la mise en place d’un label de qualité CRCM à délivrer aux agences les plus sérieuses qui accepteraient de se faire auditer de manière indépendante.

• Nous projetons la mise en place, au sein même de la commission, d’un comité de pilotage pour la gestion globale du pèlerinage et la coordination des différents acteurs de ce secteur.

• Nous travaillerons sur un outil statistique pour recenser au mieux : le nombre de pèlerins, les agences, les rabatteurs, les mosquées impliquées, etc.

En conclusion, ce n’est que grâce à une prise de conscience et à un redoublement de prudence que nous ferons avancer les choses. Travaillons main dans la main pour bâtir, si Dieu le veut, une communauté organisée, afin que chacun et chacune d’entre nous puisse pratiquer son culte dignement.


* Karim Lounis et Karim Menana sont membres de la commission Pèlerinage au sein du CRCM Rhône-Alpes.







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