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Religions

Hajj : le congrès mondial de la fraternité

Hajj 2009

Rédigé par | Jeudi 19 Novembre 2009 à 18:48

           

Parce que le voyage éveille les consciences, l’islam impose le hajj à ceux qui le peuvent.



La kiswa (14 m de haut et 47 m de large) est l'étoffe noire qui recouvre la Ka'ba. Elle est tissée dans de la soie et brodée en fil d'or d'inscriptions coraniques.
La kiswa (14 m de haut et 47 m de large) est l'étoffe noire qui recouvre la Ka'ba. Elle est tissée dans de la soie et brodée en fil d'or d'inscriptions coraniques.
En posant le pèlerinage à La Mecque (hajj) comme un de ses fondements, l’islam a élevé le voyage au rang d’un dogme religieux. Au moins une fois dans sa vie, tout musulman doit se rendre à La Mecque, à condition d’en avoir les moyens physiques et matériels.

Avant le hajj et après le hajj

Quand vient la saison du hajj, les délégations affluent du monde entier. Drapé dans deux morceaux d’étoffe blanche (ihrâm), le pèlerin tombe sa culture sociale pour devenir un individu uniquement reconnu à son humanité. Industriel, prince, reine ou ouvrier, les pèlerins musulmans exécutent les mêmes gestes aux mêmes endroits en récitant les mêmes paroles.

En 1964, Malcolm X est l’un d’entre eux. Il a 39 ans. Il est un leader américain au discours raciste et ségrégationniste. Au sortir du hajj, c’est un nouveau Malcolm X qui écrit à ses militants : « Jamais je n’ai connu d’hospitalité aussi sincère, de fraternité aussi bouleversante que celles des hommes et des femmes de toutes races réunis sur cette vieille Terre sainte, patrie d’Abraham, de Muhammad et des autres prophètes des Saintes Écritures (...). Dans leurs paroles comme dans leurs actes, les musulmans blancs sont aussi sincères que les musulmans noirs d’Afrique (...). Nous sommes véritablement frères. Parce qu’ils croient en un seul Dieu, ils excluent toute considération de race de leur esprit, de leurs actes, de leur comportement » Dans le cas de Malcolm X comme dans la vie de nombreux musulmans, il y a un « avant le hajj » et un « après le hajj ».

En plus d’une rencontre fraternelle, le pèlerinage à La Mecque est un congrès social. Car les pèlerins échangent des informations sur leurs conditions dans leurs pays respectifs. Bravant les services de sécurité, des groupes profitent de la tribune pour donner une portée internationale à leur lutte, avec un dénouement parfois tragique. Ainsi, le 31 juillet 1987, une manifestation de pèlerins iraniens dégénère en émeute, coûtant la vie à 400 personnes.

Pour autant, malgré ces passages pénibles, le hajj demeure un rendez-vous de spiritualité vivante, active et exigeante. En islam, les actes d’adoration (‘ibâdât) ont chacun leurs caractéristiques. La salât (prière rituelle), le jeûne (sawm), la zakât ont leurs spécificités. Et selon la Tradition, le hajj est l’acte d’adoration qui manifeste les caractéristiques de tous les autres.

Une finesse et une densité spirituelle

Le pèlerinage à La Mecque ne prend tout son sens que lorsqu’il répond à un appel. Ce pèlerin n’est pas un touriste avide de découvertes. Il arrive en Terre sainte en répétant en chœur l’incantation rituelle « labïka ». Il est donc tel un serviteur qui a entendu son maître et se précipite vers lui en répondant : « Labbayka [Me voici]. »

Une fois l’intention formulée, le rituel du hajj s’emploie à conduire le pèlerin vers une « nouvelle naissance ». Une nouvelle façon d’appréhender sa vie, ici et maintenant, et pour le restant de ses jours. C’est pourquoi le pèlerin commence par se dépouiller de ses vêtements ordinaires. Joignant l’acte à l’intention, il prend l’ihrâm ; un changement matériel, prélude à sa métamorphose spirituelle.

Le pèlerin musulman n’aspire pas à un nouvel état spirituel. Bien au contraire. Il vise un retour à sa virginité originelle. En partant d’un point fixé, le pèlerin mène une course circulaire pour revenir à son point de départ, son état de naissance. Cette course nommée tawâf symbolise le cycle de vie spirituelle. Durant sa course, le pèlerin s’engage à garder le repère de la Ka‘ba, symbole matériel de son attachement spirituel. Ainsi dramatise-t-il le pacte nouveau auquel il s’engage pour le restant de ses jours.

Les rites du hajj sont nombreux et riches en enseignements. Derrière une apparence déconcertante, chaque station suit une logique implacable conférant au hajj une finesse et une densité spirituelles, dont aucun récit ne peut véritablement rendre compte. L’ensemble concourt à inscrire le pèlerin dans la dynamique d’un pacte nouveau.

Éveil spirituel pour les uns, occasion de prise de conscience pour les autres, le hajj réussi est toujours un chemin initiatique. Le fidèle en garde des souvenirs pendant longtemps. Car pour nombre de musulmans le hajj est l’unique voyage qu’ils aient jamais fait en dehors de leur continent.



Diplômé d'histoire et anthropologie, Amara Bamba est enseignant de mathématiques. Passionné de... En savoir plus sur cet auteur



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