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Monde

Islamophobie : Trump président, les organisations musulmanes ensemble au front

Rédigé par | Jeudi 10 Novembre 2016 à 08:00

           

Les Américains musulmans redoutaient l’élection de Donald Trump. Désormais actée, les communautés musulmanes craignent un ancrage plus profond et institutionnelle de l'islamophobie et de la xénophobie dans la société américaine. Refusant de céder au piège du repli sur soi, les principales organisations musulmanes du pays ont ensemble partagé leurs réactions face au nouveau défi politique qui s'offre à eux.



Les Américains musulmans redoutaient l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche. Celle-ci est désormais actée après l’annonce dans la nuit du mardi 8 au mercredi 9 novembre de la victoire du candidat républicain à l’élection présidentielle. Un Mister Islamophobie qui a multiplié les déclarations antimusulmanes pour mieux diviser la société.

Tout le monde se souviendra de sa proposition visant à interdire l’accès des Etats-Unis aux musulmans en provenance de l’étranger. Il aura fallu attendre dix mois, en octobre 2016, pour annoncer vouloir enterrer l’idée. Mais il ne rassure pas du tout pour autant.

Amalgamant à souhait islam et terrorisme, il a prétendu avoir vu danser des milliers de musulmans – rien que ça – lors de la chute des tours jumelles le 11 septembre 2001. Quant aux présumés terroristes, et en violation avec nombre de conventions internationales, il a déclaré être favorable au rétablissement de la torture, et du « waterboarding » (la simulation par noyade) en particulier. En parallèle, Donald Trump est accusé de faire le jeu des terroristes et de rendre ainsi service à l’Etat islamique* en stigmatisant les musulmans. « Je pense que l’islam nous hait. Il y a une sorte de haine immense là-bas », déclarait, entre autres absurdités, le candidat devenu président en mars.

Rose Hamid, une mère de famille musulmane expulsée des meetings pré-électoraux de Donald Trump.
Rose Hamid, une mère de famille musulmane expulsée des meetings pré-électoraux de Donald Trump.

La libération de la parole raciste inquiète

Les prises de position du milliardaire ont poussé les communautés musulmanes à s’organiser afin d’inciter les électeurs à voter contre lui. Marque de la mobilisation, l’année 2016 est celui du record des inscrits de confession musulmane, plus d’un million selon une coalition d’organisations islamiques qui déplorent une campagne électorale fondée sur la haine et le rejet de l'Autre du côté des partisans de Donald Trump.

Rose Hamid, 56 ans, en a fait l'expérience en janvier puis en août 2016 en décidant de se rendre à des meetings républicains, flanquée d'un tee-shirt « Salam. Je viens en paix ». Cette mère de famille anti-Trump, qui souhaitait écouter par elle-même le discours du candidat, a été évincée des deux événements par des agents de sécurité après y être entrée. Au second meeting, à Charlotte, en Caroline du Nord, ses dons de stylos avec l'inscription « Paix » a agité des militants qui n'ont pas manqué de lui lancer des insultes racistes. Mais c'est Rose Hamid qui fut expulsée de la salle après avoir été accusée de provoquer des troubles. Même traitement pour un Américain d'origine indienne qui était dans les faits un fan de Trump...

Un exemple parmi d'autres d'une banalisation de paroles et gestes racistes qui inquiète les musulmans, en particulier les femmes voilées, nombreuses à exprimer leurs craintes sur les réseaux sociaux quant aux conséquences de leur visibilité auprès d'esprits échaudés par la victoire de leur champion, comme le souligne le magazine américain New York.

Œuvrer à « un changement social » qui profite à tous

Les inquiétudes sur le sort réservé aux minorités, renforcées par une incertitude sur l'avenir offerte par l'élection de Donald Trump, ont été partagées par les principales instances musulmanes du pays lors d'une conférence de presse commune organisée à Washington mercredi 9 novembre à 14h30 heure locale (20h30 heure française).

« Nous acceptons les résultats de l’élection car nous croyons au principe de la démocratie et à une transition pacifique du pouvoir. Nous devons traiter avec la présidence, quelle que soit la personne qui l’occupe », a indiqué le Conseil musulman des affaires publiques (MPAC). « Les Etats-Unis sont forts lorsque toutes les communautés, institutions et leaders qui composent le pays œuvrent ensemble pour bâtir un avenir meilleur pour sa population et pour le monde », a plaidé Nihad Awad, directeur exécutif du Conseil des relations islamo-américaines (CAIR), qui intègre la lutte contre l'islamophobie dans une des batailles pour les droits civiques.

Johair Abdul-Malik, directeur d’un centre islamique en Virginie, a souligné l’implication des organisations à œuvrer pour « un changement social qui améliorera la qualité de vie aux Etats-Unis, pas uniquement celle des minorités ethniques mais aussi celle des Américains blancs issus du monde ouvrier et de la classe moyenne ». Des messages qui marquent la volonté commune non pas de céder à la tentation du repli sur soi mais d'un engagement citoyen plus fort auprès de la société américaine, plus encore lorsque les temps se font difficiles.

Entre deux prises de parole musulmane, le revérend Steven D. Martin, du Conseil national des Eglises, a témoigné la solidarité de son organisation et de ses fidèles auprès des musulmans du pays. Il a ainsi lancé un appel auprès du président nouvellement élu et des décideurs politiques « à exercer leur pouvoir avec compassion, attention et un profond souci vis-à-vis de tous les Américains afin que personne ne soit laissé pour compte ».

L’organisation Etat islamique avait fait savoir, par le biais de sa branche médiatique Al-Hayat Media Center, que tout musulman qui se rendrait aux urnes est un « apostat » qu'il menace de mort, accusant les partis républicain et démocrate d’être tous deux engagés dans une « guerre contre l’islam ». Si, pour Daesh, Donald Trump est un homme « imprévisible », Hillary Clinton était une candidate à bannir car elle est « habile dans le politiquement correct » et est, par-dessus tout, une femme.



Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur



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