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Religions

Hajj : des bracelets électroniques obligatoires pour les pèlerins

Rédigé par Hakim Benbarek | Mercredi 17 Août 2016 à 12:50

           

Après la bousculade meurtrière lors du hajj de l’an dernier, l’annonce de l’Arabie Saoudite d’une fourniture d’un bracelet électronique est censée apaiser les inquiétudes des futurs pèlerins en partance pour La Mecque.



Hajj : des bracelets électroniques obligatoires pour les pèlerins
Chaque année, nombreux sont les pèlerins qui se perdent : pas facile pour certains de se trouver emportés dans une marée humaine et de retrouver son groupe, son hôtel ou tout simplement un lieu de rendez-vous quand tout se ressemble.

De l’aveu d’une agence, le pire est à craindre quand le pèlerin a atteint un âge sénile ou est atteint de la maladie d’Alzheimer : le perdre, c’est se résigner à prier jusqu’à le retrouver parfois plusieurs jours après. Heureusement, les portes de La Mecque ne ferment jamais, sauf durant le laps de temps de certaines prières pour gérer le flux...

Dans ce périple qui attend le pèlerin, que ce soit à Muzdalifa ou à Mina, le risque est réel de se perdre ou d’être oublié par son groupe. La gestion des transports reste chaotique en Arabie Saoudite, et les guides toujours sous pression se contentent de compter leurs voyageurs par tête. Et, jusqu’à ce jour, les bracelets d’identification ont largement relevé du ridicule au regard des matériaux utilisés et de leur aspect rudimentaire : une sorte d’élastique avec un numéro imprimé sur une étiquette…

Les esprits des familles ayant eu un proche en retour du pèlerinage 2015 sont encore marqués par la longue souffrance due à l’absence de nouvelles, voire à la disparition de leurs proches faisant partie des victimes, dont certaines ont peut-être été enterrées sous X.

Caméras de surveillance et bracelet pour tous

À la suite de la tragique bousculade de l’an dernier à La Mecque ‒ l’évènement le plus meurtrier de l’histoire du hajj avec près de 2 300 victimes, selon des données regroupées de divers gouvernements étrangers (l’Arabie Saoudite, quant à elle, ne dénombre toujours officiellement que 769 morts et 934 blessés) ‒, les autorités saoudiennes ont pris diverses mesures pour éviter ce type d’accidents et mieux les gérer. Depuis ce triste 24 septembre 2015, plus de 800 caméras ont été installées autour de la Mosquée sacrée.

Sans que l’on sache vraiment le calendrier, les autorités saoudiennes ont décidé de faire porter aux pèlerins un bracelet électronique relié à un système de localisation GPS et résistant à l’eau, afin de localiser les éventuelles victimes, de les identifier et de faciliter les secours.

La technologie au secours des pèlerins

Ce bracelet contiendra des informations telles que la date d’entrée en Arabie Saoudite, l’identité du porteur et sa langue. Il devrait également contenir des informations médicales comme les allergies et maladies chroniques si on se fie au brevet US20130316723 qui définit précisément les informations d’identification et de « profiling » qui seront inscrites dans la puce RFiD de chaque bracelet.

Le bracelet électronique d'Invethic SAS.
Le bracelet électronique d'Invethic SAS.
Aucune information n’a été donnée, en revanche, sur la technologie utilisée. Cependant, il ne fait nul doute que pour des raisons d’autonomie la solution de réseaux de type SigFox ou Lorawan est plus appropriée que celle des réseaux cellulaires classiques qui nécessite une carte SIM et une recharge régulière de la batterie.

À quelques semaines du pèlerinage, plusieurs initiatives font surface offrant aux pèlerins des solutions alternatives. Lancé depuis la Suisse, un nouveau bracelet fait son apparition sous le nom de Bissalama. il est présenté par la société SwissMedCall comme étant « le premier bracelet connecté permettant un pèlerinage aux Lieux saints en toute sécurité ».

En revanche, depuis la France, comme il n’est pas certain que tous les pèlerins souhaitent être badgés ou acceptent tous de porter un bracelet uniforme et aux fonctions très limitées, on peut regarder avec intérêt le concept de la Kii07 d’une startup parisienne Invethic qui exploite un brevet français (FR2911466). Utilisant une géolocalisation par SMS, implémentée sur une smartwatch, ce bracelet personnalisable permet, en plus de la fonction téléphone et d’appel d’urgence, de profiter des fonctions multimédias classiques (caméra et lecteur audio).

Visualisation des flux en temps réel

L’Arabie Saoudite est le seul pays de la région à s’être doté d’un réseau Lorawan couvrant tout son territoire, cette technologie de réseau maillé permet d’utiliser les terminaux radio (bande 860 MHz) comme vecteur de routage.

Autrement dit, chaque pèlerin pourra servir de point intermédiaire vers d’autres jusqu’au routeur nodal Lorawan qui va concentrer les échanges et les faire passer sur le réseau filaire pour rejoindre le centre de traitement des données. Ainsi, les autorités saoudiennes sauront visualiser en temps réel les flux et les points de congestion.

Pour ce qui concerne les données personnelles, un deuxième brevet US20150370285 pour le compte de l’université Umm Al-Qura, publié le 24 décembre 2015 (soit trois mois jour pour jour après la bousculade meurtrière), nous en dit plus sur les intentions qui se cachent derrière ce bracelet. La fonction principale serait de gérer des alertes en cas de parcours non cohérent par rapport aux étapes prédéterminées correspondant au déroulement normal des rites : en cas d’écart important, une alerte sera envoyée aux autorités en charge de la sécurité du pèlerinage.

Pas d’informations descendantes vers les pèlerins

Cependant, hormis les fonctions gadgets telles que l’alarme prière (inutiles en terre sainte, où l’appel à la prière est audible partout), aucune fonction dans le sens descendant qui permettrait de prévenir les pèlerins d’un risque imminent ne semble prévue.

Après cette annonce de l’Arabie Saoudite, de nombreuses questions restent toutefois en suspens. Quelle utilisation les autorités saoudiennes vont-elles faire des données personnelles ? Dans quelles mesures les familles en attente d’informations sur leurs proches pourront en profiter ? Qui va en supporter le coût : les pèlerins, les agences ou les autorités locales ?

Et il est fort à parier que les autorités saoudiennes se réserveront l’exclusivité de l’exploitation de ce qui peut s’apparenter à ce que l’on appelle les big data.





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