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Points de vue

Conflits armés : quel sens donnons-nous à la justice ?

Rédigé par Fatima Adamou | Lundi 11 Août 2014 à 06:00

           


Conflits armés : quel sens donnons-nous à la justice ?
Un nourrisson sous les décombres d’une maison bombardée, des hommes guidés par les cris du bébé cherchent sous les gravas. Le bébé est sorti sain et sauf, scène de joie. Mais cela s’est passé en Syrie, cela n’a donc pas fait le tour des réseaux sociaux. Une scène similaire se passait quelques jours auparavant à Gaza. Le drame de ces enfants nous renvoie à la figure notre sens très subjectif de la justice. Une indifférence pour le futur de l’un et une mobilisation très forte pour le futur de l’autre.

Des politologues, des experts froids nous expliqueront que cela est normal. Ils avanceront l’histoire, l’ancienneté du conflit israélo-palestinien, les acteurs de renommée internationale impliqués dans le conflit. D’autres évoqueront la « dynamique » différente de ce conflit.

Bien entendu, nous prenons nos distances avec ces explications hiérarchisant et « starisant » les drames humains. La justice, la recherche de celle-ci, n’est pas soumise à un questionnaire préalable afin de savoir si tel ou tel conflit, tel ou tel massacre mérite notre indignation et nos efforts pour y mettre fin, parce qu’une vie humaine est une vie humaine, une injustice une injustice quels que soient les acteurs du conflit, les enjeux stratégiques clairs ou peu clairs, la couleur de peau, l’appartenance religieuse des victimes ou leurs localisations géographiques.

Les bombardements survenus durant le mois sacré du Ramadan ont particulièrement choqué. À vrai dire, il est surprenant d’être choqué, rien n’indique que ce mois est sacré. En effet, un petit tour d’horizon non loin de Gaza et tout le monde s’aperçoit que les bombes pleuvent, les massacres, les viols perpétrés par des musulmans continuent, même durant ce mois.

Par ailleurs, les musulmans chinois ont été une fois de plus interdits de jeûne, de prières dans les mosquées. Le jeûne est notre troisième pilier de l’islam, une obligation pour tous ceux qui sont en âge physiquement capable de le pratiquer. En dépit de ces interdictions répétées, des pressions, du harcèlement subis suite à l’application des règles du gouvernement, les musulmans extérieurs à la Chine réagissent peu.

Ainsi, vu de l’extérieur, le mois de Ramadan ne signifie rien d’important. Pas au point de faire pression sur la Ligue arabe ou de protester devant les ambassades des pays influents de cette Ligue pour au moins exiger une trêve dans les zones de conflit par exemple.

À côté de cela, on nous reproche à nous, musulmans occidentaux, le manque de condamnation des crimes perpétrés par des musulmans contre des minorités non musulmanes dans les pays à majorité musulmane. Ces indignés, à juste titre, devraient déjà s’apercevoir au moins de la peine observée au sein de la communauté musulmane à seulement évoquer, discuter, considérer les persécutions et exécutions de musulmans commises par d’autres musulmans.

C’est vrai, plus d’une fois les non-musulmans ont entendu qu’« un musulman ne tue pas un musulman ». Ils ont très certainement suivi les débats et les récits de soldats musulmans américains qui ont déserté, refusant de tuer leurs « frères » en Irak.

Hélas, tous les jours au Proche- et au Moyen-Orient, en Afrique et ailleurs, des musulmans s’entretuent de manière barbare, n’épargnant ni femmes ni enfants. Les histoires nous arrivent toujours plus atroces que les précédentes.

Écœurés sûrement, puis paralysés, nous avons repris notre quotidien. Nous avons jeûné tranquillement comme les années précédentes, Nous avons voyagé dans les pays non loin des zones de conflits, sachant que des milliers de musulmans un peu partout dans le monde vivent sous les bombes, sont persécutés, poussés à l’exil... Pour nous donner bonne conscience, peut-être, on donne… on donne beaucoup d’argent pour soulager les familles nécessiteuses, pour financer des colis à offrir à l’occasion des fêtes religieuses.

À bien des égards, nous donnons l’image d’une communauté qui se révolte face à l’injustice et nous sommes sûrement convaincus de la portée de notre « révolte ». Toutefois, il est permis d’en douter. Il est temps de regarder très sérieusement et très objectivement autour de nous et de nous demander si les abominations endurées par les musulmans ou perpétrées par les musulmans ne sont pas le résultat de notre sens de la justice très incohérent.

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Fatima Adamou est researcher bénévole à l'association Christian Muslim Forum.






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