Sur le vif

Tunisie : Un projet de loi en vue de punir les « atteintes au sacré »

Rédigé par La Rédaction | Lundi 13 Aout 2012 à 11:07



Ennahda est le parti au pouvoir de la Tunisie depuis un an. Il a déposé, le 1er août, un projet de loi visant à punir les atteintes au sacré.

Il s’agit d’un texte, qui dresse une liste des valeurs, lieux et objets « sacrés » afférents aux religions pratiquées en Tunisie. Il vise à punir d’une amende de 2 000 dinars tunisiens (environ 1 000 €) quiconque se rendrait coupable d’injure, de profanation, de dérision ou encore d’avoir représenté Dieu et son Prophète. Ce texte prévoit également une peine pouvant aller jusqu’à deux ans de réclusion, voire quatre ans en cas de récidive.

Ce projet de loi survient suite aux violentes émeutes qui se sont déroulées au mois de juin dernier. Ces émeutes ont été suscitées par une exposition d'art contemporain jugée insultante par des groupes islamistes. Au début, Ennahda s’est rangé du côté des extrémistes outragés par l’exposition. Mais, dans un deuxième temps, ni les extrémistes ni les artistes désignés comme provocateurs n’ont eu sa faveur. « Les symboles religieux sont au-dessus de toute dérision, ironie ou violation », affirme Rached Ghannouchi, le chef d’Ennadha.

A plus forte raison, deux jeunes gens ont publié sur le réseau social Facebook des caricatures du Prophète. Cela, quelques jours après l’incident de l’exposition d'art. Ils ont été condamnés à sept ans de prison pour « atteinte à la morale, diffamation et trouble à l’ordre public ». C'est ainsi que l'idée de « criminaliser l’atteinte au sacré » a été appelée officiellement par Ennahda, le 16 juillet, jour de clôture de son 9e congrès.

En outre, l’opposition tunisienne se montre défavorable à ce projet de loi. En effet, le texte « introduirait une nouvelle forme de censure dans un pays qui en a déjà tellement souffert sous le mandat du président déchu, Ben Ali », selon Éric Goldstein, directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord de l’ONG Human Rights Watch.
« Les défenseurs des droits de l’homme sont unanimes pour dire que ce projet ne doit pas passer. Les termes sont tellement larges que l’on pourrait lui faire dire n’importe quoi », estime Samir Taieb, docteur en droit constitutionnel et élu de l’Assemblée constituante tunisienne.

Rabeh Faroui, membre du conseil d’administration de l’Association des Tunisiens en France, a,quant à lui, affirmé que le parti « Ennadha se présente comme un groupe d’islamistes modérés. Pourtant, depuis la révolution, ils ne font que tester la résistance de la société civile, petite retouche par petite touche. Ils veulent qu’il y ait dans la loi une référence à l’islam, que les enfants étudient le Coran dès la maternelle. Ils se disent différents des salafistes, mais ils ne valent pas mieux ».

Un tel projet de loi, mettant le symbole religieux au-dessus de la liberté d'expression pourra-t-il aboutir ? Le dernier mot appartient aux parlementaires tunisiens.

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