Points de vue

Organisation du culte musulman : Ne pas se tromper de combat ! (1/3)

Rédigé par Mohammed Moussaoui | Vendredi 1 Février 2019 à 18:30



Les musulmans de France observent avec effroi les disputes du « leadership » de la représentation du culte musulman de France. Un sentiment d’inquiétude et d’incompréhension se cristallise de plus en plus, devant les amalgames qui rongent la volonté d’une structuration apaisée du culte musulman en France.

Cette inquiétude s’exprime également au sujet du débat qui s’annonce sur la laïcité et sur d’éventuelles modifications de la loi 1905.

Il est reproché aux responsables du Conseil français du culte musulman (CFCM) :

- Leur division et leurs liens avec des pays étrangers, deux facteurs qui les rendraient incapables de mettre en œuvre des projets communs propres à favoriser le progrès et le rayonnement du culte musulman en France ;

- De ne pas avoir développé la formation des ministres du culte et des cadres religieux pour assurer l’indépendance de l’islam de France en matière d’imams et d’encadrement de la jeunesse et d’immuniser celle-ci face aux idées et discours extrémistes.

Ces reproches doivent être entendus analysés et pris en compte sans jamais se tromper de combat ! Cette tribune vise à en tirer quelques leçons, attirer l’attention sur la responsabilité collective face aux défis présents et à venir.

S’agissant de la division des responsables musulmans :

Incontestablement, les enjeux surdimensionnés et exagérés de la représentation du culte musulman ont donné lieu à des tractations interminables sur la composition des différentes instances du CFCM, aux dépens parfois, il faut le reconnaitre, des objectifs que cette institution s’était assignés et notamment : défendre les intérêts et la dignité du culte musulman en France.

Le respect de l’autonomie des fédérations et des associations gestionnaires des lieux de culte que rappelle le CFCM dans ses statuts s’est traduit progressivement par l’éloignement entre ses composantes et un manque de mutualisation de leurs moyens. Le CFCM s’est réduit en un espace de dialogue entre certaines fédérations sans réelle volonté de faire ensemble.

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De nombreux observateurs estiment le fait que plus de la moitié du conseil d’administration soit non élue et désignée par certaines fédérations ne permet pas de faire émerger de nouvelles compétences. En effet, après 15 ans d’existence, la composition du bureau exécutif du CFCM de 2003 est restée quasiment inchangée.

De fait, de nouvelles initiatives pour investir le champ de l’organisation et du financement du culte musulman commencent à prendre forme en dehors du CFCM. Ce dernier, voulant empêcher ces initiatives et faire valoir son statut d’interlocuteur unique des pouvoirs publics a donné l’occasion à ses détracteurs de le taxer d’être devenue une chasse gardée et une tribune réservée aux responsables de certaines fédérations.

Bien que les questions de l’organisation et de la représentation du culte musulman aient leur importance sur la vie religieuse des musulmans de France, elles ne doivent pas nous faire oublier que l’essentiel est ailleurs.

L'extrémisme, le véritable danger pour nous tous

L’extrémisme pourrait saper tout les efforts d’organisation et du financement du culte musulman si les responsables de ce dernier se trompent de combat.

En effet, notre attention première doit être portée sur les valeurs et les principes que nous devons défendre ensemble non seulement dans l’intérêt de la composante musulmane de France mais également dans l’intérêt de notre pays et de nos concitoyens.

Les musulmans de France partagent les mêmes valeurs et les mêmes principes universels qui animent leurs concitoyens et qui constituent le ciment de notre cohésion sociale. Ces principes et ces valeurs permettent aux musulmans de France comme à tous nos concitoyens de vivre leur foi dans la paix et de pratiquer leur culte dans le respect.

Des égarés, au nom d’une conception dévoyée de la religion musulmane et de ses principes, usent de la criminalité pour servir l’idéologie de la ségrégation et de la haine de l’autre. Des jeunes se disant musulmans ont succombé à cette idéologie de terreur et ont commis des crimes abjects rejetés et condamnés par l’ensemble des musulmans.

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Aussi, au nom de la défense d’une prétendue identité française menacée, une frange minoritaire parmi nos concitoyens est animée par des idées xénophobes à l’égard de l’islam et des musulmans. Elle veut rendre tous les musulmans de France ainsi que leur religion responsables et coupables des crimes terroristes.

Ces deux extrêmes se nourrissent l’un de l’autre et alimentent des sentiments de peur et d’inquiétude chez une partie non négligeable de nos concitoyens. Elles pourraient menacer l’unité et la cohésion de notre pays si rien n’est fait pour les empêcher de prospérer.

Une expression minoritaire, sans verser dans le crime et la terreur, a choisi de promouvoir une conception de la foi qui exclut et une pratique religieuse hors contexte qui heurte et suscite l’incompréhension et la peur. Sans sagesse, elle pourrait conditionner ceux qui l’empruntent et en faire des réceptacles d’idées plus extrémistes et plus néfastes.

Dès lors, nous devons être conscients que ces groupuscules sont le véritable danger pour nous tous. Nous devons concentrer nos efforts et nos énergies à œuvrer collectivement et prioritairement pour les mettre hors d’état de nuire.

Pour un nouveau regard sur les nouvelles initiatives autour de la représentation et du financement du culte musulman

Les porteurs de ces initiatives peuvent être des concurrents dans la course vers la représentation du culte musulman. Ils peuvent prétendre à faire mieux que le CFCM dans certains domaines où ce dernier a échoué. Ils peuvent également contester au CFCM l’exclusivité de la représentation du culte musulman.

Cependant, ils n’ont cessé de déclarer vouloir impliquer de nouveaux moyens et de nouveaux acteurs pour promouvoir une pratique religieuse ouverte et respectueuses des convictions de chacun, faire reculer l’extrémisme et répondre aux nombreuses attentes des musulmans de France.

Les extrémistes, quant à eux, dénient aux membres du CFCM, aux porteurs de ces nouvelles initiatives et à l’immense majorité des musulmans, leur foi et les considèrent au mieux comme des ignorants, au pire des traîtres au service des officines obscures !

En somme, le différend que pourrait avoir le CFCM avec les porteurs de ces nouvelles initiatives pour l’organisation et le financement du culte musulman n’est certainement pas du même ordre ni de la même nature que celui qui l’oppose aux promoteurs des idéologies extrémistes. Avec les premiers, les principes sont partagés et la volonté de servir le culte musulman est commune. C’est la délimitation du périmètre d’action de chacun qu’il faudrait préciser. Avec les extrémistes, c’est autre chose.

Les nouvelles initiatives, avec les dynamiques qu’elles créent, pourraient ouvrir des perspectives que le CFCM n’a pas pu ou n’a pas su explorer. La lutte contre l’extrémisme et la promotion des valeurs communes qui fondent notre pacte républicain concernent tous les Français et non, seulement, les gestionnaires des mosquées !

En ces moments cruciaux, les forces vives de notre pays doivent chercher l’unité dans la complémentarité, regarder les priorités avec lucidité et surtout ne pas se tromper de combat.

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Mohammed Moussaoui est président de l'Union des mosquées de France (UMF).

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