Culture & Médias

« Muslim Pride » : quand l'islamophobie tourne à l'islamoparanoïa

Rédigé par Pauline Compan | Lundi 19 Mars 2012 à 14:00

Déconstruire l'islamophobie ambiante. L'Institut des Cultures d'Islam (Paris 18e) a ouvert, jeudi 15 mars, un cycle de débats et de rencontres intitulé « Dépasser les islamophobies européennes » en parallèle d'une exposition, supervisée par Raphaël Liogier, sociologue et initiateur du concept social de « Muslim Pride », et préparée par ses étudiants de l'IEP d'Aix-en-Provence. Celle-ci se tient jusqu'au 29 mars dans les locaux de l'ICI. Pour l'inaugurer, une première conférence s'est tenue pour discuter de l'islamophobie, voire même « l'islamoparanoïa » qui secoue les sociétés européennes.



Asma, 21 ans, figure de l'exposition "Portraits d'islam". © Mikaël Aurelio Doulson Alberca.
« Aujourd'hui il existe une peur d'un "ennemi intérieur", quelqu'un que l'on ne voit pas et à qui l'on prête des intentions. » Pour le sociologue Raphaël Liogier, l'islamophobie ambiante des sociétés européennes est différente du racisme des années 80. « Au fantasme du nombre s'est désormais superposé une intentionnalité, une volonté d'attenter à la culture française », continue M. Liogier. Une « islamoparanoïa » aurait donc touché les sociétés européennes.

Dans ces conditions, « islamophobie » est-il le bon terme ? « Nommer les choses est déjà un pas vers une reconnaissance d'un problème », poursuit le psychologue Eric Vandorpe. Et pourtant le terme divise. Car certains dénient l'existence de cette « peur irrationnelle » de l’islam et préfèrent invoquer la liberté d’expression pour justifier des discours virulents, empreints souvent d'ignorance sur l'islam.

« Le problème aujourd'hui, c'est aussi que le terme devient courant, il est revendiqué comme une manière de dire "j'ai la rage" », continue M. Vandorpe. Dans ces conditions, le psychologue ne se satisfait pas de ce terme car un « phobique » au sens clinique évitera la confrontation avec l'objet de sa peur, alors que les relents islamophobes de la société s'expriment, au contraire, ouvertement et justifient des lois islamophobes par des accusations envers l'islam, qui est supposé être sexiste et raciste.

Déconstruire les préjugés

Cette islamophobie sociétale qui tourne à l'islamoparanoïa s’exprime dans l'exposition présentée à l'ICI. Sur les murs de la première salle, des couvertures de journaux de toute l'Europe entendent refléter les préjugés, parfois violents, véhiculés par les médias à propos de l'islam.

Alors face à cette déferlante, les autres pans de l’exposition tentent de déconstruire l'objet médiatique qu'est devenu l'islam. Des clichés montés des musulmans de toute l’Europe, tandis qu'un autre tableau met en valeur les mots issus de la culture arabe couramment utilisés dans le vocabulaire français. Une exposition intéressante mais un peu courte, que les visiteurs peuvent venir voir gratuitement. Ils pourront profiter de leur venue pour participer aux ateliers et aux débats proposés par l'ICI jusqu’au 29 mars.