Politique

Les tourments judiciaires du Front national, dans les starting-blocks pour la présidentielle

Rédigé par Christelle Gence et Hanan Ben Rhouma | Lundi 6 Mars 2017 à 17:15

Les mises en causes judiciaires se sont succédé ces derniers mois pour le Front national. Une situation qui ne semble pas entacher l’image du parti auprès de ses sympathisants : le FN s'est renforcé sur l'échiquier politique français, des municipales en 2014 aux départementales en 2015, en passant par les européennes. Demain, Marine Le Pen à l'Elysée ? Tour d’horizon des dernières affaires judiciaires du FN.



Entre le sentiment de déception qui découle du quinquennat de François Hollande et le défilé de scandales politico-financiers qui se sont succédé ces dernières années (Cahuzac, Guéant, Thévenoud, Copé, Balkany… et désormais Fillon) et qui ont ébranlé le PS ces dernières années et Les Républicains aujourd'hui, la défiance à l’égard de ces principaux partis est forte. Des scandales dont a longtemps tirer profit le Front national pour se donner l'habit d'un parti respectable, parti au combat contre le système « UMPS ».

« Tête haute, mains propres », clamait un vieux slogan frontiste. Pourtant, la réalité judiciaire a déjà attrapé Marine Le Pen et de nombreux cadres du FN. Le point sur les dernières affaires que traînent le parti d'extrême droite.

Des soupçons de fraude et d'emplois fictifs au niveau européen

L’Office européen de lutte anti-fraude (OLAF) avait été saisi dès mars 2015 par celui qui fut, jusqu'en janvier 2017, le président du Parlement européen, Martin Schulz, pour enquêter sur les cas litigieux de plusieurs assistants parlementaires du FN. Engagés par les eurodéputés du groupe qui compte notamment Jean-Marie et Marine Le Pen, ils étaient fortement suspectés de ne pas travailler réellement pour le Parlement européen, qui les rémunère pourtant. Le FN est ainsi accusé de détourner de l’argent public du Parlement européen au profit de son fonctionnement interne.

Les assistants doivent tous « nécessairement et directement travailler à l'exercice du mandat parlementaire des députés européens » frontistes pour justifier d’un salaire d’assistant parlementaire. Les soupçons se sont dernièrement concentrés sur le garde du corps de Marine Le Pen Thierry Légier ainsi que sa directrice de cabinet Catherine Griset. Celle-ci, soupçonnée d’avoir travaillé pour le compte du FN dans son siège de Nanterre (Hauts-de-Seine) et non à Bruxelles comme le stipulait son contrat d'assistante entre 2010 à 2016, a été mise en examen le 22 février pour recel d’abus de confiance.*

Quant à la présidente du FN, l'OLAF lui a réclamé 339 000 euros au titre des salaires indûment perçus par les deux assistants présumés. Ayant refusé de rembourser cette somme avant le 31 janvier, le Parlement européen a décidé de retenir la moitié de son indemnité parlementaire et la moitié de ses frais de séjour jusqu'à la fin du remboursement. Au-delà de cette sanction pécuniaire, Marine Le Pen n’est toutefois pas vraiment inquiétée tant que son immunité parlementaire n’est pas levée dans le cadre de l’enquête sur les emplois fictifs présumés.

Convoquée vendredi 10 mars pour une possible mise en examen, elle a déclaré son refus de s’y rendre. Mais contrairement à François Fillon, l’affaire ne semble pas avoir à ce jour de conséquence sur la cote de popularité de Marine Le Pen, qui se plaît à accuser « le système » de vouloir la mettre hors course.

Son immunité parlementaire levée pour une affaire de tweets

C’est cependant une toute autre affaire qui a valu à Marine Le Pen la levée de son immunité parlementaire, jeudi 2 mars, par le Parlement européen à la demande de la justice française. Celle-ci lui reproche d'avoir diffusé via Twitter des images d'exactions commises en Syrie par les terroristes de l’Etat islamique.

L’ eurodéputée avait vertement réagi sur son compte Twitter à l’écoute, en décembre 2015, de Jean-Jacques Bourdin évoquant sur RMC une « communauté d'esprit » entre Daesh et le FN. « Daesh, c'est ça ! », avait-elle lâché en publiant des images d’atrocités, sans les flouter au préalable : un homme écrasé par un char, un pilote jordanien enflammé dans une cage, et le journaliste américain James Foley décapité, la tête posée sur le dos.

Accusée de « diffusion d'images violentes » par le parquet de Nanterre, Marine Le Pen a de nouveau renouvelé son refus à se rendre à une convocation en avril 2016, en s’abritant derrière son immunité parlementaire, levée depuis peu à la demande du parquet.

Une enquête pour escroquerie durant les régionales 2015

Une enquête préliminaire sur le financement de la campagne des élections régionales en 2015 a été ouverte par le parquet de Paris en novembre 2016 pour escroquerie au préjudice de l'État, abus de bien sociaux et blanchiment d'argent visant l’entreprise Presses de France, dirigée par Axel Loustau, conseiller régional FN d’Ile-de-France et chargée de l’impression des documents électoraux à la place de la société Riwal, mise en cause par la justice quant au financement par le FN des élections législatives de 2012.

Selon Le Monde, la société a été créditée de 4,7 millions d’euros au titre des remboursements par l’Etat des frais de campagne, versés en février et mars 2016 alors que seuls 1,2 million d’euros ont été versés à des sous-traitants imprimeurs. Une escroquerie présumée qui aurait été rendue possible par le biais, principalement, de surfacturations.

Des enquêtes lancées pour toutes les dernières campagnes

La campagne des régionales n’est pas la seule à être dans le viseur de la justice. Evoqué plus haut, Frédéric Chatillon, proche de Marine Le Pen et dirigeant de la société Riwal, a été renvoyé en procès en octobre 2016 dans l'affaire des kits de campagne aux législatives de 2012, de même que le FN et deux de ses dirigeants, Wallerand de Saint-Just et Jean-François Jalkh.

Frédéric Chatillon a aussi été mis en examen mi-février pour « abus de biens sociaux » dans le cadre d’une enquête visant le financement des campagnes des municipales et européennes de 2014, ainsi que celle des départementales de 2015.

L’ancien président du GUD, soupçonné d'enrichissement frauduleux au préjudice de l'Etat qui rembourse les frais de campagne, est accusé d’avoir détourné plusieurs millions d'euros d'argent public, via le micro-parti frontiste « Jeanne » dont l’administration fiscale lui a contesté dernièrement le statut d’association selon Le Monde. Sa société Riwal est soupçonné d’avoir accordé un crédit au FN via Jeanne alors que les personnes morales n'ont pas le droit de contribuer au financement des partis politiques en France.

Sommé de rembourser un emprunt russe

La justice russe a été saisie fin 2016 dans une affaire liée au prêt bancaire contracté par le FN auprès d'une banque russe en 2014 à hauteur de 9 millions d’euros. L'Agence d'assurance des dépôts bancaires russes (ASV) réclame au parti de Marine Le Pen le remboursement de cet emprunt.

Des millions réclamés par le fisc

Marine Le Pen et son père, exclu du FN depuis août 2015 (et lui aussi mouillé dans l'affaire des emplois fictifs au Parlement européen), ont été entendus par la justice, mardi 31 janvier. Ils sont tous deux accusés par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) d’avoir sous-évalué leur patrimoine commun, en particulier leur propriété de Montretout à Saint-Cloud (Hauts-de-Seine). Selon le JDD, le fisc leur réclame près de 3 millions d’euros.

A force, ces affaires auront-elles un jour raison du Front national ? Le parti d'extrême droite est loin d’en avoir fini avec la justice.

Mise à jour vendredi 10 mars : Ne s'étant pas présentée à la convocation des juges, Marine Le Pen échappe pour le moment à une mise en examen. Mais après Catherine Griset, Charles Hourcade, collaborateur de la l'eurodéputée FN Marie-Christine Boutonnet, a été mis en examen pour recel d'abus de confiance.