Éditorial

Les éternels colleurs d’affiches

Rédigé par | Jeudi 5 Mai 2022 à 13:19



© Deposit Photos
Ce qui se passe à Dreux est le symbole de tout ce que les vrais habitants des quartiers rejettent de la « boulitique », les faux habitants étant ceux qui s’y trouvent dans le cadre d’une immersion sociologique 3D tout en savourant l’esprit ghetto pour du grand frisson ou, à défaut, pour une simple transaction avec la fée herbe.

Quelle sensation agréable de se faire utiliser par les donneurs d’ordre qui fantasment au grand soir. Sauf que la révolution et la lutte des classes est d’autant plus poétique que leurs appartements haussmanniens sont tapissés de tableaux signés Frida. La bataille politique devient alors un game onirique si épicurien que l’on y cultive le beau mot, le jeu d’esprit autour d’un joint qu’on se file de mains en bouche comme le calumet de la paix dissipant peu à peu la Covid-19 trop anxiogène.

Ils sont nombreux les Yas à faire péter les scores dans les quartiers pour le roi des hologrammes après avoir été celui des minitels. Eux sont les vrais insoumis. Par survie existentielle. Pas des insoumis de posture s’accordant bien avec un état bipolaire de façade. Bien sûr, on connaît depuis Marx cette réplique qui claque comme une gifle : il faut se méfier du sous-prolétariat capable de trahir père et mère pour un plat de lentille, ou plutôt un kebab ketchup mayo sauce samouraï. Alors ce jeune beur demi-sel attendra son tour.

Toutefois, jetons un œil sur ses comptes sociaux et surtout ses followers. C’est toujours prudent. Car si le nombre est à cinq chiffres, on pourra lui filer la circo à ce nouveau colleur d’affiche 2.0, à condition évidemment qu’il gueule bien fort pour le grand chef. Ça fera du quota. Et si c’est une meuf avec des extensions de cheveux dissimulés par un voile, on aura touché le gros lot à moindre frais. Si on exclut bien sûr les Louboutin. On crève tous les jours dans ces territoires de ce paternalisme.

Soyons justes aussi. Des « sauvageons » colleurs d’affiche apprécient ce paternalisme quand il comble leur insécurité économique immédiate. Mais face à ce paternalisme, mieux vaut recevoir un molard en pleine face d’un Eric Ciotti qu’une tape dans le dos. Force et honneur à tous ces Gavroche.

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