Politique

Les banlieues ont voté Hollande par rejet du sarkozysme

Rédigé par Maria Magassa-Konaté et Hanan Ben Rhouma | Mercredi 25 Avril 2012 à 00:00

François Hollande est arrivé en tête du premier tour de l’élection présidentielle avec 28,6 % des voix. Cette première place, il l’a doit notamment aux très bons scores qu’il a réalisé dans les banlieues où le candidat socialiste y a été plébiscité. Toutefois, l'adhésion à sa personne et à son programme n'a pas été pleine et entière. Le PS a su aussi miser sur l'anti-sarkozysme pour gagner les faveurs des habitants des quartiers populaires, en quête de changement.



Les électeurs des quartiers populaires ont principalement voté pour François Hollande le 22 avril. En Seine-Saint-Denis, le candidat du PS l’emporte facilement avec 38,68 % contre seulement 19,48 % pour son adversaire Nicolas Sarkozy. François Hollande est arrivé premier dans 36 des 40 villes que compte le département populaire. Dans six communes, il dépasse même les 45 % des voix comme dans les bastions communistes de Saint-Denis, La Courneuve et Bobigny.

Dans les quartiers nord de Marseille, François Hollande arrive également en première position et décroche ainsi la première place sur l’ensemble de la ville avec 28,05 %. Et à Rennes, dans le canton du Blosne, classé zone urbaine sensible, son score atteint 44,76 %.

En Ile-de-France, les quartiers populaires du Val-de-Marne ont également plébiscité l'ancien secrétaire du PS. Sur tout le département, il a obtenu 32,9 % des voix. Dans le Val-d’Oise, François Hollande réalise une belle percée (32,4 % des suffrages exprimés contre 26,2 % pour l'UMP). Il prend même la première place à Sarcelles, anciennement dirigée par Dominique Strauss-Kahn (43,95 %) devant Nicolas Sarkozy (26,79 %).

Mieux que Ségolène Royal

Au-delà de la banlieue francilienne, François Hollande est arrivé à convaincre les habitants de la capitale. Fait historique, il est devenu le premier candidat de gauche, sous la Ve République, à se hisser en tête du premier tour de la présidentielle à Paris, où il totalise 34,8 % des voix contre 32,2 % pour Nicolas Sarkozy et accroît son score de quatre points par rapport à Ségolène Royal en 2007.

Pour sa part, l'ex-compagne de François Hollande s’est servie ces derniers mois de son expérience pour faire campagne en banlieue. Le 7 mars dernier, elle s’était rendue dans un quartier de Bagneux (92) pour faire du porte-à-porte et inviter les habitants à ne pas s’abstenir lors de l’élection présidentielle. Sans donner de consignes de vote, son objectif était clair : inciter ces électeurs « de gauche » à voter PS. Au niveau national, plus de 3,7 millions de portes ont été toquées par les équipes de campagne socialiste. Une mission réussie à en juger les scores du candidat.

A gauche toute !

François Hollande n’est pas le seul candidat de la gauche à avoir réalisé de bons scores en banlieue. Dans les villes communistes de Seine-Saint-Denis, Jean-Luc Mélenchon, qui avait appelé à « la révolution citoyenne » dans les quartiers de la Grande Borne, à Grigny (Essonne), obtient de bons résultats. C’est le cas à Saint-Denis, où il décroche la deuxième place du classement avec 21,72 % des voix.

A Vitry-sur-Seine, dans le Val-de-Marne, il obtient 20,63 % des suffrages contre 18,07 % pour le président sortant Nicolas Sarkozy. A Ivry-sur-Seine, Villejuif ou encore Orly, le même scénario se répète avec des scores allant de 16 % à 25,45 % pour le chef du Front de gauche, qui détrône à chaque fois Nicolas Sarkozy.

Les banlieues se méfient encore de la gauche

En votant majoritairement pour la gauche, les quartiers populaires ont signifié leur rejet de la droite et de la politique menée par le président sortant durant son quinquennat. Frappés par le chômage et victimes de discriminations sociales et raciales, les habitants des banlieues se tournent vers la gauche. C’est notamment le cas de nombreux musulmans qui se sont sentis stigmatisés par les débats lancés tout au long des cinq dernières années par l'UMP.

Le choix porté en faveur de François Hollande se présente davantage comme un vote de rejet plus qu’un vote d’adhésion, la gauche ne semblant pas pouvoir répondre aux attentes des habitants de banlieues. Dans son ouvrage, Les Ghettos de la nation. Ségrégation, délinquance, identités, islam, Jérémy Robine démontre ainsi que la gauche a toujours été dans l’incapacité d’intégrer les membres issus des banlieues et de l’immigration postcoloniale.

Aujourd’hui, si la gauche a autant de succès dans les banlieues, c’est parce que « ce qui détermine le vote, c'est avant tout les discriminations raciales. Et sur ce terrain, c'est la gauche qui est en pointe », note Vincent Tiberj, chercheur à Sciences-Po et spécialiste du vote des banlieues. Face à la droite, elle ne peut être qu'« en pointe » mais la gauche a encore énormément d'efforts à faire pour mener une politique efficace de lutte contre les discriminations.

Certes, la gauche a aujourd'hui réalisé de bons scores dans les banlieues mais la méfiance à l'égard du PS ne s'est pas pour autant évanouie. Les masses populaires attendent encore d'être écoutées sérieusement.