Economie

Les Talents des Cités récompensés, du quartier au ministère

Rédigé par Christelle Gence | Mardi 16 Septembre 2014 à 06:00

Les dix lauréats nationaux de la 13e édition des Talents des cités ont été désignés, jeudi 11 septembre, au ministère de la Ville. Le concours récompense depuis 2002 des créateurs d'entreprises issus des quartiers dits populaires. Retour sur la cérémonie, et portraits de deux de ces Talents.



Les 20 lauréats régionaux, avec Patrick Kanner et Myriam El Khomri
Le calme règnait jeudi 11 septembre dans la salle Louise Weiss du ministère de la Ville avant l’annonce du palmarès des Talents des Cités. La tension est palpable et le retard pris sur le début de la cérémonie ne contribue pas à rassurer les candidats. Il faut dire que l’enjeu est de taille pour les 20 lauréats régionaux des Talents des cités répartis autour de la pièce.

Le palmarès national du concours sera dévoilé dans les minutes qui suivent et certains se voient déjà hissés parmi les meilleurs des 450 candidats inscrits au concours. Mais dix d’entre eux seulement recevront une dotation de 7 000 euros et bénéficieront, pour le lancement de leur projet, de l’accompagnement d’un parrain partenaire des Talents des cités (Sénat, Caisse des Dépôts, Société générale, Safran, France télévisions, SFR, EDF...). De quoi démarrer dans de bonnes conditions.

L’arrivée du tout nouveau ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports, Patrick Kanner - dont c’est la première réception officielle au ministère - détend à peine l’atmosphère, malgré son sourire et sa bienveillance en serrant la main de chacun des candidats. Avant de désigner les dix lauréats nationaux, Patrick Kanner a salué l’esprit du concours lui-même, soulignant que « la République s’honore à donner des moyens particuliers à ces quartiers ».

Des rêves touchées du doigt

Il a naturellement féliciter et remercier ces jeunes et un peu moins jeunes – les lauréats nationaux ont entre 24 et 47 ans – qui ont pris des risques en créant leurs activités. Gagner le concours permet aux lauréats de bénéficier d’un sérieux « coup de pouce », mais c’est aussi une « reconnaissance » de leurs talents. « L’égalité des chances devant l’avenir », c’est ce que promeut le concours et « c’est tout l’esprit qui anime les deux ministres ici présents », a-t-il conclu.

Myriam El Khomri, la secrétaire d’Etat à la Ville, a pris le relais en soulignant que ce concours est une « manière de valoriser tous les talents et toutes les compétences ». Qu’ils fassent partie des dix lauréats nationaux ou non, participer est une façon de se « mettre en lumière, et montrer qu’il existe plein d’initiatives, plein d’énergie, plein de dynamisme dans les quartiers ». Elle aussi veut remercier les candidats de contribuer au développement économique de leurs quartiers respectifs.

A l’annonce du palmarès, certains parmi les dix lauréats nationaux ont laissé échapper un cri. Mais tous étaient heureux, bien conscients qu’il y aura un avant et un après Talents des Cités dans leur carrière à venir. Nouria Nahari et Nadia Laâtiris (portrait plus bas), dont leur projet est, pour la première, de créer une entreprise sociale formant aux métiers du cuir et de la maroquinerie et, pour la seconde, une entreprise multiservices d’entretien ; Mohamed Zeghoudi, qui se destine à travailler dans l'assistance aux équipages des compagnies maritimes ; ou encore Charlotte Odier et Diana Tanhchaleun, qui projette d'ouvrir un café associatif... ils touchent du doigt leurs ambitions. Prochain rendez-vous pour les lauréats le 18 octobre au Sénat, où se déroulera la remise des prix. Deux des entrepreneurs se verront aussi décernés le Grand prix Talents des cités et la Mention spéciale, et recevront une dotation supplémentaire de 5 000 euros.

Nadia Laâtiris
Nadia Laâtiris, 39 ans, Pont Sainte-Marie (Champagne-Ardenne)

Le suspense aura duré jusqu’au bout pour Nadia, dernière annoncée des 10 lauréats nationaux. Dernière mais non des moindres, puisqu’elle sera soutenu par le ministère de la Ville. « C’est une grande chance et un grand honneur » d’avoir remporté ce prix, s’exclame cette mère célibataire de 39 ans. « Ça me touche beaucoup, parce que ça fait deux ans que je me bats, et que je me serre la ceinture, et que j’achète mes produits et mon matériel petit à petit pour pouvoir monter mon entreprise tout doucement. » Deux années très difficiles « où il a fallu se serrer la ceinture, expliquer aux enfants qu’on ne partait pas en vacances, qu’on allait pas au cinéma », parce qu’elle injectait tout son argent dans l’entreprise, bien qu’elle soit au RSA.

Mille et unes tâches est une entreprise de remise en état de tout type de revêtements, du sol au plafond, en passant par les canapés ou les matelas. En retirant les tâches, en enlevant les salissures, Nadia peut les remettre pratiquement à neuf. « Souvent, on change de moquette, de dalles, alors qu’elles peuvent être rénovées, et continuer de durer. C’est dans cet état d’esprit là que j’ai voulu créer mon projet. (…) Je n’utilise que des produits écologiques, 100 % naturels ou dans lesquels il y a la chimie la moins polluante possible. Toujours avec cet état d’esprit de préserver la nature et de faire attention. »

Titulaire d’un CAP et d’un BEP Bio-services, dans le nettoyage industriel, et d’un Bac pro Hygiène-environnement, elle avait auparavant travaillé dans des entreprises de nettoyage, mais elle ne s’y « retrouvait pas ». Alors que la fin de son congé parental était proche, Nadia, qui voulait depuis des années « créer quelque chose », commence à se renseigner. « J’ai fait toutes les formations qui étaient obligatoires et non obligatoires, des petits cours de comptabilité, de gestion, d’informatique, je me suis remise à jour, j’ai fait toutes les démarches administratives... ça m’a pris un an, et finalement j’ai démarré mon activité tout doucement il y a quelques mois » en CAPE (Contrat d’appui au projet d’entreprise) avec une coopérative d’activité. La dotation du concours va lui permettre d’acheter un vélo-cargo pour transporter son matériel, et de « démarrer vraiment » son activité. « Maintenant j’espère que ça va valser ! », conclut Nadia, plus enthousiaste et motivée que jamais.

Jeremy Wies
Jérémy Wies, 24 ans, Strasbourg (Alsace)

« On a développé avec deux camarades de classe un logiciel pour les ambulanciers qui permet de gérer toute la société d’ambulance. Il permet notamment d’aider les personnes qui attribuent les missions avec des algorithmes qu’on a développés avec un laboratoire public. Cela permet de gagner en rentabilité, et de faciliter la vie des personnes qui faisaient tout avant "au doigt et au vent" », explique le grand jeune homme, heureux lauréat national du concours.

Du haut de se 24 ans, Jérémy, originaire d’Alsace, n’en est pas à son coup d’essai. Il avait créé une première entreprise de dépannage informatique à l’âge de 18 ans, pour financer ses études dans ce même domaine. Il compte alors un ambulancier parmi ses clients, et se rend compte que leur logiciel n’est pas optimal. L’idée de Synovo était née.

Il commence à travailler dessus il y a environ deux ans avec Guillaume Philipp et Michel Lacombe. Les trois jeunes entrepreneurs font immatriculer leur entreprise en janvier 2013. Depuis, ils se sont battus pour trouver des financements et pouvoir démarrer leur affaire. Hasard du calendrier, ils ont rendez-vous avec leur premier client les jours qui suivent la remise du prix Talents des Cités. Outre la prime de 7 000 euros et du coaching de leur parrain (FinanCités), avoir remporté le concours va leur apporter de la notoriété, alors que les jeunes entrepreneurs vont bientôt lever des fonds. Pour l’anecdote, il a découvert les Talents des Cités sur France Télévisions, en regardant Roland Garros. Les bonnes idées peuvent surgir à n'importe quel moment.