Points de vue

Jusqu’à quand les Palestiniens de Gaza vont-ils encore patienter ?

Rédigé par Ziad Medoukh | Mardi 10 Février 2015 à 06:15



Presque six mois après la fin de la dernière agression israélienne contre la bande de Gaza en juillet-août 2014, la situation reste très grave à tous les niveaux, pour les 1,8 millions de Palestiniens de Gaza toujours isolés et enfermés, malgré les fortes mobilisations contre les crimes israéliens et les promesses internationales d'une reconstruction rapide du territoire.

On peut dire que la situation actuelle dans la bande de Gaza est stagnante : rien ne bouge, rien ne change. Les choses n’avancent pas au niveau de la reconstruction, ni de la réconciliation, ni au niveau politique. Le sentiment qui domine est l’absence de perspectives pour l’avenir.

Les habitants de Gaza essayent de montrer leur capacité à dépasser cette période difficile à travers une vie plus ou moins normale mais, sur leurs visages, on lit la tristesse, voire l'inquiétude d'une population impuissante qui vit sous blocus et est toujours enfermée dans une prison à ciel ouvert. La population se voit abandonnée à son sort par une communauté internationale silencieuse.

L'aide vitale de l'UNRWA suspendue

Actuellement, plus 20 000 personnes qui ont perdu leur logement en été 2014, et qui vivent dans des centres d’accueils, ne parviennent pas à réparer les pièces de leurs maisons détruites car les matériaux de construction n’entrent pas suffisamment, par ordre militaire israélien. Six mois après, aucun projet de reconstruction personnel ou public n’a commencé alors même que les conditions de vie des habitants sont inacceptables, plus encore pendant l’hiver.

Seulement 10 % de l'argent promis en octobre 2014 lors de la conférence internationale pour la reconstruction de Gaza au Caire est arrivé. Fin janvier 2015, le bureau des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) a été forcé, faute d'argent, de suspendre son aide aux sans-abris et aux milliers de personnes qui ont perdu leurs maisons et leurs biens, aggravant ainsi la situation, notamment pour les quelque 70 000 personnes qui ont loué des appartements auparavant payés par l’organisation internationale.

Israël confisque l'argent des Palestiniens

Le gouvernement israélien refuse pour le deuxième mois consécutif de transmettre les recettes des impôts à l’Autorité palestinienne. Cette dernière se trouve incapable de payer les salaires de ses fonctionnaires, 130 000 à Gaza, ce que rend l’économie dans la bande de Gaza chaotique.

De plus, Gaza est en pénurie d’électricité, de carburants, d’eau et de gaz. Il manque beaucoup de médicaments et de produits alimentaires à cause du blocus, qui dure depuis plus de huit ans. Les autorités israéliennes ouvrent le seul passage commercial qui relie la bande de Gaza à l’extérieur deux ou trois fois par semaine pour permettre l'entrée de 200 camions et quelques convois humanitaires. Parmi ces camions, cinq à six seulement contiennent des matériaux de construction, souvent destinés aux projets internationaux. Ce passage se ferme sous n’importe quel prétexte sans prendre en considération les besoins énormes de la population civile.

Six mois, après, rien ne semble différent pour les Palestiniens de Gaza, toujours à la recherche d'une solution politique et pas seulement humanitaire, suite à leur résistance remarquable contre les armes de l'aviation, de la marine et des troupes terrestres israéliennes.

La réconciliation au point mort

L’armée israélienne viole presque tous les jours l’accord du cessez-le-feu, et ne respecte pas la trêve. Souvent, les chars israéliens mènent des incursions dans la bande de Gaza, les soldats contrôlent toujours les zones tampons et n'hésitent pas à tirer sur les paysans. La marine israélienne empêche l’extension de la zone de pêche et tire aussi sur les pêcheurs palestiniens et leurs bateaux.

Sur le plan de la réconciliation, la division est toujours là, et les tensions entre les différents partis et mouvements palestiniens aussi. Malgré la création du gouvernement d'union nationale dans les territoires, et malgré la solidarité interne et les signes d'union lors de la dernière offensive israélienne, les points de divergence prédominent actuellement entre les partis, et retardent les projets de reconstruction.

Aucune résolution politique n'est encore prise au niveau international. Les habitants de Gaza sont toujours dans l’attente d’une solution, d’un changement. Ils attendent la levée du blocus, l’ouverture des passages et des frontières qui les relient à l'extérieur, la fin de leur souffrance, et le jugement des criminels israéliens.

Les Palestiniens de Gaza sont toujours confiants et déterminés, ils continuent de résister et d’exister, même à côté des ruines de leurs maisons détruites avec, pour seule arme, le courage. Ils espèrent un changement radical, une solution politique qui leur permettrait enfin de vivre libres sur leurs terres. Mais une question se pose à la fin : jusqu’à quand les Palestiniens de Gaza vont-ils encore patienter ?

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Ziad Medoukh est professeur et directeur du département de français de l’université Al-Aqsa de Gaza.