Politique

François Fillon tente la sarkozysation pour sauver sa campagne

Rédigé par | Jeudi 16 Février 2017 à 15:30

Mis en difficulté par les affaires, le candidat de la droite à l’élection présidentielle a marqué les esprits mercredi 15 février lors de son meeting à Compiègne en se montrant agressif sur les questions liées à la sécurité, l’immigration et la mémoire.



François Fillon n’arrive toujours pas à enrayer sa descente aux enfers depuis les révélations du Canard Enchaîné sur les emplois présumés fictifs de sa femme Pénélope et ses enfants. Lâché par une partie de son camp, le candidat à la présidentielle a même dû annuler ou reporter plusieurs déplacements et meetings.

Lors de sa visite sur l’île de la Réunion, sa seule apparition sur la voie publique a été perturbée par une trentaine de manifestants munis de pancartes « Fillon voleur » et la teneur du prêche du prêtre à la messe n'a échappé à personne. Un peu partout en France, des slogans et jeux de mots autour de « Pénélope », du « million » et des jobs extrêmement bien rémunérés sont entonnés.

Au pied du mur, François Fillon a pris un déjeuner, mercredi 15 février, avec Nicolas Sarkozy afin d’obtenir quelques conseils. La gestion des crises après le soulèvement d’affaires est une gymnastique à laquelle l’ancien président est coutumier. Coïncidence ou pas, le candidat de la droite à l’élection présidentielle a enfilé quelques heures plus tard les chaussons de l’ancien président des Républicains lors de son meeting à Compiègne, dans l'Oise.

L'insécurité en épouvantail

L’insécurité était l’un des thèmes de campagne les plus prisés par Nicolas Sarkozy qui en avait fait, depuis son passage au ministère de l’Intérieur, son grand cheval de bataille. François Fillon a repris une vieille antienne, celle de l’abaissement de la majorité pénale à 16 ans au lieu de 18 ans. « J'ai très longtemps hésité sur cette mesure, mais elle est aujourd'hui indispensable compte tenu de la montée de la violence des mineurs. Concrètement, il n'y aura donc plus d'excuse de minorité pour le délinquant de 16 ou 17 ans qui commettra un délit ou un crime. Il sera jugé pour ses actes, comme un adulte! », a-t-il déclaré. Cette promesse du candidat Sarkozy en 2007 n’a finalement jamais été respectée durant les divers gouvernements Fillon, et ce malgré les demandes de députés UMP.

François Fillon veut montrer qu’il est capable de mater les délinquants en banlieue. Il s’en ait pris aux « excités en cagoule qui caillassent les pompiers » et aux « irresponsables qui tirent à balles réelles » sur la police. Puis faisant référence aux débordements consécutives à l’affaire Théo, il a déclaré que « ce ne sont pas des sauvageons, ce sont des sauvages ! ». L’ancien Premier ministre a par ailleurs, en marge du meeting, fustigé la tribune de Steevy Gustave, « Lettre d’un élu de la République à l’avenir » publiée dans le journal Libération, et signée par des personnalités du monde artistique et associatif (distincte de l'appel des artistes contre l'impunité policière. Selon lui, « le ministre de l'Intérieur devrait porter plainte contre les auteurs de la tribune accusant les policiers de racisme. (…) Il y a 17 000 policiers blessés chaque année : nous devons soutenir nos forces de l'ordre ! ».

Le candidat a ensuite réussi à galvaniser les militants en abordant la question de l’immigration. « C’est aux étrangers qu’il revient de faire l’effort d’intégrer la France avec ses lois, sa langue et ses moeurs, et non à la France de se plier à des coutumes ou à des règles qui ne seraient pas conformes à son pacte républicain », a-t-il déclaré. Le député de Paris a rappelé une de ses promesses de campagne : « Les étrangers doivent respecter des devoirs avant de réclamer des droits. Ils devront attendre deux ans avant de recevoir toute prestation sociale. » Un souhait qui a déclenché de vives réactions sur les réseaux sociaux.

Encore grand favori de l’élection présidentielle il y a quelques semaines, François Fillon est aujourd’hui menacé par la montée en puissance d’Emmanuel Macron qui pourrait lui chiper la place de finaliste face à Marine Le Pen. Le candidat du mouvement En marche était en Algérie en début de semaine et a tenu des propos marquants sur la colonisation.

Dans une interview accordée à la chaîne privée algérienne Echourouk, il a qualifié la colonisation de crime contre l’humanité : « La colonisation fait partie de l'histoire française. C'est un crime, c'est un crime contre l'humanité, c'est une vraie barbarie et ça fait partie de ce passé que nous devons regarder en face en présentant aussi nos excuses à l'égard de celles et ceux envers lesquels nous avons commis ces gestes. » Une déclaration qui tranche avec des propos tenus en octobre 2016 mais qui ont été « sortis de (leur) contexte » selon Emmanuel Macron : « Alors oui, en Algérie il y a eu la torture, mais aussi l'émergence d'un Etat, de richesses, de classes moyennes, c'est la réalité de la colonisation. Il y a eu des éléments de civilisation et des éléments de barbarie. » S'excusant alors pour la mauvaise interprétation de ses propos, il a déclaré refuser toute glorification de l'histoire coloniale.

François Fillon a pointé du doigt l’inconstance de son rival et a jugé que « cette détestation de notre histoire, cette repentance permanente est indigne d'un candidat à la présidence de la République ». En bon successeur du candidat de la droite décomplexée, il relativise les horreurs de la colonisation. Il enfonce le clou après avoir déclaré en août 2016 que la colonisation était « un partage de culture ».

Le temps dira si les différents contre-feux allumés par François Fillon lui permettront de remonter la pente. Le destin du Républicain reste cependant entre les mains de la justice. Le parquet national financier a annoncé jeudi 16 février dans un communiqué que les premiers résultats de l’enquête et « les nombreux éléments déjà recueillis ne permettent pas d’envisager, en l’état, un classement sans suite de la procédure ».