Economie

Financer son achat immobilier : classique ou éthique ?

Rédigé par Assmaâ Rakho-Mom | Mardi 3 Septembre 2013 à 09:45

Pas facile d’acheter un logement. alors deux possibilités : recourir au prêt bancaire classique ou bien trouver des mesures alternatives de financement.



Depuis le plus jeune âge, Mourad, consultant et commerçant de 38 ans, s’est promis de « ne jamais pratiquer le riba (l’usure, l’intérêt, ndlr) et de ne devoir d’argent à personne pour mener à bien ses projets ». Il s’est donc mis en tête d’« épargner un maximum », tout en investissant « dans des commerces pour gagner plus ».

Fatima, chef de projet informatique de 36 ans, a réfléchi tout autrement. Détenant un PEL (plan d’épargne logement) doté d’« un bon capital », elle l’a « complété avec un prêt familial » à hauteur de la moitié de la somme. L’avantage : « Ne pas avoir d’intérêts : donc pas d’alourdissement de la dette. »

S’endetter ? Bon nombre de candidats à l’achat d’un logement ont dû s’y résoudre. Fadela, journaliste d’entreprise de 30 ans, s’est ainsi endettée sur 13 ans à hauteur de 62 000 €, en empruntant à sa banque. La jeune femme aurait voulu qu’il y ait « davantage de solutions d’emprunt sans taux d’intérêt », mais c’est seulement « en train d’émerger ». C’est aussi ce que déplorent Lotfi, informaticien, et Amina, médecin. Ce couple de 32 et de 33 ans estime qu’il n’avait « pas d’autre choix » et a acheté un appartement « quasi sans apport, avec quelques économies et leurs revenus respec- tifs », s’endettant auprès de leur banque sur une durée de 20 ans.

Un investissement pour l’avenir

Ce sentiment de ne pas pouvoir faire autrement, c’est aussi ce que pense Siham, une infirmière anesthésiste de 36 ans. « Qui, à 30 ans, peut débourser 250 à 300 000 € ? » interroge-t-elle. Malgré tout, cela a été « une longue négociation » parce que son mari était « opposé au crédit avec intérêts ». Siham a donc monté le projet seule, a négocié avec sa banque, et son époux a suivi. « Le but, c’est qu’à la retraite on n’ait pas de loyer à payer », explique la jeune femme.

Et c’est l’argument le plus souvent mis en avant : « Il vaut mieux être propriétaire que payer un loyer qui sera perdu, surtout en région parisienne, et c’est aussi un bien pour assurer son avenir », explique Fatima, tandis que Fadela craint de « payer un loyer et de ne plus pouvoir se le permettre à la retraite ». Autre volonté exprimée tant par Lotfi et Amina que par Mourad, celle de « se constituer un patrimoine » pour leurs vieux jours, qui « restera pour leurs enfants ».

Prêt à taux (quasi) zéro

Des solutions évitant le taux d’intérêt existent toutefois, bien qu’elles soient encore rares. Zohra, fonctionnaire territoriale de 36 ans, a acheté sa petite maison de ville en région parisienne en passant par une coopérative publique. Peu connu, ce mécanisme permet à la coopérative publique, regroupant plusieurs bailleurs sociaux, de racheter des terrains aux communes à des tarifs symboliques afin d’y construire des logements à prix réduits, bénéficiant pour cela d’aides de l’État. Les bénéfices tirés des ventes de logements sont ensuite réinvestis pour la construction de nouveaux logements.

C’est « ce projet collectif et non pas purement individualiste » qui apparaît à Zohra comme étant un vrai bénéfice : « En plus d’avoir satisfait mon besoin de logement, j’ai contribué à une action sociale. » Zohra a souscrit un emprunt traditionnel mais réduit auprès de sa banque, afin d’obtenir un prêt à taux zéro qu’elle devra rembourser en 18 ans.

Jeunes propriétaires

Quant à Adnane, informaticien de 31 ans, il a été le tout premier en France à souscrire un prêt immobilier selon le mécanisme de la murabaha. En 2011, quand le premier produit financier respectant l’éthique islamique est lancé par 570easi, via la Chaabi Bank, Adnane, jeune marié, se décide alors à acheter.

Étant donné son apport de 80 000 € (il a commencé à épargner dès l’âge de 18 ans) et ses revenus, il réussit à dénicher un trois pièces de 50 m² à 160 000 € à Créteil (Val-de-Marne). Le groupe 570easi prend alors en main son dossier, et Chaabi Bank achète le bien pour le revendre à Adnane avec un bénéfice de 20 000 €, soit 180 000 €.

Mourad, devenu propriétaire d’une maison dans l’Essonne pour 104 000 €, a, lui aussi, choisi d’épargner dès qu’il a commencé à travailler, estimant « ne pas pouvoir compter sur la finance islamique ». « Ce n’est pas évident d’arbitrer entre ses choix économiques et ses convictions religieuses », avoue Fadela, qui vit aujourd’hui dans son studio de 23 m² fraîchement acquis en Bourgogne.

Première parution de cet article dans Salamnews, n° 43, mai 2013.