Points de vue

Ensemble avec Marie

Rédigé par Slimane Rezki | Lundi 16 Mars 2015 à 00:10



« Apparition de la Vierge aux druides », fresque de François Zbinden, se trouvant dans l'abside de la basilique Notre-Dame-de-Bonne-Garde, de Longpont, dans l'Essonne (photo : P. Poschadel)
Le samedi 21 mars 2015 devra être et sera une date qui marquera les esprits. À la Basilique de Longpont, en Essonne, se tiendra, de 15 h à 17 h, un grand rassemblement islamo-chrétien. C’est en effet main dans la main et d’un cœur uni que chrétiens et musulmans célébreront celle dont le Coran dit : « Et lorsque les anges dirent, vraiment Ô Marie, Dieu t’a élue et purifiée ; Il t’a élue au-dessus des femmes de l’Univers » (Coran, s. 3, v. 42) reprenant ainsi quasi au mot près les termes d’une prière chrétienne : « Il t’a choisie entre toutes les femmes » (passage rappelant les paroles de Gabriel et de sainte Élisabeth dans l’Évangile de St Luc).

C’est sous l’égide de la Sainte Vierge qu’Ensemble avec Marie réunira chrétiens et musulmans. Tous décidés à montrer que les nombreux liens millénaires qui nous unissent ne sont pas que de vains mots.

Au cœur d’une période trouble, nous nous devons de manifester notre solidarité commune. Nous fondre sans nous confondre, donner priorité au respect et nous enrichir mutuellement sont des priorités brûlantes. C’est à l’image de nos frères libanais, initiateurs de ce projet et modèle d’une réconciliation, que nous, chrétiens et musulmans français, unissons nos volontés de montrer au monde que vivre ensemble n’est pas une chimère ni un espoir inatteignable.

Message de fraternité hier comme aujourd’hui

Plus qu’une croyance, c’est une certitude, vivre ensemble est possible. Tous les Écrits sacrés y poussent. Le Coran nous dit : « Le Prophète est plus proche des croyants qu’ils ne le sont d’eux-mêmes ; ses épouses sont leurs mères et les parents de filiation ont priorité sur les croyants et les émigrés (de La Mecque) d’après le Livre de Dieu à moins que vous désiriez accorder à vos amis quelques convenances généreuses. Tout cela est consigné dans le Livre » (Coran, s. 33, v. 6). La majorité des exégètes sont d’accord pour dire qu’ici « vos amis » désignent les juifs et les chrétiens. Ce verset, selon les commentaires comme celui du savant Qurtubî, ouvrait même la possibilité aux musulmans de les coucher sur leurs testaments. Plus encore, il est précisé que cela était aussi valable si ceux-ci étaient non croyants.

Un autre moment important de l’Histoire de l’islam fut l’arrivée du Prophète à Médine. Se trouvant face à l’obligation de fixer les règles de vie commune, il fit rédiger ce qui devint la première législation officielle de l’islam. Ce traité portera le nom de la Sahîfa ou de ‘Ahd al-madîna (« Pacte de Médine ») et, bien plus tard, celui de Dustûr al-madîna (« Constitution de Médine »). Dans ce texte, le Prophète pose clairement l’égalité de tous les citoyens : en somme, il établit en mode islamique le concept de citoyenneté.

L’éthique du juste milieu est clairement fixée comme trame de toutes les relations. Seules les vertus et les compétences doivent primer. Aujourd’hui encore, c’est ce message de fraternité qui doit primer dans nos sociétés souvent déshumanisées.

Marie, figure spirituelle commune

C’est le 21 mars que nous nous retrouverons tous, ce jour sera celui de la fête de l’Annonciation, c’est-à-dire celui où l’ange Gabriel annonce à Marie la naissance de Jésus. Journée donc très particulière, car placée sous l’égide d’une haute figure spirituelle, communément vénérée : la Vierge Marie.

L’islam, en effet, comme le christianisme, reconnaît et professe le dogme de l’Immaculée Conception. Plus encore, il atteste également de la parfaite impeccabilité de Marie et de son fils Jésus. À la sourate 3, les versets 35 et 36 nous disent : « (Rappelle-toi) quand la femme d'Imran (mère de Marie) dit : "Seigneur, je T'ai voué en toute exclusivité le fruit de mes entrailles. Accepte de moi cette offrande, car tu sais et entends tout". Puis lorsqu'elle eut accouché, elle dit : "Seigneur, voilà que j'ai accouché d'une fille" ; or Dieu savait bien ce qu’elle venait de mettre au monde ! Le garçon n'est pas comme la fille. "Je l'ai nommée Marie, et je la place, ainsi que sa descendance, sous Ta protection contre Satan le lapidé. » Une parole du Prophète reconnue prouve que cette demande fut acceptée : « Satan touche chacun des fils d’Adam le jour où sa mère le met au monde, excepté uniquement Marie et son fils. » En outre, son nom est le titre d’un chapitre entier du Coran.

Le Coran nous dit que si Dieu l’avait voulu il aurait fait de nous une communauté unique, mais là ne fut pas Son choix. Un verset nous éclaire en disant que notre diversité est source d’enrichissement mutuel. Il est temps de privilégier nos points communs au détriment de nos différences que certains cultivent avec ardeur et dont d’autres tirent profit.

Il nous faut sortir de cette position d’exclusion qui fait tant de tort à tous ; nous devons nous souvenir et revenir au modèle du Prophète Muhammad qui, quand il conviait les représentants d’autres civilisations, se servait du verset disant : « Dis, ô vous Gens du Livre, venez à une parole qui nous est commune, à nous comme à vous (…) » (Coran, s. 3, v. 64). Marie nous est commune, c’est autour d’elle, sainte et bénie entre toutes les femmes que nous, musulmans et chrétiens, avons le devoir de nous réunir. L’Histoire nous montre bien que toutes les périodes d’entente et de collaboration ont livré ce que l’humanité avait de mieux à offrir.

Au cœur du message religieux : l’union

Le choix s’impose aujourd’hui de la façon la plus pressante : soit chacun d’entre nous tend une main ouverte pour offrir la paix de Dieu, car comme le dit un proverbe arabe, une main seule ne peut applaudir, ou alors nous laissons le fossé se creuser et permettons à l’ignorance et à la violence de nous vaincre.

Avons-nous vraiment le choix ? Est-il possible à tout humain conscient de sa raison d’être, qu’il soit humaniste, agnostique, chrétien, juif, musulman…, de rester indifférent ? Cette tâche, cette lourde tâche, nous incombe à tous. Plus nous serons nombreux et moins elle sera difficile à porter. Mais le nombre ne suffit pas, c’est main dans la main que ce projet a été mené, c’est en cœur que nous le portons et c’est par la grâce de Dieu qu’il aboutira. Souvenons-nous du verset coranique qui nous enseigne que même si le Prophète avait dépensé tout ce que contient la Terre, il n’aurait pu unir les cœurs, car c’est Dieu qui unit les cœurs (Coran, s. 8, v. 63).

Il importe encore que chacun d’entre nous affiche et assume l’amour qu’il porte à la France, ce pays où ensemble nous vivons. Ce pays où il fait encore bon vivre. Ce pays porte-étendard de la liberté, cette liberté qui nous est si chère et que nous sommes près à défendre par notre engagement. Cette liberté dont le grand saint bagdadien Junayd (m. 911) disait qu’elle est la plus haute station spirituelle. Il est nécessaire de nous regarder en face et d’un pas ferme de marcher ensemble pour sauver ces acquis obtenus souvent au prix du sang. Ce même sang qui ne doit plus couler au nom de nos différences. Le cœur du message religieux, tout comme celui des humanistes, invite à l’union et non à la séparation, à la convergence et non à la divergence.

Cela ne doit constituer qu’un début, il nous faudra à l’avenir multiplier ces marques de rapprochement et aller plus loin encore. Notre groupe souhaite que sa démarche Ensemble avec Marie soit portée et diffusée au sein de l’Europe plus tard. Les plus hautes instances doivent être saisies pour organiser les actions qui ouvriront une nouvelle ère, celle d’un vivre-ensemble harmonieux et fructueux. Toutes les bonnes volontés, toutes les consciences sont appelées ici, c’est ensemble que nous devons bâtir le cadre apaisé de notre société.

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Slimane Rezki est diplômé de sciences religieuses, auteur et interprète.

ENSEMBLE AVEC MARIE
Monseigneur Dubost, (évêque d’Évry, président du Conseil pour les relations interreligieuses) et Ghaleb Bencheikh (président de Religions pour la paix) participeront à la rencontre Ensemble avec Marie.
L’entrée est libre et des navettes seront mises en place pour relier la station RER de Sainte-Geneviève-des-Bois (ligne C) et la basilique.
Pour cela, penser à s’inscrire sur le site www.ensembleavecmarie.org