Sur le vif

Calvaire en mer des Rohingyas : la Malaisie et l'Indonésie réagissent enfin

Rédigé par La Rédaction | Jeudi 21 Mai 2015 à 07:00



Revirement bienvenu de la Malaisie et de l'Indonésie. Sous la pression des Nations Unies et des ONG, les deux pays ont changé de politique sur le sort des boat-people, souvent rohingyas, en annonçant, mercredi 20 mai, qu’ils ne refouleront plus les bateaux de migrants qui fuient la misère et les persécutions.

« L'Indonésie et la Malaisie ont accepté de fournir une aide humanitaire à 7 000 migrants clandestins toujours en mer », ont déclaré les ministres des Affaires étrangères des deux pays dans un communiqué conjoint. « Nous sommes également convenus de leur offrir un refuge provisoire à condition que leur relocalisation ou leur rapatriement par la communauté internationale soient effectifs dans l'année. » « Le remorquage et le refoulement (des bateaux) ne vont (plus) se produire », a affirmé le ministre malaisien des Affaires étrangères Anifah Aman. La Thaïlande, quant à elle, reste sur sa position ferme du rejet.

Les militants des droits de l'Homme du monde entier avaient les yeux rivés sur ces bateaux. Même le pape François s’était ému le 19 mai du sort réservé à cette communauté, comparant « ces pauvres Rohingyas de Birmanie » aux « chrétiens et les Yazidis » persécutés par l'État islamique en Irak et en Syrie.

Le calvaire des Rohingyas, minorité musulmane birmane reconnue comme l’ethnie la plus persécutée au monde par l’ONU, s'était pourtant éternisé durant de long jours en mer. Le 14 mai, environ 300 migrants entassés sur un bateau de fortune laissé à la dérive, se sont retrouvés démunis face au premier veto des autorités thaïlandaises puis indonésiennes de les accueillir. En mer depuis plus de deux mois, au départ du golfe du Bengale, ces apatrides épuisés - dont des enfants parfois très jeunes - n’ont même pas eu le droit de poser les pieds sur terre.

Quelques images (plus bas) suffisent à exprimer leur situation misérable. A l’approche de ses côtes, la marine thaïlandaise auraient forcé les réfugiés à poursuivre leur dérive en direction des côtes indonésiennes. Des autorités qui ont parfois distribué des vivres, mais seulement par hélicoptère. Affamés, certains migrants arrachaient les sacs à peine attrapés, commençaient à manger tout en nageant pour rejoindre le bateau.

Plusieurs jours après ces scènes terribles, la Ligue nationale pour la démocratie (LND), le parti de l'opposante Aung san Suu Kyi, a réagi. « Ce sont des êtres humains. On ne peut pas juste les envoyer en mer. Ils ont aussi des droits » , a déclaré Nyan Win le porte parole de la LND le 18 mai face à la presse. Et d’ajouter que son pays, la Birmanie, « devait accepter » cette minorité musulmane. Une position qui tranche avec le lourd silence d'Aung San Suu Kyi, pourtant prix Nobel de la paix, sur les persécutions des Rohingyas dans son propre pays.

Cette embarcation en détresse est loin d’être isolée. Le 11 mai, 1 400 migrants ont été découverts dans cinq bateaux au large de la Thaïlande et de l’Indonésie, abandonnés également par leurs passeurs.

Dans une des embarcations qui a pu être secourue, une féroce bataille a éclaté entre Bangladais et Rohingyas. Les rescapés ont raconté à l’AFP des scènes de batailles sanglantes avec couteaux, machettes et barres de métal qui auraient fait environ 100 morts… Les migrants désespérés se sont battus pour mettre la main sur les dernières réserves de vivres. Ceux qui ont survécu ont trouvé refuge dans des camps de la province d'Aceh, au nord-ouest de l'Indonésie. Ils composent les quelque 3 000 Bangladais et Rohingyas à avoir pu rejoindre les rivages du sud-est asiatique.

L’océan Indien, la « Méditerranée d’Asie »

La mer d’Andaman, dans le nord-est de l’océan Indien, déjà présentée comme la « Méditerranée d’Asie », se transforme peu à peu en théâtre de la misère. D'autres bateaux sont à ce jour encore à la dérive.

La Thaïlande, en proie à des trafics d’êtres humains avec les Rohingyas, a décidé de réagir. Déjà accusé de fermer les yeux, le pays a décidé de convoquer le 29 mai un « sommet d’urgence » rassemblant la quinzaine de pays voisins, en tête la Malaisie, l’Indonésie, la Birmanie et le Bangladesh, mais également les Etats-Unis et l’Australie.

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