Sur le vif

Attentat de Conflans : Non, l’Education nationale ne s'apprêtait pas à sanctionner Samuel Paty

Rédigé par | Mardi 20 Octobre 2020 à 11:30



Non, Samuel Paty, le professeur d’histoire assassiné vendredi 16 octobre à Conflans-Sainte-Honorine n’était pas sous le coup de sanctions pour avoir montré les caricatures du Prophète lors d’un cours sur la liberté d’expression début octobre.

La Liberté, notre bien le plus précieux - Hommage à Samuel Paty

Cette rumeur, montée en épingle par l'extrême droite, a été largement relayée sur les réseaux sociaux, à la faveur d'infox lancées par des militants identitaires et d'extrême droite, à commencer par Damien Rieu, cofondateur de Génération Identitaire, pour qui la rectrice de l’académie devait démissionner car elle « s’apprêtait à sanctionner Samuel Paty », rapporte Libération.

Après son tweet, des appels à la démission de la rectrice ont été relayés par des hommes politiques comme l'élu d’extrême droite Florian Philipot qui affirmait que l'académie de Versailles « s’apprêtait à sévir contre Samuel Paty sous la pression de parents d’élèves islamistes » en s'appuyant sur un papier du journal d'extrême droite Valeurs Actuelles. Celui-ci a largement participé à la propagation de la rumeur.

Sauf que ce n'est pas le cas. Une note des renseignements territoriaux des Yvelines retrace les événements précédant la mort du fonctionnaire et stipule seulement qu’un inspecteur devait lui rappeler les « règles de laïcité et de neutralité », sans jamais mentionner de sanctions à l’encontre de Samuel Paty.

Il est également fait état dans ce rapport d’un « incident en lien avec les principes de laïcité au sein du collège Bois d’Aulne de Conflans-Sainte-Honorine ». Pendant son cour, le professeur avait proposé aux élèves qui pourraient se sentir offensés de sortir de sa classe au moment de la projection des caricatures.

Le document revient aussi sur les diverses rencontres organisées entre des parents d’élèves et la principale. Une en particulier a semé le trouble : celle d’un père de famille accompagné du militant radical Abdelhakim Sefrioui. L’homme, bien connu des services de police et placé en garde à vue au lendemain de l'attentat, appelait au licenciement du professeur. Il est, en outre, apparu dans deux vidéos diffusées quelques jours avant l'assassinat de Samuel Paty, dont l’une d’elles, tournée devant le collège du Bois d’Aulne.

Dans cette dernière, Abdelhakim Sefrioui disait attendre une rencontre avec la principale en compagnie d’une élève et de son père. Il déclarait, par ailleurs, s’exprimer « au nom du Conseil des imams de France » et affirmait dans cette vidéo, que l’inspection académique compte « sévir » contre le professeur. « Nous sommes partis de là-bas avec la ferme intention de nous mobiliser pour une action devant l’établissement et devant l’inspection académique. Mais dans l’après-midi, l’inspection académique a contacté le parent d’élève et lui a exprimé son étonnement de savoir que ça s’est passé comme ça dans le cours de ce voyou, et qu’ils allaient sévir, qu’ils allaient s’activer vraiment dans ce sens-là, et qu’ils allaient envoyer des inspecteurs voir ce voyou », avait-il affirmé.

L’Académie de Versailles dénonce des « informations fallacieuses »

Dans un communiqué publié dimanche 18 octobre en réponse « aux informations fallacieuses » circulant « sur les réseaux sociaux et dans certains médias », l’Académie de Versailles a fait la lumière sur les événements qui ont précédé l'attentat. Dans les premières lignes du texte, l’institution assure que l’enseignant a « immédiatement bénéficié de l’attention et du soutien de la principale du collège ».

Plus loin, le communiqué rétablit les faits atteste qu’après avoir été sollicité par la responsable de l’établissement, « l’académie a alors mobilisé l’équipe "Valeurs de la République". Cette équipe est venue sur place, au collège, pour rencontrer Ie professeur et l’équipe pédagogique. Elle a discuté avec Samuel Paty et I'a conforté dans I’approche qu'il avait eu lors de son cours. L'équipe lui a également conseillé de revenir sur cette séance avec ses élèves afin d’apaiser la situation et de lever toute mauvaise compréhension qui aurait pu s’installer. M. Paty s’est engagé à le faire ».

L’académie a également démenti avoir menacé de sanctions l’enseignant. « L’institution a toujours été en soutien total à I’égard de M Paty. A aucun moment, il n’a été dit, ni même sous-entendu, ni pensé que I ‘institution allait "sévir" contre M. Paty. », rappelle-on fermement.

A la suite de ces rumeurs, l’Education nationale a exigé l’ouverture d’une enquête : « Le soutien de M. Paty, par sa hiérarchie, a été concret et constant dès le début et adapté aux différents épisodes qui se sont tenus au fil des jours à la suite de son cours du 5 octobre. Dans une volonté de transparence et afin d’établir tout I’ensemble de l'enchaînement des faits au sein de I ’Institution, le ministre de l’Education nationale a demandé I ’ouverture d’une enquête de I’inspection générale. »

Une « maladresse » du professeur reconnue

Jean-Michel Blanquer a pris la parole dans plusieurs médias pour mettre fin à la polémique. « Cette information est fausse », a-t-il déclaré sans détour.

« Bien sûr qu'il y a eu soutien de Monsieur Paty. J'ai parlé avec la principale, avec la rectrice, j'ai vu aussi le travail des inspecteurs. On a eu justement l'intervention de l'équipe Valeurs de la république. A aucun moment, il n'y avait menace de mort, mais diffamation, c'est sûr. Et donc, la principale a accompagné le professeur au commissariat, pour porter plainte pour diffamation. Même pendant le week-end dernier, l'inspecteur appelé le professeur pour le soutenir », a soutenu le ministre.

Il a néanmoins reconnu une maladresse commise par l’enseignant en demandant à « ceux qui sont choqués (de fermer) les yeux ou (de sortir) de la classe. Ce point-là a suscité un malentendu car il a pu être vécu comme une discrimination ». Une « maladresse » reconnue également par la député des Yvelines, Michèle de Vaucouleurs, vendredi 16 octobre. Elle avait évoqué devant la presse « la mauvaise idée » du professeur qui avaient « demandé aux élèves musulmans de sortir de la classe ».

Un hommage sera rendu demain à la Sorbonne à Samuel Paty et au corps enseignant en présence du président de la République Emmanuel Macron.

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