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Attaque du Musée juif de Bruxelles : le boycott d'Israël criminalisé

Rédigé par | Lundi 26 Mai 2014 à 15:00

Au lendemain de l'attaque du Musée juif à Bruxelles, les condamnations politiques ont été unanimes en Europe. Tandis que la piste d'un acte à caractère antisémite est largement privilégiée, Israël et ses défenseurs ont lancé une nouvelle offensive condamnant les campagnes de boycott à son égard, accusées de libérer la haine du juif en Europe. Cette stratégie de l'amalgame, qui vise à délégitimer toute critique de la politique coloniale d'Israël, s'insère dans un contexte où l'Etat hébreu s'inquiète des conséquences d'une notoriété grandissante de la campagne BDS dans le monde.



Une terrible fusillade survenue au Musée juif de Belgique, à Bruxelles a fait, samedi 24 mai, quatre morts. Un couple d’Israéliens, une Française résidant à Bruxelles et un réceptionniste belge ont été répertoriés parmi les victimes.

L’auteur présumé de l'attaque fait l’objet d’une recherche active par la police belge, qui a mis en ligne trois vidéos du suspect sur son site et lancé un appel à témoins. Les autorités belges restent encore prudentes quant à la qualification de l’acte, toujours non revendiqué à ce jour. Alors que le parquet de Bruxelles a déclaré ne pas avoir encore assez d'éléments pour affirmer ou infirmer la motivation anti-juive de l'attaque, « tout porte à croire qu’il s’agit d’un attentat antisémite » pour la ministre belge de l’Intérieur, Joëlle Milquet. Les mesures de sécurité autour des lieux d'intérêts juifs ont été portées à leur maximum, « avec une présence policière permanente », a-t-elle fait savoir.

Les gouvernements israélien comme français sont bien plus catégoriques. François Hollande a affirmé, lors de son déplacement à Tulle (Corrèze), dimanche, dans le cadre du scrutin européen, que « le caractère antisémite de cet acte, une fusillade dans le Musée juif de Bruxelles, avec cette volonté de tuer, ne fait pas de doute ». A l'appel d'organisations juives, quelques centaines de personnes se sont rassemblées dans la capitale belge, qui compte la moitié des 40 000 juifs du pays, pour marquer leur solidarité envers les victimes.

Le boycott d'Israël accusé d'antisémite

Le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) a exprimé « sa très grande inquiétude face à la radicalisation croissante des actes antisémites », établissant un parallèle avec la tuerie perpétrée par Mohamed Merah qui a endeuillé la France en mars 2012.

De son côté, Benjamin Netanyahu a affirmé que cette attaque était le résultat de « l’incitation à la haine permanente » contre les juifs et Israël tandis que son ministre des Affaires étrangères, Avidgor Lieberman, a mis l’attaque du musée sur le dos de « l'activisme "pro-palestinien" », à l'origine des campagnes de boycott de produits israéliens, considérés comme des actions « purement antisémites et rien d'autre ». La criminalisation de la campagne BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions), dont les initiateurs sont pourtant très clairs quant à leur refus de l’antisémitisme, est à nouveau lancée.

Des inquiétudes nourries autour de la campagne BDS

Cette prise de position, loin d'être nouvelle, s'inscrit dans une volonté de délégitimer toute critique de la politique menée par Israël envers les Palestiniens. Elle n'est pas sans rapport avec les inquiétudes croissantes du gouvernement israélien quant aux conséquences de l'ampleur que prend la campagne BDS dans le monde, particulièrement sur les plans économique et académique. Dernièrement, en ce mois de mai, l'Union nationale des étudiants noirs de Grande-Bretagne a rejoint BDS, à l'instar, en avril, du Syn­dicat national des enseignants britanniques (NUT), forte de 300 000 membres. Avant eux, l'adhésion de l'Association des études américaines (ASA), un important syndicat d'enseignants et de chercheurs aux Etats-Unis, avait fait grand bruit en décembre 2013. La vaste campagne internationale de boycott lancée contre la marque Sodastream, installée dans une colonie israélienne, est tout aussi emblématique.

Les succès engrangés par BDS dans les pays anglo-saxons et scandinaves tranche avec les difficultés, en France, de promouvoir cette campagne auprès de l'opinion publique, face au poids conséquent, dans la vie publique, de lobbies pro-israéliens – CRIF au premier chef – qui usent de tous les moyens de pression pour freiner les actions de sensibilisation à la cause palestinienne. Le Bureau national de vigilance contre l'antisémitisme (BNVCA), qui porte systématiquement plainte contre des militants BDS à la faveur de la circulaire Alliot-Marie, s'inscrit dans cette logique.

Pour cette association présidée par Sammy Ghozlan, « l'islamisme européen » dont Bruxelles est « le foyer » est en cause dans l'attaque de Bruxelles, citant pèle-mêle dans son communiqué daté de dimanche, les « djihadistes, adeptes des mouvements terroristes palestiniens Hamas ou Hezbollah, en lien avec les groupuscules d'extrême droite européens ».

Le fâcheux amalgame « antisionisme = antisémitisme »

« Le BNVCA n'a cessé de le clamer et le prouver, la propagande palestinienne, et ceux qui la relaient, portent une grande responsabilité dans l'incitation à la haine d'Israël qui pousse à l'acte anti-juif », écrit l'association, qui instrumentalise encore l'Holocauste pour appuyer ses propos. « Après les 6 millions de juifs assassinés en Europe, les juifs sont de nouveau en danger dans plusieurs pays de l'Union européenne » et la faute serait à « la stigmatisation d'Israël, de son armée, de son gouvernement », placée sur le même plan que les « divagations anti-juives de prétendus humoristes, idéologues, extrémistes de droite et de gauche tels que Dieudonné ou Soral ».

Les premières conclusions de l'enquête belge sont fortement attendues. Pour l'heure, la traque du tueur se poursuit. L'odieuse attaque à Bruxelles s’est produite à l’heure où l’agression de deux jeunes juifs à la sortie d’une synagogue à Créteil (Val-de-Marne), samedi 24 mai, est largement médiatisée. Sans tarder, les mesures de protection des lieux de culte juif ont aussi été renforcées dans toute la France.

Selon la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH), les actes antisémites ont fortement baissé en 2013 par rapport à 2012 (– 31 %). Un chiffre également confirmé par le Service de protection de la communauté juive (SPCJ) dans son dernier rapport rendu public en mars. Leur nombre est néanmoins supérieur de 9 % par rapport aux chiffres de 2011, souligne la SPCJ, affirmant que 40 % des violences racistes commises en France en 2013 étaient dirigées contre des juifs, lesquels représentent un peu moins de 1 % de la population.

Avec 500 000 personnes, la France compte la plus forte communauté juive d'Europe, qui cultive une proximité particulière avec Israël. Selon l’Agence Juive, qui se charge de l'immigration vers Israël, le nombre de Français qui font leur « aliyah » a d'ailleurs été multiplié par quatre entre le premier trimestre 2013 et le premier trimestre 2014, passant de 353 à 1 407 migrants.



Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur