Religions

Après Conflans et Nice, des hommes d'église s'opposent ouvertement aux caricatures religieuses

Rédigé par | Jeudi 5 Novembre 2020 à 18:05

L'assassinat de Samuel Paty à Conflans-Sainte-Honorine a réveillé les débats houleux autour du caractère polémique des caricatures de Charlie Hebdo. Ces derniers jours, plusieurs responsables de l'Eglise catholique ont exprimé leur profond désaccord face aux caricatures religieuses.



Alors que la communauté nationale peine à se remettre de la tragédie à Conflans-Sainte-Honorine, une nouvelle tragédie est venue frapper le pays fin octobre lorsqu’un terroriste a assassiné trois personnes dans la basilique Notre-Dame de Nice. Alors que les caricatures du Prophète enflamment des pays musulmans, plusieurs hommes d'église, en particulier du côté catholique, ont affirmé des positions tranchées sur les dessins visant les religions et dont les Eglises chrétiennes ont été de nombreuse fois les cibles sur Charlie Hebdo.

« On met de l’huile sur le feu »

Tous les responsables chrétiens ne défendent le droit de caricaturer de la même manière. Invité sur France Bleu, l’archevêque de Toulouse, Mgr Robert le Gall, a estimé que « la liberté d’expression a des limites » et « qu’on ne se moque pas impunément des religions ».

A la question « Doit-on arrêter la diffusion des caricatures ? », l’homme d’église a répondu par l'affirmative. « Je le pense profondément, car on met de l’huile sur le feu et c’est une escalade ensuite. La liberté d’expression a des limites comme toute liberté humaine. On ferait mieux d’insister dans la devise républicaine, sur la fraternité. Pour Robert Le Gall, la diffusion des caricatures alimente les tensions. « On met de l’huile sur le feu, je trouve ça dangereux. Il faudrait apaiser tout cela. Ces caricatures sont contre les musulmans mais sont aussi contre la foi chrétienne. »

« Jamais la liberté d’expression ne devrait faire fi du respect dû aux convictions d’autrui », a fait part l’archevêque d’Albi, Mgr Jean Legrez. « Comment croire que la quintessence de l’esprit français réside dans la vulgarité et la malveillance ? », s’est-il interrogé.

Même son de cloche du côté de Mgr André Marceau, l'archevêque de Nice. Dans une interview accordée au quotidien Nice Matin, au lendemain de l’attaque survenue dans la basilique Notre-Dame de l’Assomption, le religieux a exprimé son profond désaccord avec le journal satirique. Pour lui, pas question de clamer « Je suis Charlie ».

« Non je ne suis pas Charlie, je suis André Marceau ! Soyons nous-mêmes avec nos convictions. Ces caricatures, ce n’est pas mon problème. Certes, la liberté d’expression est sacrée en France, mais que chacun s’assume. Il y a des identités qu’on ne peut pas trop bafouer à la légère », a-t-il déclaré. L’archevêque a néanmoins rappelé que les actes de violence devaient être condamnés par la loi et non par les hommes : « Lorsque des éléments nous choquent, on va devant les tribunaux et on gagne. »

« Ce qui est touché n’a rien à voir avec Dieu »

La liberté d'expression en France a effectivement des limites définies par la loi comme l'incitation à la haine raciale ou encore la diffamation. En revanche, le délit de blasphème n'existe plus depuis 1881.

Sur France Info, l’archevêque de Paris, Mgr Michel Aupetit, a invité les croyants à prendre de la distance avec les dessins du journal satirique.

« Nous ne sommes pas des caricatures, nous sommes autre chose que des caricatures », a-t-il souligné, en mentionnant les dessins dont le christianisme a fait l’objet. Il encourage, par ailleurs, les croyants à se poser une question. « Qu’est-ce qui est blessé en nous quand on voit des caricatures ? Si c’est l’orgueil qu’est-ce que cela va déclencher ? La colère. Et la colère va appeler à la vengeance. Ce qui est touché n’a rien à voir avec Dieu », précise-il, avant d'ajouter que « le blasphème ce serait pouvoir insulter Dieu mais Dieu est inaccessible à nos insultes et à nos quolibets ».

Si pour Mgr Michel Aupetit, la liberté d’expression ne souffre d'aucune limite, elle doit néanmoins faire l'objet d'une réflexion. « Ce qui veulent caricaturer, qu’ils le fassent mais ça n’empêche pas de réfléchir à ce qu’on fait et à pourquoi on le fait », a-t-il affirmé, soulignant au passage l’importance « d’éduquer à la liberté ».

Un point de vue partagé par Mgr Eric de Moulins-Beaufort, archevêque de Reims et président de la Conférence des évêques de France. Dans un tweet posté en hommage à Samuel Paty, le religieux s’est adressé à la jeunesse pour les encourager à s’exprimer librement, dans le respect de chacun : « Aux jeunes : n'ayez pas peur des paroles des autres et apprenez à dire ce que vous pensez mais avec respect et délicatesse, sans humilier. La violence qui est en nous vient toujours corrompre les attitudes religieuses les plus nobles. »

Ce message de fraternité et de liberté, il l’a de nouveau délivré aux côtés du Premier Ministre, Jean Castex, lors d’une allocution commune vendredi 30 octobre. « En s’attaquant à une église, l’assassin a voulu atteindre en quelque sorte, la France au cœur. Je crois qu’il est important que nous, Français, ne cédions ni peur ni à la colère. Cette colère nous habite et c’est légitime, mais il faut la transformer en énergie pour un bien meilleur. », a-t-il déclaré, avant d’appeler de ses vœux à l’unité nationale. Pour lui, « la France doit manifester sa capacité d’unité comme elle l’a fait après l’assassinat du Père Hamel en s’engageant dans un travail de compréhension et de connaissance mutuelle ».

Mise à jour samedi 7 novembre : « Pas de vraie liberté sans respect et sans fraternité » pour l’Eglise catholique, qui a partagé sa position sur la liberté d'expression dans une déclaration que voici.

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