Points de vue

8 mai 1945 : l’Armée d’Afrique, artisane de la victoire contre les nazis

Rédigé par Chérif Lounès | Jeudi 8 Mai 2014 à 05:59



Le 8 Mai 2014 marque le 69e anniversaire de la chute du régime nazi à laquelle l’Armée d’Afrique a grandement contribué. Dans son appel du 18 juin 1940, de Gaulle évoquait le recours à cette force : « La France n’est pas seule. (...) Elle a un vaste empire derrière elle. »

Il y a près de 70 ans, en août 1944, les Français sous occupation allemande ont vu déferler dans le Midi les divisions de tirailleurs, de zouaves, de spahis, de goumiers, de tabors, de chasseurs d’Afrique... entonnant le chant des Africains. Le débarquement de Provence venait d’avoir lieu, mon père en faisait partie. Engagé en 1937, il s'était retrouvé, après la déclaration de guerre de septembre 1939, sur le front belge avec plusieurs régiments africains. Blessé au combat lors de l'invasion allemande de juin 1940, il fut de retour en Algérie où il resta au service de l'Armée d'Afrique qui continua à se préparer secrètement pour le débarquement.

Il faut rappeler qu’auparavant, cette même armée avait combattu et vaincu l’armée allemande en Tunisie et qu’elle participa au premier débarquement contre les forces de l’Axe en Italie. En effet, fin 1943, au sein du corps expéditionnaire français, commandée par le général Juin, elle s’illustra lors de cette campagne d’Italie durant plusieurs batailles comme celle de Monte Cassino qui dura de janvier à mai 1944, marquée par la prise du Belvédère avant l'entrée victorieuse dans Rome en juin 1944.

De hauts faits d’armes

Dans le même temps, les goumiers participèrent en première ligne à la libération de la Corse. Les combattants musulmans aguerris de cette héroïque armée formeront tout naturellement le fer de lance de la future Première Armée Française sous les ordres du général de Lattre de Tassigny.

Le débarquement de Provence dès août 1944 et la campagne de France et d’Allemagne (1944-1945) furent de très beaux morceaux de bravoure de l’Armée d’Afrique. Elle libère rapidement Toulon, Marseille, Grenoble, Lyon, la Franche-Comté. Elle entre en Alsace après avoir fait la jonction avec les troupes alliées débarquées le 6 juin 1944 en Normandie. Enfin, elle traverse le Rhin et poursuit sa lutte pour la victoire jusqu’au Danube, en Autriche.

Les hauts faits d’armes de l’Armée d’Afrique et ses innombrables victoires permirent à son commandant, le général de Lattre de Tassigny, de siéger en compagnie des chefs des alliés pour obtenir la capitulation de l’armée allemande. Dans son ordre du jour numéro 9 du 9 mai 1945, il écrit à ses soldats : « De toute mon âme, je vous dis ma gratitude. Vous avez droit à la fierté de vous-même comme celles de vos exploits. »

Le général de Montsabert, libérateur de Marseille avec sa 3e Division d'Infanterie algérienne (DIA), écrira lui aussi à ce sujet : « C'est grâce à l'Armée d'Afrique que la France a retrouvé non seulement le chemin de la victoire et la foi en son armée, mais aussi et surtout l'honneur et la liberté ».*

Perpétuer le souvenir de leur grande contribution

En 2006, la création d’une aumônerie militaire musulmane dans les armées françaises, la sortie du film Indigènes et l’inauguration à Verdun d’un monument en hommage aux soldats musulmans ont eu pour conséquence entre autre de rafraîchir notre mémoire collective et de nous rappeler le souvenir de ces oubliés de l’Histoire et de la glorieuse Armée d’Afrique.

Tout au long de ses 130 années d’existence de 1832 à 1962, que ce soit sous la monarchie de Juillet, le Second Empire ou la République et même quand la France paraissait réduite, occupée, humiliée, l’Armée d’Afrique lui est demeurée fidèle. Elle a vaillamment soutenu plusieurs guerres, notamment quand la France fut envahie en 1870, en 1914 et en 1940. L’ensemble des guerres auxquelles elle a participé a coûté un million de vies humaines à l’Armée d’Afrique.* Durant toute cette période à travers victoires et désastres, querelles intestines et changements institutionnels en métropole, l’Armée d’Afrique est toujours restée l’ossature militaire de la France.

Il est important qu’au-delà des anciens combattants, la nation tout entière, liée par le cœur et par les sacrifices consentis pour sa liberté par cette Armée d’Afrique, enseigne et évoque régulièrement le souvenir de celle-ci.

Devant les profanations des tombes de ces soldats coloniaux, l'inquiétant développement du racisme, la discrimination et les exclusions de toutes sortes qui envahissent notre société et devant les troubles internationaux, il est crucial de faire appel à la mémoire et au souvenir de l’Histoire de France.

Chérif Lounès, fils d’un ancien combattant de l’Armée d’Afrique, est un des responsable du projet du futur centre cultuel et culturel musulman de Vitrolles (Bouches-du-Rhône).

* L’Armée d’Afrique 1830-1962, direction Général R. Huré. Editeur Charles Lavauzelle. Paris 1972