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Chroniques du Ramadan

Un Ramadan de Fatihalogie

Chroniques du Ramadan

Rédigé par | Lundi 11 Mars 2024 à 18:00

           


Un Ramadan de Fatihalogie
C'est ma fille qui me pose une question d'islam. Une vraie question de théologie francophone. Je l'ai posée à d'autres personnes autour de moi. À la lumière de leurs réponses, j'estime qu'il faut répondre à ma fille par écrit. Ça donne un petit livre qui, hélas, n'est pas un livre pour les petits. Il vaut aussi pour les anciens petits : Le pacte de sourate Fatiha.

Lire aussi : Al-Fatiha, dans les secrets de la sourate la plus populaire du Coran

J'ai revisité mon enfance ; depuis le temps où j'apprends la sourate Fatiha jusqu'aujourd'hui où je dois enseigner la même Fatiha. Un voyage intérieur, sans concession ni prétention qui m'apprend qu'il y a de la matière pour écrire deux ou trois livres sur un petit sujet qui n'intéresse pas grand monde. Ce fut le début de mon étude analytique de la Fatiha, le début de ma fatihalogie.

Je vais en parler tout ce Ramadan. Un mois de fatihalogie pour que chacun dispose des données de base afin de comprendre ce qu'il fait dans la salat. Car il n'y a pas de musulman sans salat et il n'y a pas de salat sans la sourate Fatiha que le rituel impose de réciter en arabe. Ça ne pose pas de problème à ceux qui parlent arabe. Mais le rituel est le même pour tous. Pour nous, francophones, il importe au moins de savoir ce qu'on récite, dans la Fatiha, au moins 17 fois par jour.

Une place spéciale qui se justifie

La question de ma fille est : « Pourquoi réciter la Fatiha dans chaque rakaat de chaque salat ? »

« Qu'est-ce qu'il y a dans la Fatiha ? », dit-elle, 8 ans à l'époque. Elle allait apprendre la Fatiha et j'avais cru bon préciser que cette sourate est connue de tout musulman, qu'on la récite chaque jour dans la salat. Qu'on ouvre et on ferme nos dou'a par la Fatiha. Qu'il faut bien la connaître en arabe parce qu'elle est notre hymne spirituel à l'échelle mondiale... Des choses que tout le monde sait et que personne ne prend le temps de questionner. « Oui, mais il y a quoi dans la Fatiha au juste ? »

Pour ma fille, la place spéciale d’une sourate se justifie par ce qu'on y trouve. Mais « qu'est-ce qu'il y a dedans ? » est une question qui concerne le Coran entier. De cela, tout le monde parle déjà. En gros, tout le monde sait, à peu près, ce que contient le Coran même si on se préoccupe plus de ce qui n'est pas dans le Coran. Plus de 6 000 versets ; qu'est-ce que les sept versets de la Fatiha ont de si spécial ?

Cette sourate est non seulement le prologue du Livre, elle est aussi la première sourate révélée au complet ; c'est pourquoi on l'appelle « La Complète ». Ce fut la cinquième révélation. Avant elle, ce sont de précieux versets qui ont été révélés, apportant des infos et des consignes précises, répondant à des situations polémiques de l'époque. Mais aucune sourate complète n'avait encore été révélée.

Une question qui se transforme en l’écriture d’un livre

Quelques jours plus tard, quand il faut apprendre le verset 4, je fais répéter « iyaka nahabudu wa iyaka nastahinou ». La traduction de ce verset choque ma fille. Elle pose un poing sur la bouche, se penche en arrière sur sa chaise les yeux au ciel. Au bout de sa réflexion, elle se redresse et retire son poing : « Je ne comprends pas comment Dieu peut parler comme ça. "C'est Toi que nous adorons et c'est de Toi dont nous implorons secours." Dieu ne peut quand même pas dire une chose pareille. »

De la confusion dans les yeux. De la certitude dans la voix. Je demande d'expliquer sa question. Et j'ai compris. C'est moi qui lui ai dit que tout le Coran est saint, la Parole de Dieu; pas du Prophète. Donc c'est Dieu qui parle dans tout le Coran. À qui Dieu s'adresse quand Il dit « C'est Toi que nous adorons et c’est de Toi dont nous implorons secours » ? La question paraît naïve, mais elle est sérieuse.

Ma réponse était au deuxième sous-sol. Il faudrait du temps pour aller la chercher pour l'expliquer à un enfant de 8 ans. L'urgence était d'apprendre le verset 4, de comprendre son message. On verra ensuite « Qui parle dans le Coran ? » même s'il est la Parole de Dieu.

Dans mon souvenir, c'est à cet instant précis que je décide d'écrire sur la sourate Fatiha. Je n'y aurais pas pensé autrement car tout le monde connaît déjà la Fatiha. Mais oui, écrire un article ou deux pour expliquer que la Fatiha est un contrat entre le Dieu et Son calife en mission sur terre. Je pense alors à un post sur Facebook. La suite est une aventure qui aboutit au Pacte de sourate Fatiha, un petit livre où je résume mes idées et mes commentaires personnels sur la sourate Fatiha.

Mon livre est disponible sur Amazon. Je n'aime pas les livres offerts. Selon les études que je sais sur ce sujet, 85 % des gens ne lisent pas les livres cadeaux. Les gens accordent peu d'intérêt à un livre qui est vendu en dessous de sa valeur marchande. C'est une réalité sociologique triste quand on veut faire connaître ses idées. Deux ans que ce livre est vendu, je peux le mettre en accès libre à ceux qui s'intéressent à ce sujet. Bientôt, il suffit d'aller sur un site dédié.

Le but est de partager infos et analyses. Car, à force de répéter les mêmes versets tous les jours, on ne pense plus à se poser certaines questions. Sauf qu'on apprend la Fatiha dans l'enfance, souvent à un âge à peine analytique. Notre compréhension du monde évolue, notre compréhension du Coran reste bloquée à l'enfance. A moins d'être Arabe ou arabophone, il est rare d'évoluer seul.

La sourate Fatiha est un engagement dont il faut connaître le sens et saisir la portée du message essentiel

Mon livre cible le public de musulmans francophones. Le message divin est inchangé depuis qu'il a été révélé. Mais nos facultés cognitives, nos références ne sont pas celles des primo-auditeurs de ce même message. Le Coran a besoin d'être exploré et les approches révisées selon les générations et les réalités intellectuelles qui, elles, ne cessent d'évoluer.

On s'inspire des anciens, on intègre leurs idées et on ramène le tout à nos réalités contemporaines de musulmans francophones. C'est ainsi qu'on cesse de réciter la Fatiha en mode robot, comme une incantation rituelle qu'elle n'est pas. La sourate Fatiha est un engagement dont il faut connaître le sens et saisir la portée du message essentiel. C'est cela qui justifie la place qu'elle occupe dans le Coran autant que dans la liturgie islamique tout comme dans nos usages traditionnels.

En ce mois de jeûne rituel, chaque jour apportera sa donnée fatihalogique. Ça sera une analyse, un commentaire, une histoire ou tout autre chose que je pense utile pour que chacun de nous devienne un fatihalogue francophone qui maîtrise différents aspects des sept versets de cette sourate.

Depuis sa révélation, sa position dans le Coran, ses dénominations, ses usages, sa structure interne jusqu'au sens discursif des versets. Leurs messages essentiels ainsi que leur message d'ensemble. Je ferai de mon mieux pour que ça reste court et concis autant que possible, inchaAllah.

Que Dieu accepte nos efforts. Que Sa guidance nous éclaire. Chacun sait que la vie est éphémère par nature même si on l'oublie souvent. Le succès est garanti à celles et ceux qui optent pour le bien ; celles et ceux qui se conseillent mutuellement la vérité et de l'endurance dans la patience (S. 103). Rendez-vous dans nos dou'a à l'heure de l'iftar, inchaAllah.

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Diplômé d'histoire et anthropologie, Amara Bamba est enseignant de mathématiques. Passionné de... En savoir plus sur cet auteur



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