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Politique

La campagne d’Emmanuel Macron entachée par la gestion de l’affaire Mohamed Saou

Rédigé par | Lundi 10 Avril 2017 à 18:45

           

Un référent départemental de la campagne du mouvement En marche ! a été écarté de ses fonctions pour des messages postés par le passé sur les réseaux sociaux. Le point sur une polémique qui salit le costume de chevalier blanc d’Emmanuel Macron.



Emmanuel Macron aux côtés de Mohamed Saou, référent départemental dans le Val d'Oise pour le mouvement En Marche.
Emmanuel Macron aux côtés de Mohamed Saou, référent départemental dans le Val d'Oise pour le mouvement En Marche.
En marche... sans Mohamed Saou. A deux semaines du premier tour de l’élection présidentielle, ce référent départemental du Val-d’Oise a été écarté du mouvement « jusqu’à la fin de la campagne » par Emmanuel Macron lui-même.

De l’avis même de l’ex-ministre de l’Economie, Mohamed Saou a accompli « un travail remarquable » puisque le nombre d’adhérents à En Marche ! est passé de quelques centaines à plus de 4 000 en quelques mois. Mais il préfère se passer de toute polémique plutôt que de défendre le professeur d’histoire-géographie à qui il doit une partie de son succès.

Son tort ? Il est accusé pêle-mêle d’être proche du Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), du Parti des Indigènes de la République, d’être pro-Erdogan et anti-Charlie Hebdo. La polémique a pris de l’ampleur à la suite d’un billet, publié le 5 avril sur Facebook, de l’ancienne élue socialiste du Val-d’Oise Céline Pina, qui s’était illustrée en rapprochant le port du voile au port d’un brassard nazi. Ses positions très radicales concernant la laïcité lui ont même valu, selon elle, de se faire « congédier » du Printemps Républicain. Céline Pina accuse Mohamed Saou de faire partie des « islamisto-serviles, ces défenseurs d'un Islam identitaire qui tirent à boulets rouges sur la France ».

Une liberté d'expression à deux vitesses

Pourtant, à regarder de plus près les propos qui lui sont reprochés, ils sont l’expression d’une opinion qui lui appartiennent et qui ne sont pas passibles d’être poursuivis en justice. Mohamed Saou a partagé sur Facebook une publication de Marwan Muhammad, directeur du CCIF, dans lequel on aperçoit un enfant syrien offrir un cookie à des policiers qui bloquaient l’accès des migrants à la Hongrie. Puis après une caricature de Charlie Hebdo portant sur les victimes du séisme d’Amatrice en Italie en août 2016, il a déclaré sur le réseau social : « Je n’ai jamais été et ne serai jamais Charlie. Avec eux, la liberté d’expression a une définition et des limites assez surprenantes. On ne rigole pas du malheur des autres. Les familles des victimes du séisme ayant touché l’Italie ne doivent pas trop rire à l’heure actuelle. »

Pour ce qui est de sa prétendue accointance avec le régime de Recep Tayyip Erdogan, cela provient d’un message de soutien qu’il a posté à la suite de la tentative de coup d’Etat en Turquie le 15 juillet 2016. « Quelle leçon de courage et de détermination donnée par le peuple turc ! » écrivait-il. Il précisait, concernant le président turc, qu’il ne connaissait « pas assez pour (se) risquer à donner un avis » mais, s’appuyant sur l’expérience de l’éviction de Mohamed Morsi en Egypte, il estimait que « critiquer Erdogan et ses choix est chose aisée, mais est-on, depuis l’Occident, légitime à donner la leçon à quelqu’un qui a fait pour les réfugiés plus que tous les autres pays réunis ».

La réponse laconique du mouvement

Marwan Muhammad a réagi, dimanche 9 avril, en adressant une lettre ouverte à Emmanuel Macron dans laquelle il dit qu’il « ne comprend en quoi partager (ses) opinions, toutes disponibles en ligne à travers des textes, des vidéos et un livre (...), constituerait une offense aux valeurs d’égalité, de dignité et de diversité (qu'il) prétend incarner ».

Le directeur du CCIF accuse le favori des sondages pour l’élection présidentielle d’avoir écarté Mohamed Saou à cause d’une pression islamophobe car « c’est bien l’expression de son islamité qui lui est reprochée par celles et ceux qui ont exigé de vous son éviction ». Il souligne que, « par milliers, des sympathisant-e-s d’En Marche de confession musulmane, notamment issus des quartiers populaires (mais pas uniquement), ont été sensibles à (sa) démarche et se retrouvent dans une totale incompréhension » et demande à Emmanuel Macron de se positionner concernant la laïcité et la lutte contre l’islamophobie. En parallèle, le mécontentement d'internautes est vite monté pendant le weekend, via le hashtag #LesMusulmansBoycottentMacron.

Richard Ferrand, secrétaire général d'En Marche !, a assuré, pour sa part, que Mohamed Saou demeure le référent départemental du mouvement dans le Val-d'Oise. Dans un communiqué publié dans la soirée du dimanche 9 avril, il assure que ce dernier « a jusqu'à présent donné toute satisfaction en multipliant, par exemple, par dix le nombre d'adhérents de notre mouvement dans son département » mais que, face à la « polémique naissante », Mohamed Saou « a accepté de se mettre en retrait de ses fonctions ».

« Il est hors de question de laisser M. Saou être cloué au pilori des réseaux sociaux et être victime des tentatives d'instrumentalisation qui ont cours dans ces espaces propices à toutes les manipulations et toutes les caricatures. Pour autant, nous n'entendons pas non plus rester sourds aux interrogations légitimes qui ont pu naitre chez certains », indique Richard Ferrand, qui a saisi la commission d'éthique d'En Marche afin qu’elle émette un avis « sur le fond des propos » reprochés à Mohamed Saou « lorsqu'il n'était ni référent, ni même adhérent d'En Marche, afin de déterminer s'ils ont dépassé ou pas le cadre de libre expression qui a cours au sein de notre mouvement ».

Le fond du problème non réglé

Des mesures insuffisantes pour Céline Pina, qui juge que l’équipe d’En marche « cède à un chantage mené par ceux qui ne sont pas Charlie, attaquent la France devant les instances internationales pour la faire accuser d'islamophobie, organisent des manifestations juste après les attentats de Paris pour protester contre l'état d'urgence et le racisme de l'Etat et de la société française ».

Quant au CCIF, il estime que le communiqué d'En Marche « ne répond à rien et aggrave tout ». « Le parti est dans un rétropédalage permanent, tentant de déployer une communication de crise qui ne fait qu’empirer la situation, sans rien régler au fond du problème. Mohamed Saou a été la cible d’une chasse islamophobe et En Marche… a marché ». Un référent départemental aujourd'hui déçu du non-soutien de son mouvement, qui doit désormais gérer une plus grande polémique qu'en adressant une fin de non-recevoir à Céline Pina.

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