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Economie

Halal : quelles marges de manœuvre pour Herta ?

La Grande Mosquée de Paris au cœur de l’affaire

Rédigé par | Mardi 25 Janvier 2011 à 00:11

           

Mauvais buzz pour Herta. Des traces d’ADN de porc auraient été découvertes dans ses Knacki de volaille « halal » et c’est toute la communauté musulmane qui s'émeut de cette tromperie. Après Herta, nul doute que de nouvelles révélations incriminant d’autres marques vont suivre et que des têtes vont tomber, nettoyant un temps soit peu le marché de l’agroalimentaire du faux-halal. En attendant, Herta va bien devoir trouver une stratégie pour se sortir de la polémique et la Grande Mosquée de Paris pourrait bien en faire les frais.



Source photo : requia.canalblog.com
Source photo : requia.canalblog.com
Le halal est depuis longtemps confronté à plusieurs visions, souvent conflictuels. Cependant, ces visions se heurtent désormais à des enjeux économiques et industriels trop importants, vidant de sa substance la véritable notion du halal. Car plus qu’une mode de consommation, le halal est un principe permettant aux musulmans de se conformer et d’obéir aux règles édictées par Dieu. Pour les marques, on ne joue pas la philanthropie : le halal n’est ni plus ni moins qu’un business.

Comme tant d’autres, Nestlé a flairé le bon filon en investissant dans le halal à l’étranger, notamment en Malaisie et au Moyen-Orient. En France, plutôt que de créer une nouvelle marque, elle a simplement décidé de faire de Herta son tremplin vers le halal, alors même que celle-ci est traditionnellement associée à des produits à base de porc. Nestlé a ainsi souhaité capitaliser sur l’image de savoir-faire de Herta, qui fait d’elle un gage de qualité pour les consommateurs, y compris musulmans. Toutefois, la moindre erreur peut lui coûter cher en termes d’image et de chiffre d’affaires.

Des procédés de production « confidentiels »

Il est de notoriété que la chaîne de production des produits « halal » se doit d'être différente de celle des produits conventionnels. Mais est-ce le cas pour Herta ? Pas sûr, sinon comment expliquer les traces de porc dans les Knacki « halal » ? A cette question, Valérie Berrebi, du service de communication de Nestlé, a simplement déclaré à Saphirnews que les procédés de production sont « confidentiels ». Une réponse qui a de quoi laisser sa clientèle dans le flou total.

Désormais, deux options s’offrent à Nestlé pour rassurer sa clientèle. Devant l’ampleur de la polémique, la première consisterait à lancer une nouvelle marque de produits halal. Cette réflexion n’est sans doute pas à l’ordre du jour, l’essentiel aujourd’hui étant de trouver des explications qui puissent convaincre les consommateurs musulmans lésés.

Ce qui nous conduit à la seconde option. Pour le moment, Herta a diligenté une contre-enquête et a décidé d’arrêter la production pour comprendre l’origine des traces de porc afin de montrer qu’elle accorde « la plus grande importance à ses produits halal ». Cependant, Herta n’a toujours pas demandé le retour les produits incriminés, toujours en vente dans les grandes et moyennes surfaces. C’est dire la plus grande importance qu’elle attache aux consommateurs de culture musulmane...

Pas de traces d’ADN dans la contre-enquête de la GMP

Pour se dédouaner de ses erreurs, Herta n’aurait alors d’autre choix que de mettre indirectement en cause la Grande Mosquée de Paris (GMP), qui certifie ses produits « halal » sous le label SFCVH (Société française de contrôle de viande halal). « Nous respectons le système de fabrication mis en place et validé par la Grande Mosquée de Paris », a déclaré Mme Berrebi, tout en indiquant que « quatre contrôleurs de la Grande Mosquée de Paris » travaillent pour Herta. En somme, Herta suit leurs instructions et, s’il y a problème, c’est avec la GMP qu’il faut voir.

En réaction, la GMP a fait savoir, lundi 24 janvier sur son site Internet, qu’une contre-enquête a été diligentée et que des analyses effectuées par un laboratoire indépendant en Allemagne, Genetic ID, « appliquant des seuils de détection encore plus stricts (…) que ceux utilisés par Eurofins, démontre, in fine, l’absence de toutes traces d’ADN de porc dans les produits concernés. » Bizarre, mais Herta n’a toujours pas communiqué cette nouvelle publiquement, alors qu’elle a tout intérêt à le faire. L'information n'a donc pas été confirmée à ce jour.

La confiance aux produits de la SFCVH-GMP effritée

Il n’en reste pas moins qu’en raison du peu d’information que la SFCVH offre aux consommateurs, de plus en plus de musulmans choisissent de boycotter les produits certifiés par la GMP, qui leur semblent douteux, le doute devant être rejeté dès lors qu’il s’agit de consommer halal.

Pour s’en laver les mains et conserver la marque Herta, Nestlé pourrait décider de lâcher la GMP et de choisir un autre organisme de certification. Dans ce cas, elle aurait tout intérêt à choisir AVS, la certification la mieux réputée auprès des musulmans. Pourtant, le seul gros acteur industriel du halal faisant confiance à AVS à présent est Isla Délice.

Pour régler les principaux conflits qui minent le marché du halal, la charte du halal, élaborée par le Conseil français du culte musulman (CFCM), pourrait résoudre quelques problèmes inhérents au marché à moyen terme si tout le monde décidait de la suivre. Toutefois, la charte n'a toujours pas été adoptée à ce jour. Les luttes intestines entre les fédérations qui composent le CFCM sont tenaces.




Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur



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