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Monde

Drame de La Mecque : l’Iran et l’Arabie Saoudite à cran

Rédigé par Mérième Alaoui | Vendredi 2 Octobre 2015 à 08:00

           

Les tensions déjà très vives entre l’Iran et l’Arabie Saoudite sont plus que ravivées depuis le drame survenu à La Mecque. Menaces et accusations se sont multipliées ces derniers jours, alors que les victimes iraniennes ne sont toujours pas enterrées.



Drame de La Mecque : l’Iran et l’Arabie Saoudite à cran
Rien ne va plus entre l’Iran chiite et l’Arabie Saoudite sunnite. La bousculade à La Mecque en plein Hajj le 24 septembre, qui a fait au moins 769 morts selon un dernier décompte, a ravivé les tensions entres les deux rivaux politiques. L’Iran paye un très lourd tribut avec 464 morts, soit plus la moitié de l'ensemble des victimes.

Depuis la catastrophe, l’Iran multiplie les menaces et accusations. La dernière en date vient de l’ayatollah Khamenei, le guide suprême, qui a menacé, mercredi 30 septembre, de réagir « durement » si l’Arabie Saoudite ne rapatriait pas les corps des pèlerins iraniens morts lors de la bousculade à Mina. C’est le seul pays qui a fait une telle demande, ce qui en dit long sur la gravité des tensions. En temps normal, les pèlerins qui décèdent en terre sainte sont enterrés sur place par les autorités saoudiennes. La mise en terre à La Mecque, haut lieu de l'islam, est d'ailleurs considérée, pour une grande majorité de musulmans, comme « une bénédiction ».

Le rapatriement d'une partie des corps était attendu le 29 septembre à Téhéran. Mais en raison de vives tensions avec Riyad et de couacs sur des autorisations d'atterrissage en Arabie Saoudite non délivrées aux avions chargés de récupérer les défunts, le retour des dépouilles a été reporté. Finalement, un accord a été trouvé, jeudi 1er octobre, entre les deux pays à l'issue d'une rencontre entre les ministres de la Santé.

L'Iran exige des excuses

Si le rapatriement des corps est en cours, les relations ne sont pas pour autant apaisées. L’Iran exige en effet du royaume saoudien des excuses. Il doit « présenter des excuses à la communauté islamique et aux familles endeuillées, accepter leur responsabilité dans ce terrible accident et remplir leurs obligations. Le monde islamique a de nombreuses questions, la mort de plus de 1 000 personnes dans cet accident n’est pas une petite affaire », a déclaré Hassan Rohani, le numéro un iranien, qui a pressé les Nations Unies de « rappeler au gouvernement saoudien ses devoirs ».

Dès l’annonce de l’accident, l'ayatollah Ali Khamenei, cité par l'agence Irna, a dénoncé des « mesures inappropriées » et une « mauvaise gestion » du Hajj par les Saoudiens qui seraient à l'origine de la tragédie. Il a, dans la foulée, annoncé un deuil de trois jours dans le pays. Des manifestations anti-saoudiennes, qui ont rassemblé des centaines de personnes, ont très vite été organisées à Téhéran.

De son côté, l’Arabie Saoudite a vivement réfuté les critiques de son rival, l’accusant même d’opportunisme politique. « Je crois que les Iraniens auraient mieux à faire que d’exploiter politiquement une tragédie qui a touché des gens qui observaient leurs rites religieux les plus sacrés », a réagi le ministre des Affaires étrangères Adel al-Jubeir, lors d’une rencontre avec son homologue américain John Kerry.

Hasard du calendrier, le chef de la diplomatie saoudiennne et le président iranien Hassan Rohani se sont retrouvés à New York pour l’Assemblée générale de l’ONU qui se tient depuis lundi 28 septembre. Ils n’ont pas raté une occasion de s'affronter par déclarations incendiaires interposées.

Des théâtres d'affrontements qui accentuent les rivalités

Leurs échanges musclés traduisent une guerre froide qui s’est durablement installée sur plusieurs fronts entre les deux parties. L’offensive contre les Houthistes, lancée en mars au Yémen par la coalition de pays arabes sunnites menée par les Saoudiens, est vivement critiquée par l’Iran, qui soutient la minorité chiite. Pour Ali Khamenei, il s’agit là de « crimes » et même de « génocide », n’hésitant pas à comparer les bombardements saoudiens aux frappes israéliennes contre Gaza. Quatre ans auparavant, en pleine « révolution de la Perle » (en référence aux manifestations place de la Perle, à Manama), Riyad avait envoyé ses troupes au Bahreïn pour défendre la dynastie sunnite menacée par des révoltes d'opposants, en majorité chiite.

L’autre théâtre d’affrontement particulièrement sensible est évidemment la Syrie. L’Iran est accusé de prêter main forte à la répression sanglante du régime de Bachar al-Assad contre son peuple tandis que l’Arabie Saoudite est pointée du doigt pour armer les jihadistes affiliés à Al-Qaïda. Autre point générateur de tensions, l’accord sur le nucléaire iranien signé en juillet dernier avec les grandes puissances occidentales, accord qui continue de faire grincer des dents en Arabie.

Leur rivalité historique n'a cessé de se renforcer ces dernières années, et le drame de La Mecque n'arrange en rien les relations. Les pèlerins victimes de l'accident vont être otages de ces tensions pour encore longtemps.

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