Connectez-vous S'inscrire

Points de vue

De la colonisation française : Mayotte, le dernier caprice de la Françafrique

Rédigé par Nassurdine Haidari | Jeudi 13 Août 2015 à 12:00

           


La 9e édition des Jeux des îles de l'océan Indien (JIOI) s'est déroulée du 1er au 9 août 2015 à l'île de la Réunion.
La 9e édition des Jeux des îles de l'océan Indien (JIOI) s'est déroulée du 1er au 9 août 2015 à l'île de la Réunion.
Les incidents qui ont émaillé la 9e édition des Jeux des îles de l'océan Indien (JIOI) entre les Comores et la France ont ravivé l’un des derniers contentieux de la Françafrique : l’occupation de la quatrième île des Comores. En toute connaissance de cause, la France a manqué à sa parole en violant délibérément la charte des Jeux qui stipulait clairement que Mayotte ne pourrait « arborer aucun symbole de l’Etat français (hymne et drapeau) ».

Cette attitude méprisante, vis-à-vis du peuple comorien, a renvoyé le gouvernement français aux pires heures de la colonisation où la France s’arrogeait le droit de bafouer ses propres lois pour marquer sa domination. Devant ce caprice d’appropriation, les athlètes comoriens ont pris leurs responsabilités, en criant haut et fort leur refus de voir la politique brutale de la France entacher les JIOI et l’intégrité territoriale des Comores. Une attitude qui entrera dans l’Histoire des Comores comme un acte de patriotisme assumé par ces sportifs exaspérés de voir la France piétiner l’honneur et la parole du peuple comorien.

France-Mayotte : un délire colonial

Les résultats de la consultation du 22 décembre 1974 sur l’indépendance des Comores n’ont souffert d'aucune ambiguïté. Près de 95 % des suffrages exprimés dans les quatre îles des Comores ont été favorables à l’indépendance. Furieuse et vexée, la France, en signe de représailles, rechercha par tous les moyens d’invalider les résultats sortis des urnes. Elle activa certains réseaux d’extrême droite (notamment l’Action Française avec Pierre Pujo) et organisa deux milices (les Chatouilleuses et les Bastonneurs) pour entretenir un climat de peur et de terreur.

Conscientes des enjeux géopolitiques de la région, les autorités françaises n’auront de cesse que de maintenir l’instabilité politique (par le soutien direct et implicite aux mercenaires et principalement à Bob Denard) et de contrôler le non-développement économique des Comores (par le contrôle monétaire de la Banque des Comores et par les incidences du CFA), allant jusqu’à semer la division sociale par le visa de la mort (visa Balladur en 1994).

Cette politique de barbouzes, qui a conduit la France à se donner le droit d’arrimer Mayotte à la France, en toute illégalité au regard du droit international, est purement scandaleuse. Plus d’une vingtaine de résolutions de l’ONU bafouées par le pays des droits de l’homme et toujours la même volonté aveugle, néocoloniale, de démontrer, par la force de l’illégalité et par le sang des échoués de l’océan Indien, que rien n’arrêtera ce délire néocolonial de se garder une place stratégique dans l’océan Indien et cela quel que soit le prix à payer, vu que la « facture humaine » est du côté de ceux qui n’ont plus le droit d’être protégés par le droit... Une colonisation en règle, une spoliation territoriale qui plonge, jour après jour, l’archipel des Comores dans cette « indépendance d’occupation » que nous condamnons et qui nous oblige à prendre des mesures coercitives fortes à la hauteur du mépris et de l’arrogance néocoloniale des autorités françaises.

De la colonisation française : Mayotte, le dernier caprice de la Françafrique

Rompre diplomatiquement avec la France, une nécessité

Depuis une quarantaine d’années, les Comores ont tenté de raisonner la France et ont essayé de trouver une solution pacifique à la question mahoraise. Une entreprise qui s’est soldée par un échec cuisant tant la France n’a jamais montré le moindre signe d’apaisement. Au contraire, elle a continué à dicter sa loi, en départementalisant une partie du territoire comorien, en justifiant administrativement « sa prise de guerre » auprès des instances européennes et en demandant au peuple comorien de se soumettre au nouveau statut de Mayotte.

Face à cette énième provocation, les Comores n’ont plus le choix et ne pourront plus contenir le peuple. Les responsables politiques devront clarifier leurs positions en décidant de rompre les relations diplomatiques avec la France en ne s’interdisant pas de regarder vers d’autres pays pour assurer le développement et le rayonnement des Comores. Si ce combat vers les chemins de la dignité et de la liberté est un combat sincère des autorités comoriennes, il devra s’inscrire dans la rupture car la France n’est pas le seul horizon indépassable de l’Afrique et de l’océan Indien. Certains pays comme le Rwanda, qui ont décidé de se soustraire à l’influence néfaste des réseaux français en Afrique, ont retrouvé une souveraineté territoriale et une santé économique. Pourquoi pas les Comores ?

En même temps, les autorités comoriennes devraient sérieusement envisager de saisir la Cour pénale internationale (CPI), dont les statuts ont été ratifiés par la France. En désignant des hommes, femmes et enfants clandestins dans leur propre pays, en les expulsant manu militari vers les autres îles sœurs et en les maintenant souvent dans des conditions de détention inhumaine, la France se rend coupable aux yeux de la CPI de transfert forcé de population et de persécution d’un groupe identifiable pour des motifs d’ordre politique. Une initiative qui mettrait peut être fin à cette fausse amitié de la France qui se traduit par toujours plus d’occupation et plus d’arrogance.

François Hollande avec le président de l'Union des Comores en France en 2013.
François Hollande avec le président de l'Union des Comores en France en 2013.

La rupture économique, une preuve de responsabilité

Cette rupture devra également s’inscrire dans une stratégie plus globale de politique sanction en boycottant les entreprises françaises aux Comores et en demandant à nos pays frères et amis, ceux de la Ligue arabe et de l’Union africaine, de les boycotter tant que notre intégrité territoriale ne sera pas rétablie. Une politique volontariste, courageuse et sans faux-semblant. Car dire que Mayotte est comorienne en acceptant tacitement l’occupation du territoire et sa départementalisation, en recevant chaleureusement François Hollande qui a encore affirmé que Mayotte était pleinement la France – en d’autres termes, que la violation du droit international aux Comores lui donnait le droit d’inscrire pleinement cette île dans le paysage français – est une haute trahison, une forme de capitulation et une hypocrisie sans nom des autorités comoriennes qui, sans courage ni conviction, jouent avec la vie et l’honneur de son peuple. La liberté ne supporte pas les incertitudes, les postures de circonstance et ne tolère pas les impostures.

Sans parler de la tutelle monétaire au travers de cette arme de régression économique massive qui empêche les Comores de toute embellie économique. La question du franc CFA doit maintenant être posée et assumée en toute lucidité car ne pas contrôler sa monnaie revient à donner à la France le pouvoir de faire plier toute aspiration comorienne.

Quel rôle de la diaspora comorienne ?

Face à l’outrance de l’occupation des Comores, la diaspora franco-comorienne devra également prendre ses responsabilités. Elle devra s’unir au-delà de toutes ses divergences et exiger des élus de la République française de défendre le droit contre la force et l’arrogance de l’injustice coloniale française. Elle devra mettre en place un « comité de vigilance » pour dénoncer avec l’ensemble des citoyens progressistes de France et des Comores, les atrocités de cette occupation illégale ; œuvrer pour préserver la langue, la culture, la fraternité et les traditions comoriennes en plaçant la récupération de l’intégralité du territoire comorien comme l’un des nombreux combats à mener.

Mais dénoncer ne suffira pas, il faudra se battre, enseigner à nos enfants que l’amitié a un prix, celui du respect mutuel, que la liberté a un sens, l’autodétermination, et que l’injustice n’est pas un droit. La diaspora devra exiger des candidats à la présidentielle des Comores de rompre avec la France si celle-ci décide de maintenir son occupation sur Mayotte. Ne pas engager cette démarche serait un acte de pure trahison et de non-assistance à population en danger.

Les masques tombent, les responsables politiques des Comores ne pourront plus pleurer Mayotte devant le peuple comorien et maintenir un silence complice et coupable une fois invités à Paris. Le temps de la clarification, du courage politique, du combat pour notre totale liberté et notre indépendance a sonné et la France n’y échappera pas. Car la liberté et la dignité se frayent toujours un chemin vers les lumières de la sincérité du droit et de justice.

****
Nassurdine Haidari est ancien élu socialiste et président du Conseil représentatif des associations noires de France (CRAN) dans la région PACA.





SOUTENEZ UNE PRESSE INDÉPENDANTE PAR UN DON DÉFISCALISÉ !